Titre : La Fin du monde en trinquant
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Jean-Paul Krassinsky
Éditeur : Casterman
Parution : Septembre 2019
Prix : 25€
1774, Saint-Petersbourg. L’éminent astronome Nikita Petrovitch Simonov, un cochon irascible œuvrant sous l’ère de l’Impératrice Catherine II de Russie, se voit contraint de prendre sous son aile Ivan Zaporoszakovitzkayovitch Polansky, un jeune chien pas vraiment intelligent et très maladroit. Même si cela ne l’enchante guère, c’est un service qu’il ne peut pas refuser au Chancelier Nikolaï Nikolavitch Troubeskoy à qui il doit tant. En la présence d’Ivan, Nikita fait une horrible découverte avec son télescope : un corps céleste approche de la Terre et menace d’éradiquer Vanavara en Sibérie. Le scientifique s’empresse d’en aviser son ami de la chancellerie de l’Académie et de l’Université des sciences qui ne peut malheureusement pas faire grand-chose, tout comme la chancellerie de Sibérie à Moscou. Le cas ne leur semble pas si grave même si des vies sont en jeu. Il demande alors à Nikolaï de lui obtenir une entrevue avec l’Impératrice. Certains des propos de Nikita ayant irrité Catherine II lors de la rencontre, il est envoyé lui-même en mission – punitive – de sauvetage. Un périple de tous les dangers où ils sont, avec Ivan, détroussés puis pris en otage par ceux-là mêmes qu’ils sont venus sauver d’une mort certaine ! La question est : de quelle manière mourront-ils ?
Après Le Crépuscule des idiots, Jean-Paul Krassinsky nous ressert une tournée – c’est le cas de le dire – en nous proposant une nouvelle fable animalière dont il a le secret. Un récit tragique, cynique, comique et joyeux de 232 pages qui se lit… se dévore littéralement. Où l’on se gausse de voir évoluer le duo improbable formé par Nikita et Ivan à l’instar de celui formé par Louis de Funès et Bourvil dans nombre de films. Grâce son approche très personnelle, une véritable marque de fabrique, l’auteur aborde de nombreux thèmes : la fin du monde qui est un sujet très contemporain, l’indifférence et l’antisémitisme du pouvoir, l’ésotérisme, la religion, l’amour (référence faite à Roméo et Juliette avec Ivan et Matilda), la vengeance amoureuse, etc. Si nous sommes dans une fiction, qui bouscule et parfois propose des moments grivois pour notre plus grand bonheur, son point de départ est un événement qui s’est réellement produit. Celui de la Toungouska où, le 30 juin 1908, un corps céleste s’est écrasé à 63 km au nord-nord-ouest de Vanavara en dévastant la forêt sur un rayon de plus de 20 km et abattant ainsi 60 millions d’arbres. Jean-Paul Krassinsky le déplace volontairement en 1774 pour pouvoir utiliser la situation instable de la Russie en toile de fond. Et quel final surprenant ! Une partition dense et loufoque où l’interprétation graphique est géniale. Le « chara design » est parfaitement dans le ton et la mise en couleurs directe dégage, à certains moments, de belles ambiances poétiques.
Une fois encore Jean-Paul Krassinsky nous cueille avec cette nouvelle fable animalière qui interroge à bien des égards. Bien sûr, nous vous la recommandons fortement !
Stéphane Girardot
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