
© 2021 Casterman
Titre : Le Peintre hors-la-loi
Scénariste – Dessinateur : Frantz Duchazeau
Coloriste : Drac
Éditeur : Casterman
Parution : Mars 2021
Prix : 20€
Paris, 21 janvier 1793. Lazare Bruandet fuit la capitale avec l’aide de son ami Bertaux afin de ne pas se faire arrêter par la maréchaussée car il vient de tuer sa femme, qu’il soupçonnait d’infidélité. Quelques heures avant, Louis XVI était guillotiné. C’est le temps de la Terreur révolutionnaire. Caché dans une abbaye de la forêt de Fontainebleau, il se met à peindre la nature environnante qui le fascine. Il crée toujours en quête d’une vérité de façon non académique et sans se soucier de la postérité de son œuvre. Peintre hors-la-loi au caractère irascible, porté sur la boisson, il tombe malgré tout sous le charme d’Hollandine, la fille d’un aubergiste, et aide les moines qui l’hébergent pour qu’ils puissent se défendre des milices. Lazare Bruandet, étrange et inquiétant personnage tourmenté par ses souvenirs d’enfance, qui manie aussi bien les pinceaux que l’épée avec beaucoup de poésie, a bien du mal à s’extraire de ce monde où la violence et la bêtise ne font que croître.
Loin d’être une biographie de Lazare Bruandet (1755-1804), Frantz Duchazeau (La Main heureuse) s’attelle dans ce récit historique à remettre en lumière, avec très peu d’éléments, ce peintre paysagiste méconnu en s’intéressant à une tranche précise de sa vie : cette année 1793, où le roi Louis XVI est décapité et où il tue sa femme, offre une introduction doublement sanglante à ce roman graphique, la violence “privée” faisant écho à la violence “publique”. Même si on peut apprécier la démarche artistique, à l’opposé de celle de plusieurs peintres révolutionnaires (les discussions avec son ami Bertaux permettent d’appuyer ce point), il est difficile d’éprouver une quelconque empathie pour ce personnage que l’auteur représente de façon très inquiétante avec un visage émacié et des yeux exorbités, tout simplement parce qu’il est violent, alcoolique à ses moments, a tué sa femme et a fui. Cependant, certains traumatismes de son enfance judicieusement exposés lors de flashbacks permettent de comprendre, sans excuser, pourquoi il y a tant d’agressivité en lui. Au fil des pages, le lecteur s’aperçoit que l’existence du peintre est tout aussi chaotique que la période révolutionnaire qu’il a traversée, tout comme il sera marqué par les cases contemplatives où les paysages peints par Bruandet se dévoilent à nous avec un souci du détail très prégnant, une sensation parfaitement exacerbée par la mise en couleurs de Drac. Pour être en symbiose avec l’artiste qui disait que “souvent un simple croquis est plus ressemblant qu’un portrait”, Frantz Duchazeau n’esquisse ou ne représente ses personnages qu’avec des aplats noirs de façon très efficace.
Un roman graphique sur un personnage atypique qui donne envie de (re)découvrir ses œuvres et offre une vision différente sur la période révolutionnaire.
Stéphane Girardot
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