Petite rencontre avec Joris Chamblain et Lucile Thibaudier, les auteurs de la série jeunesse Enola et les animaux extraordinaires.
Bonjour. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Lucile Thibaudier : Depuis toute petite, je dessine. Au départ, je voulais devenir cosmonaute ou encore vétérinaire pour tigres. J’ai fait des études scientifiques puis, dans le secondaire, j’ai décidé de faire de l’illustration. J’ai commencé par faire de l’illustration jeunesse, des comptines pour enfants, des petits albums jeunesse, la série Sorcières sorcières et aujourd’hui Enola.
Joris Chamblain : Depuis toujours, j’avais envie de faire de la bande dessinée et j’ai commencé par des fanzines. Au début, je faisais beaucoup de dessins mais je me suis rendu compte vers 18-19 ans que je prenais plus de plaisir à écrire qu’à dessiner. J’ai ensuite présenté mes travaux à des auteurs dont c’était le métier, ce qui a débouché, à partir de 2009, à la création d’histoires courtes pour Lanfeust Mag puis la bande dessinée La Recherche d’emploi.
Quels sont vos projets à venir ?
LT : Plein ! Mais pour l’instant, pas le temps, j’ai beaucoup de travail. Ce sont surtout des projets d’écriture, comme un roman. J’ai aussi un projet qui se situerait entre le livre illustré et la BD, à mûrir. Avec Joris, nous allons poursuivre nos deux projets commun : Sorcières sorcières et Enola, dont les séries seront composées au moins de trois tomes. Pour ce qui est d’Enola, nous aborderons le sujet des licornes et du KRAKEN (sorte de gros poulpe).
JC : De mon côté, je continue Les Carnets de Cerise, série qui comprendra cinq tomes. Il y aura aussi Nanny Mandy, une nounou de 17 ans, anglaise, qui, dans chaque tome de la série, va aider un enfant à surmonter les épreuves de la vie. Cette fois-ci, c’est une jeune adulte qui s’intéresse aux enfants et non pas une enfant l’héroïne. Il s’agit d’une série lumineuse, avec une jeune fille au look un peu différent, une vision du monde un peu décalée. Elle est toujours tournée vers l’enfant et du coup est très pétillante. Je réalise ce projet avec une illustratrice qui a un style un peu particulier, qui fait des albums chez Jungle : Pacotine. Je pense qu’on va en surprendre plus d’un avec ce projet, qui sortira chez Kennes Editions. Il y aura deux tomes par an, un tous les six mois. Ça me fait quatre séries en cours. Je vais signer un autre projet, une adaptation de roman. J’ai encore deux autres séries en projet, mais je ne peux rien en dire pour l’instant.
Pourquoi travaillez-vous avec des éditeurs différents ?
JC : Nous n’appartenons pas à un seul éditeur. Le changement, c’est le meilleur moyen de ne pas rester dans la même case. De plus, pour Sorcières sorcières, nous avons dû changer d’éditeur car il n’y avait plus de budget sur ce projet.
Parlons donc d’Enola ; quelle est l’idée de départ ?
JC : L’idée est dans le titre, Enola est une vétérinaire pour animaux fantastiques. Avec toujours le même principe, un animal dans l’intrigue A, la principale, et un autre dans la seconde intrigue, la B. Dans ce premier tome, on a une gargouille qui arrose les gens devant l’église, et se tourne sur son socle. On se demande pourquoi elle fait ça, et Enola va être appelée pour régler le problème. Pour enrichir l’univers et introduire le personnage d’Enola, j’introduis un autre animal fantastique, le temps d’une petite séquence, que je referme à la fin, contenant un lien avec la grande histoire. Dans le tome 2, on verra une licorne, et un troll en animal secondaire.
LT : C’est aussi pour montrer qu’Enola ne se contente pas de se déplacer, il y a aussi plein d’animaux qui viennent jusqu’à son cabinet de consultation.
JC : Enola est accompagnée de Maneki Neko, le chat de la fortune japonais, un chat qui parle, et dont le lien avec la jeune vétérinaire est encore vague. Elle a pour mentor le professeur Archibald, un inventeur particulier, qui est peut-être lui aussi un animal fantastique. On n’en saura pas plus sur sa famille, sa vocation de vétérinaire… Les enfants lecteurs prennent les éléments qu’on leur donne.
Pour quelles tranches d’âge conseillerais-tu tes différentes séries ?
JC : Enola à partir de 6-7 ans, Sorcières, sorcières à destination des 8-9 ans et Les Carnets de Cerise pour les 9-12 ans. Enola c’est hyper léger, il y a 5 cases par planche, 30 pages, peu de texte, c’est très aéré pour mieux rentrer dans l’univers. Ensuite, ils peuvent enchaîner sur les Sorcières pour une aventure un peu plus dense, puis Cerise, où le scénario est plus complexe. Et ensuite sur Nanny Mandy, ma nouvelle série qui sort en novembre.
Pensez-vous qu’il puisse y avoir un jour une intégrale de chacune de ces différentes séries ?
JC : Étant donné qu’il n’y a pour l’heure qu’un seul tome publié de chaque, il est bien évidemment trop tôt pour l’envisager. Pour l’instant rien n’est fixé, en termes de tomaison, mais il est évident qu’on fera des intégrales autant qu’on aura de plaisir à en faire, et que les éditeurs le souhaiteront.
Des produits dérivés ?
JC : En ce qui concerne des produits dérivés, pour Enola, par exemple, nous aimerions faire une encyclopédie des animaux fantastiques car plusieurs seront représentés dans chaque opus. En ce qui concerne Sorcières sorcières, nous aimerions plutôt faire un grimoire rempli de recettes.
Avez-vous des projets pour adolescents ou adultes ?
LT : Des projets pour adultes, l’un comme l’autre, on rêve d’en faire. Mais ce n’est pas évident, parce que pour l’instant nous sommes estampillés auteurs jeunesse.
JC : Quand je vais voir des éditeurs avec des polars, ils me disent « Tu ne veux pas plutôt nous faire de la jeunesse? Tu es fort sur ça, les polars on connaît… ». Je ne me plains pas, j’ai plein de boulot, je signe des projets à tour de bras. Mais j’ai une stratégie : au fil de mes projets, l’âge de mes héros augmente. Dans deux ou trois ans, ils auront la vingtaine.
Quelles sont les sorties à venir ?
LT : J’avance sur Enola 2. J’ai aussi un album jeunesse qui doit sortir cette année, donc je ne chôme pas.
JC : Sorcières sorcières tome 2 en novembre, chez Kennes. Alors en fait, comme c’est un projet ancien, j’avais écrit un tome 2 il y a cinq ans maintenant, je l’ai relu il y a quelques semaines, et il était mauvais (rires). Mon style a évolué, mon écriture aussi. On est fin janvier, il doit sortir en novembre, et il n’est toujours pas écrit… Ça risque d’être un peu chaud, mais on y croit ! Quand papa n’est pas là aux éditions La Palissade en fin d’année 2015 ou en début d’année prochaine. Enola tome 2 en janvier ou février 2016. Il y a aussi Les Carnets de Cerise tome 4 et Nanny Mandy tome 1 en fin d’année, avec le roman correspondant.
J’ai remarqué que dans les trois séries, c’est une petite fille qui enquête. Pourquoi ?
JC : J’étais parti du constat que la bande dessinée manque cruellement d’héroïnes. C’était souvent le faire-valoir du personnage masculin, et si le personnage féminin était le personnage principal, sa psychologie n’était pas fouillée. J’ai donc voulu contribuer à combler un peu ce manque. Mais il manque aussi des petits garçons dans la BD. De petits garçons sensibles, comme un petit Cerise. C’est ma nouvelle vague de projets. J’ai encore des héroïnes qui arrivent, je n’ai pas encore tout dit sur les petites filles, mais j’ai des petits gars qui arrivent juste derrière.
Comment travaillez-vous ensemble ?
LT : Joris écrit son scénario, il y a un échange, ensuite je fais le storyboard et les planches, et je lui montre, il réagit, moi je lui propose des choses, l’échange est permanent…
JC : On se nourrit des idées de l’autre. Pour Sorcières, sorcières, j’avais écrit le tome 1 dans mon coin, mais quand il a fallu composer l’univers on s’est fait un brainstorming de plein d’idées. Des boîtes aux lettres-citrouilles, des panneaux de signalisation-épouvantails, des arbres-sorcières… Ces petites trouvailles de Lucile nourrissent mes histoires, on est tous les deux au service de l’histoire, et on la fait ensemble, côte à côte. J’ai aussi envie d’écrire des choses que Lucile aura plaisir à dessiner. C’est comme ça que je fonctionne avec les dessinateurs avec lesquels je collabore. J’ai le schéma global en tête, des intentions, mais le dessinateur conserve un degré de liberté énorme. Je ne décris jamais le physique des personnages, par exemple. J’appelle Lucile, je lui dis « j’ai une idée, on va s’éclater dans une cour de récré de 30 pages, tu viens ? ».
Comment définiriez-vous votre partenaire ?
LT : Joris est optimiste et enthousiaste.
JC : C’est vrai, j’ai un enthousiasme canin. Pour décrire Lucile, c’est dur. C’est une amie, une vraie.
Quelle question ne vous ai-je pas posé mais qui aurait eu une importance particulière pour vous ?
LT : « Quelle est ta planche préférée ? » Et pour y répondre, sur Enola, c’est la première que j’ai faite, celle des squelettes. Quand je me suis lancée dans l’encrage du storyboard, c’est la première que j’ai faite, car c’est celle qui me motivait le plus, je l’ai aussi mise en couleurs dans la foulée, ça m’a pris une semaine, mais j’ai adoré faire cette planche.
JC : J’ai une copine qui m’avait une fois posé une question qui m’avait beaucoup plu, c’est « Avec tous les projets pour enfants que tu as, y’a-t-il une place pour un enfant dans ta vie ? ». Et je m’aperçois que oui.
Merci beaucoup à vous deux !
Propos recueillis par Priscilla Fouché.
Interview réalisée le 31 janvier 2015.
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