Titre : Guirlanda
Scénariste : Jerry Kramsky
Scénariste – Dessinateur : Lorenzo Mattotti
Éditeur : Casterman
Parution : Février 2016
Prix : 35€
Au-delà des soupirs des nuages, entre les horizons du crépuscule, s’étend la terre de Guirlanda. C’est là que vivent depuis des temps immémoriaux les guirs, un peuple pacifique qui aime contempler les magies de leur territoire. Assis sur un caillou, Hippolyte – le fils de Zacharie, le chaman du village – est cueilli par le matin. Il est inquiet et ne trouve plus le sommeil car, depuis sept jours déjà, il est sans nouvelle de sa femme Cochenille. Alors que son père veut savoir si les signes du grand changement annoncé par les esprits des fumées de la crevasse sont bons ou mauvais, Hippolyte décide d’aller vers la lagune aux nids. C’est le lieu où toutes les guiresses vont pour donner naissance à leurs enfants. Oui, Cochenille est enceinte et prépare son nid avec l’aide du génie et seigneur de la lagune. Semblant tout ignorer de l’état de sa douce, Hippolyte chemine mais craint de ne pas arriver à bon port avant le crépuscule. Son guide lui propose alors de prendre un raccourci qui passe sur la crête de la vallée du Mont Rauque qui est strictement interdite aux guirs. Par maladresse, il dégringole et profane la terre prohibée. Un acte qui va changer la vie de tous les guirs et propulser le fils du chaman dans une quête initiatique aux milles dangers qui le mènera jusqu’aux confins de la Terrae Incognitae.
Pour une histoire comme Guirlanda, il fallait un écrin à la hauteur. Les éditions Casterman ont donc réalisé pour l’occasion un objet-livre de toute beauté. Ainsi, une couverture au titre embossé et un quatrième de couverture bruts sans pellicule glacée reliés par un dos toilé noir aux inscriptions rouges protègent les près de 400 pages d’onirisme – imprimées sur du beau papier – proposées par Lorenzo Mattotti et Jerry Kramsky. Associés pour le scénario, les auteurs livrent un magnifique conte qui – ne vous y trompez pas – est d’une fraîcheur, d’une légèreté et d’une fluidité incroyables eu égard au nombre de feuillets. Cette rêverie aux multiples sources d’inspiration, qui vont des Moomins de la finlandaise Tove Jansson aux mondes fantastiques de Moebius et Fred, bénéficie de très beaux textes de Jerry Kramsky. Pour ce « retour », Lorenzo Mattotti réalise une interprétation dans un style tout à fait différent de ce qu’il fait habituellement. « Retour » car cela faisait quatorze années que l’illustrateur transalpin n’avait pas produit de long récit de bande dessinée, depuis Le Bruit du givre en 2003. Prenant sa source dans la « ligne fragile » qu’il affectionne particulièrement, le trait à la plume est d’une finesse extraordinaire où chaque courbe est narrative. Semblant libre de toute contrainte, il nous gratifie de superbes cases tour à tour minimalistes et fouillées dont certaines nous plongent dans de belles phases de contemplation. De plus, les personnages et le bestiaire sont au diapason de l’univers de Guirlanda. Les guirs à la barbe de soie, le tricorne à longue cape, les singes de la pluie, l’oiseau du destin, les baleines d’air, les museaux fripés et les oiseaux-léopards – entre autres – sont de véritables invitations au rêve.
Une chef d’oeuvre d’onirisme qui vous offre un lâcher-prise sur la réalité et la possibilité de vous ressourcer dans un magnifique conte. À lire, ou plutôt à rêver !
Stéphane Girardot
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