Titre : L’Homme à la fenêtre
Scénariste : Lilia Ambrosi
Dessinateur : Lorenzo Mattotti
Éditeur : Casterman
Collection : Écritures
Parution : Août 2018
Prix : 25€
Tout d’abord, il y a Irène avec qui il a eu une relation sérieuse. Mais depuis, leur histoire s’est arrêtée. Peut-être parce qu’elle désirait un enfant et qu’il n’était pas à même de satisfaire cette envie ? Cependant, au hasard d’une lettre ils se revoient. Il apprend alors qu’elle est enceinte ! Puis il y a Myriade, cette étrange botaniste qui petit à petit devient aveugle, pour qui il a une grande affection et vit dans l’attente du retour de celui qu’elle aime. Cependant, ce dernier, professeur en botanique, se joue d’elle. Peut-être par peur de se lier à quelqu’un pour toujours et perdre sa liberté ? Et enfin il y a Aurore, revue par hasard dans la chambre d’hôpital d’un ami commun, avec qui il partage des moments intimes. Malgré tout, il est toujours à la recherche d’une inspiration, d’une femme, d’un souvenir ou d’un morceau de fer. Lui, le sculpteur. Enfin, il l’est sans être certain de vraiment l’être. D’ailleurs, il s’arrête définitivement de créer à un moment donné. Est-ce sa rencontre avec le glaçant « déchireur » qui est à l’origine de cet abandon ? Ce qui est certain, c’est qu’il regarde par sa fenêtre car il est sensible aux lumières, aux vents et aux lignes qui se brouillent dans les paysages de la ville. Il avance dans ses promenades et ses cauchemars sans savoir où et quand s’arrêter, centré sur lui-même. Incapable de voir ce qui se passe autour de lui et de s’approprier la beauté, la vérité et l’amour qui l’habitent.
Après le magnifique Guirlanda, les éditions Casterman rééditent pour la deuxième fois L’Homme à la fenêtre (après 2003 et une première édition en 1992 chez Albin Michel) afin de (re)découvrir ce superbe et introspectif roman graphique qui ne laissera personne indifférent. Comme le précise Lilia Ambrosi dans la préface, cet album a été créé durant une période bien précise : « la fin d’un voyage » qui symbolise la fin de sa relation avec Lorenzo Mattotti. Il y a donc dans les cinq chapitres qui le composent une grande part d’autobiographie. Une source émotionnelle assez forte qui impose au récit un rythme narratif assez lent et permet à Lilia Ambrosi de poser des textes assez conséquents et très lyriques où elle se livre. Une mise à nu dont celle du dessinateur se fait un parfait écho. Très loin des explosions chromatiques du transalpin, le noir et blanc de L’Homme à la fenêtre, qui est un choix assumé, met en avant la quintessence de la création de Lorenzo Mattotti : son trait. Un minimalisme, une finesse dans les lignes et les hachures dont se dégagent une puissance et un dynamisme incroyable. Qu’il s’agisse de la retranscription d’une séquence contemplative, onirique, horrifique ou encore érotique, l’impact est là. Cependant, l’équilibre entre les écrits et le dessin est parfait. Il y a peut-être – certainement – un moment pour lire cette œuvre. Alors si vous n’arrivez pas à rentrer dans cette « intimité », stoppez votre lecture et reprenez-la un peu plus tard. Peu importe quand ! L’important est d’y revenir pour ne pas passer à côté de – selon Lilia Ambrosi – « ce livre qui peut être acheté par les amateurs de mots comme par ceux qui vivent les images ». Saluons la belle maquette de l’album avec sa couverture inédite, son format-livre approprié et son signet intégré.
Du lyrisme dans les textes et de la vie dans le trait pour une œuvre à la fois touchante et déstabilisante.
Stéphane Girardot
Réagissez !
Pas de réponses à “Homme à la fenêtre (L’)”