
FIBD d’Angoulême 2016 – Jour 2. Dans l’effervescence de la librairie Cosmopolite, nous avons rencontré Sylvain Runberg et Jean-Charles Poupard pour parler de leur sortie du moment : Le Chant des Runes. Une rencontre des plus agréables durant laquelle le prolifique scénariste nous a fait quelques révélations sur ses futurs projets. Un Sylvain Runberg plus Rock’n’Roll que jamais ! Et la vérité n’est pas ailleurs mais bien ici !
Le Chant des runes est un thriller fantastique qui se déroule en Suède. Un hommage à une de tes terres d’adoption, Sylvain ?
Sylvain Runberg : Oui, tout à fait ! Si j’ai choisi Stockholm, d’abord c’est parce que j’y habite. Et c’est aussi parce que j’ai l’habitude en fait de placer des scénarii et des récits dans des villes que j’aime bien. Auparavant il y a eu Londres, Tokyo, Aix-en-Provence, déjà Stockholm avec Millénium notamment. Et là, une fois de plus, c’est un récit qui se passe à Stockholm. C’est un polar, un polar fantastique. On va y découvrir un personnage principal qui est une femme flic stockholmoise qui a déjà une bonne carrière derrière elle. Elle est donc endurcie. Elle se retrouve face une affaire où elle va découvrir qu’en fin de compte toutes les créatures de la Mythologie nordique que l’on pensait être des légendes sont réelles, vivent encore cachées parmi nous et sont en général impliquées dans des activités criminelles. Et cela va être un tournant dans sa vie. Parce qu’elle va devoir faire face à cette nouvelle réalité aux côtés d’un archéologue qui est aussi un chaman, Josef Wörg. Il est en contact avec ce monde-là depuis sa naissance puisque cela tient d’une tradition familiale depuis des siècles, voire des millénaires. Donc, ce récit-là va être axé sur les enquêtes de ce duo de personnages, à Stockholm, dans ce milieu inconnu de tous avec ces créatures issues de la Mythologie nordique commettant des crimes. Voilà les bases du récit.
Tu oscilles d’un genre à l’autre avec aisance. Adaptations de roman, fiction, polar, et bien d’autres choses encore. Comment organises-tu ton travail d’écriture pour être aussi percutant ?
SR : En fait, il faut travailler régulièrement. En général, je travaille les scénarii seul sans dessinateur, à la base, de manière à pouvoir présenter des dossiers qui sont très avancés «scénaristiquement» aux éditeurs. Cela me permet d’avoir beaucoup d’avance sur les dessinateurs et d’avoir le recul nécessaire dans l’écriture qui permet d’avoir une vision d’ensemble, de savoir dès le départ où je vais et de ne pas me retrouver à faire des pages en dernière minute pour que les dessinateurs ne se retrouvent pas sans matériel sur lequel travailler. C’est beaucoup de travail en amont. Un travail régulier. J’ai des plannings semaine par semaine. Mon planning est déjà organisé jusqu’en décembre 2016. Voilà, c’est vraiment de la régularité, de la passion et du travail.
Tu es donc très rigoureux et très organisé.
SR : J’essaye en tout cas. Ensuite la diversité des genres et des récits, cela représente mes goûts de spectateur ou de lecteur. J’aime des choses très différentes. Avant tout, j’écris pour moi en fin de compte. C’est un plaisir. Quand je développe un récit, j’écris quelque chose que, moi, j’aurais envie de lire et que je n’ai pas lu auparavant. C’est vrai que cela représente aussi mes goûts.
Jean-Charles, tu en es à ta deuxième série après Jack l’éventreur chez Soleil. Comment s’est concrétisée ta collaboration avec Sylvain sur ce projet ?
Jean-Charles Poupard : C’était par une rencontre avec Philippe Hauri, directeur éditorial chez Glénat, qui était intéressé par mon travail et qui m’a proposé plusieurs projets, dont celui de Sylvain sur Le Chant des runes. Cela m’a tout de suite parlé parce que j’ai un petit peu vécu en Norvège pour mes études. C’est une société, des paysages, une culture qui m’intéressent énormément. Et du coup, j’ai sauté sur l’occasion.
C’est un récit très contemporain. As-tu eu besoin de faire beaucoup de recherches pour tes décors, etc…?
JCP : Je me suis basé sur énormément de documentation. Déjà sur Jack l’éventreur, je travaillais avec beaucoup de documentation. J’ai également fait un album d’heroic fantasy qui n’est pas encore sorti, Les Maîtres Inquisiteurs, où là aussi j’ai fait beaucoup de recherches. Même si c’est complètement de la fantasy. C’est-à-dire que je voulais rendre le plus crédibles possible les lieux dans lesquels se passent les actions, les scènes. Pour Le chant des runes, il me semblait nécessaire d’avoir des références solides par rapport à ce à quoi ressemble Stockholm, les rues, l’ambiance générale. Et ensuite pour guider Johann Corgié dans les couleurs, il fallait aussi que j’aille sur place pour prendre des photos et que je ressente tout cela pour rendre le mieux possible l’histoire.
Je rebondis sur ce que disais Sylvain tout à l’heure, à savoir que tout écrit longtemps à l’avance de son côté. Est-ce que tu as eu besoin de retravailler certaines choses avec lui malgré cela ?
JCP : Oui, cela arrive. Par exemple sur le premier tome, sur une scène un petit peu d’action, Eva poursuit un suspect qui traverse une quatre voies. C’est moi qui l’ai proposée. A la base c’était quelque chose de plus sobre et je me disais que ce serait pas mal pour dynamiser le récit. Je l’ai proposé à Sylvain. Il a trouvé que c’était une bonne idée et du coup, on l’a mise en place. Et sur la suite, parce qu’il est vrai que pour le tome un il avait quasiment tout écrit, mais pour la suite on a beaucoup échangé. Notamment, quand je suis monté le voir. Même par mail, quand j’ai des idées pour la suite du scénario, je lui propose et ensuite on discute de tout ça. Et après, c’est lui qui fait la grande majorité du travail d’écriture.
Sylvain, tu reviens vers le fantastique. Cela correspond à une envie précise ?
SR : En fait, j’avais envie de mêler deux choses qui sont vraiment très liées dans la culture scandinave et suédoise. C’est la tradition du polar. Le polar suédois, c’est quelque chose et Millénium en est un exemple, très connu. Il y a vraiment une tradition d’écriture du polar en Suède. Et d‘y intégrer quelque chose qui est aussi très lié à la culture scandinave, ce sont les Mythologies nordiques. C’est donc de mêler ces deux aspects-là qui sont très intéressants. Ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent, il me semble. Un polar scandinave qui mêle la Mythologie scandinave aux enquêtes et de nos jours. C’était aussi une suggestion de notre éditeur, Philippe Hauri, qui nous disait que cela pouvait être quelque chose de vraiment intéressant. Cela permet d’aborder à la fois les aspects ludiques sur la Mythologie scandinave et en même temps de rester très ancré dans la société suédoise actuelle. Toutes les enquêtes seront assez liées aux bouleversements que peuvent connaitre les sociétés européennes en général mais au travers de ces crimes commis par ces créatures réputées légendaires. Cependant dans cet univers-là, elles sont bien réelles.
Le Chant des Runes est donc un diptyque. Y aura-t-il d’autres enquêtes si celui-ci marche ?
SR : Oui, c’est tout à fait ça. On espère faire une série qui ira au-delà du tome 2. Après, ce seront des enquêtes en deux tomes avec les mêmes personnages. Mais c’est au lectorat de choisir.
Toujours dans la veine fantastique ?
SR : Oui, le fantastique va prendre une place de plus en plus importante dans la série même si ce sera toujours sous le format d’enquêtes policières. Alors ce n’est pas quelque chose qui est fait, mais il y a deux semaines une société de production scandinave de télé a contacté l’éditeur. Et elle serait éventuellement intéressée de mettre une option sur la série pour un développement en série télé.

Le chant des runes – page 6 © Glénat
Avec un droit de regard de ta part ?
SR : Oui, tout à fait !
Tu pourrais être amené à réaliser des épisodes ?
SR : Je ne sais pas mais il y aurait des possibilités. En plus, je travaille actuellement sur un projet de série télé. On verra, ça pourrait être un côté intéressant pour le développement de la série.
Tu mets souvent en avant des héroïnes féminines (Thusia dans Reconquêtes, Louise Fernbach dans Drones, et ici Eva Sundström ). Pourquoi ce choix ? Un côté féministe ?
SR : Alors moi je suis féministe, tout à fait ! Après pour ce qui est du choix du genre des personnages, il n’y a pas de volonté militante du tout derrière. Par exemple ici sur Le Chant des runes, c’est quand même un récit qui s’inscrit dans la société suédoise actuelle. La place de la femme est faite. C’est un pays où l’égalité homme/femme est quelque chose de très important et est plus ou moins respecté depuis des décennies. En fait, je n’ai même pas réfléchi. C’est venu tout naturellement. Quand on croise des policiers dans Stockholm, en général c’est mixte. Donc là, j’ai pris une jeune femme, une inspectrice endurcie et qui est quelqu’un de terrain. Elle est célibataire parce que Stockholm est une des villes au monde où il y a le plus de célibataires. Cela s’inscrit logiquement dans cette réalité-là. En plus dans le métier de policier, il y a beaucoup de célibataires et de divorcés. C’est comme cela que s’est fait le choix du personnage. C’est assez naturel.
Dans les projets à venir, il y a quelque chose autour de Millénium me semble-t-il ?
SR : L’adaptation des trois premiers romans est terminée. Ce sont les six premiers tomes. Et moi, je vais débuter en fait un récit inédit de Millénium qui sera situé après le troisième roman.
Reconquêtes est en pleine phase graphique avec François Miville-Deschênes.
SR : Oui, le tome 4, et il termine la série.
Jean-Charles, tu es déjà attelé à la réalisation du tome deux du Chant des runes ?
JCP : Oui, oui. J’ai dépassé le tiers du tome 2.
Tu as d’autres projets ?
JCP : Je n’ai pas le temps d’avoir d’autres projets. On a peut-être une idée pour un autre projet avec Sylvain. Mais ce n’est pas encore concret.
SR : Il est trop tôt pour en parler.
Merci beaucoup de nous avoir consacré un peu de temps durant cette séance de dédicaces. Bonne continuation !
SR & JCP : Merci à toi.
Propos recueillis par Stéphane Girardot
Interview réalisée le 29 janvier 2016.
Toutes les images sont la propriété de leurs auteurs et ne peuvent être utilisées sans leur accord.
Réagissez !
Pas de réponses à “Dans le bulle de… Sylvain Runberg et Jean-Charles Poupard”