
© 2023 Casterman

- Titre(s) : Un tournage en enfer – Au cœur d’Apocalypse Now
- Scénariste(s) - Dessinateur(s) - Coloriste(s) : Florent Silloray
- Editeur(s) : Casterman
- Parution : Mai 2023
- Prix : 24,00 €
- EAN : 9782203216532
Sarah Evans, jeune attachée de production sur le tournage d’Apocalypse Now, revient sur ses souvenirs de cette période. Elle commence par probablement l’un des événements les plus marquants des plus de 18 mois de tournage aux Philippines, le moment où elle se précipite auprès de Martin Sheen, l’acteur principal du film, qui vient tout bonnement de faire un infarctus. Il ne s’agit là que de l’un des nombreux actes rocambolesques de cette réalisation qui débute en mars 1976 et marquera l’histoire d’Hollywood. Il y a pour commencer le renvoi du premier rôle, Harvey Keitel, remplacé par Martin Sheen, les typhons qui détruisent les décors, le climat détestable, la maladie tropicale, la drogue et l’alcool à gogo, les caprices de stars, les dépassements de budgets pharaoniques, une fin de script qui échappe à Francis Ford Coppola qui la retravaille toutes les nuits, des phases de montage interminables… Au fur et à mesure, l’ambiance devient de plus en plus pesante et cette expérience se transforme en un véritable enfer pour tout le monde, y compris pour Coppola, gagné par la dépression et la paranoïa, et sa famille. Au final, pour un budget de plus de 30 millions de dollars, le film en rapportera 140 à la fin de son exploitation locale et mondiale. Sans oublier la Palme d’Or du Festival de Cannes de 1979 ainsi que de nombreux autres prix !
Quelle performance extraordinaire de Florent Silloray qui arrive à nous immerger complètement dans la folie et la démesure du tournage puis du montage d’Apocalypse Now, adaptation libre du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad paru en 1899 rappelons-le ! Où l’on comprend très rapidement que ce film est révolutionnaire à plus d’un titre car il est l’un des derniers grands films de l’histoire du cinéma intégralement tourné en prise réelle avant l’arrivée des effets spéciaux et celui de la fin du cycle du Nouvel Hollywood, une période où les réalisateurs ont l’ascendant sur les producteurs et les grands studios pour imposer leur vision, laissant la place à l’ère des “pop-corn movies” en pleine évolution à ce moment-là, avec Star Wars de George Lucas notamment. Le travail de fond de l’auteur est incroyable. Ce dernier a notamment pu s’appuyer sur la matière fournie par le documentaire d’Eleanor Coppola, la femme du réalisateur, intitulé Au cœur des ténèbres : l’Apocalypse d’un metteur en scène (1991). Au final, l’image de Francis Ford Coppola, le sorcier de Napa Valley, n’est pas très reluisante. Il est certes génial mais aussi dépressif, paranoïaque, dictatorial et mégalomane, conséquences probables de la pression subie étant donné son engagement financier personnel sur le projet. Sur la forme, comme un hommage au film, Florent Silloray utilise un narrateur, plus précisément une narratrice qu’il a inventée et qui est le pendant du capitaine Willard. Mais le point le plus remarquable de l’album est certainement la couleur. Après deux albums où le papier kraft est utilisé avec le noir et blanc (Cappa et Cooper), le changement est total pour l’auteur, une nécessité pour imager cette œuvre dont la photographie a été distinguée par un Oscar en 1980. Le judicieux mélange des techniques (aquarelles, crayons) restitue parfaitement le statut de personnage à part entière de la couleur/lumière du long métrage.
Une réussite qui donne une furieuse envie de se replonger dans le film. À lire sans hésitation !
Stéphane Girardot
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