Le personnage de Crapule existe depuis maintenant plus de dix ans mais ne compte jusqu’à maintenant que deux tomes publiés aux éditions Dupuis. Nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à Jean-Luc Deglin, le créateur de ce chat pas comme les autres puisqu’il tient la vedette d’une série du 9ème art. Rencontre.
Bonjour Jean-Luc. Est-ce que la série Crapule est autobiographique ?
C’est une inspiration autobiographique puisque l’idée était de parler de choses qui me sont propres, d’essayer de parler d’intimité donc on ne connaît rien de mieux que sa propre intimité. Crapule est donc inspiré de mon chat et inspiré d’une fille que je connais très bien aussi.
Crapule a fait ses débuts dans le Journal de Spirou en 2009…
Oui et non car Crapule est né avant ça, puisque les premières publications ont été faites sur un blog de la Caisse d’Épargne qui a disparu depuis. La Caisse d’Épargne voulait faire des partenariats BD et avait lancé un appel à strips, c’était l’occasion de proposer Crapule. L’aventure a également démarré grâce à l’impulsion d’un de mes meilleurs amis qui s’appelle Olivier Milhaud et qui travaillait à l’époque pour cette banque. Crapule a fait également une petite incursion dans le magazine Zoo avant d’arriver dans Spirou en 2009.
Dix ans après, quel regard portes-tu sur le travail accompli ?
J’ai beaucoup de mal à regarder les premiers strips parce que je trouve que le dessin n’était pas super bon. En même temps je me dis tant mieux, cela signifie que j’ai un peu progressé et je trouve mon parcours plutôt chouette finalement. C’est un parcours qui va plutôt vers plus de lumière et plus de lecteurs, j’en suis donc plutôt heureux.
Tu as été coloriste pour Julien Neel et Olivier Dutto et étrangement Crapule est en monochrome.
Effectivement ça fait un peu le coloriste qui en a marre mais ce n’est pas du tout ça (rires). Réaliser des couleurs pour les copains ou pour moi m’a appris que tout a un sens quand tu fais de la couleur… pourquoi je fais tel éclairage et tel impact de couleur et de lumière. Alors quand tu te dis que tu veux faire un strip grand public très accessible à tout le monde, tu pars de zéro couleur. Toutes les couleurs que je veux ajouter, il faut qu’elles servent à quelque chose. Finalement quand tu fais un strip avec un chat noir, très simple, très épuré, eh bien il n’a pas besoin d’avoir beaucoup de couleurs. D’ailleurs j’ai fait des essais de Crapule en couleurs et ça marchait moins bien, ça perdait de l’impact. Je me suis alors demandé de combien de couleurs j’avais besoin pour cette série au maximum, à part le noir et blanc, et en fait une seule suffisait. J’ai choisi le bleu parce qu’il permettait de représenter plus facilement la lumière, de la nuit, de l’ombre. Une couleur pratique en somme.
Si les gags parleront forcément aux propriétaires de chats, les amoureux d’humour pourront également trouver leur compte avec Crapule.
Effectivement je ne l’ai pas du tout pensé pour les dingues de chats. J’ai, comme je le disais précédemment, cherché une série grand public et non quelque chose d’axé exclusivement sur l’animalier. Je me suis quand même posé des questions car en strip il y avait déjà Garfield et tout avait été fait sur le thème. Et puis finalement je me suis rendu compte que rien n’avait été fait, à ma connaissance, avec de vrais chats, c’est-à-dire des chats qui se comportent comme des chats, qui ne parlent pas. L’idée n’était pas non plus de ne parler que d’animaux mais de parler avant tout de choses humaines parce que le personnage à qui appartient Crapule est une humaine. Vu qu’on n’est pas dans la tête d’un chat et qu’on est tous dans la tête d’un humain, le truc qui était marrant était de parler de choses humaines à travers ce qu’on projette dans un animal. Je ne sais pas si c’est très cohérent ce que je dis là (rires).
Si si ! Et au niveau du lectorat que tu rencontres, est-ce qu’il est aussi varié ?
Effectivement il y a aussi des gens qui me disent « je déteste les chats mais ça m’a bien fait marrer » ou « moi j’ai un chien, j’ai reconnu mon chien ». Je rencontre également des lecteurs qui me disent qu’ils ont eu des chats, qu’ils n’ont pas forcément envie d’en reprendre tout de suite mais ça leur rappelle des souvenirs, c’est quand même mieux qu’un chat parce qu’il n’y a pas de litière à changer avec l’album.
Le lecteur vient donc partager son expérience avec vous, il y a un vrai échange du coup sur les expériences de chacun, chose qui n’est pas forcément possible sur d’autres séries.
Exactement, c’est une des raisons pour laquelle les gens attendent un peu longtemps en dédicace car j’aime bien prendre le temps de discuter avec mon lectorat, ils se livrent beaucoup. D’ailleurs, au début je pensais que ça aurait pu me donner des idées de strips, mais en fait non, car j’ai une mémoire de poisson rouge et cela serait un peu bizarre d’avoir un carnet et de tout écrire en live.
Dans le tome 2, Crapule est confronté à la concurrence masculine représentée par les prétendants de sa maîtresse. Ajouter des protagonistes te permet en quelque sorte de te renouveler dans tes gags ?
Le tome 1 est devenu un recueil de strips vieux de 10 ans alors que le second tome s’est fait beaucoup plus rapidement. C’est assez différent et le fait de devoir faire le second vite m’a fait réfléchir à quel était le fond de ce que je racontais, ce que j’avais envie de raconter avec ce strip. Cela m’a permis d’avoir un regard rétrospectif sur tout ça et, en relisant les premiers strips, je me suis dit que j’étais quand même resté avec le duo assez longtemps. Ça me plaisait bien parce qu’il y avait des trucs que j’avais envie de raconter autour de ça, c’est-à-dire autour principalement de la solitude de l’héroïne et de ce côté avec le chat qui lui renvoie un miroir de sa solitude et son enfermement. Je me suis dit que, quitte à faire une suite, autant la jouer un peu comme une nouvelle étape et la nouvelle étape était d’ouvrir cet univers un peu clos de bulles entre elle et son chat avec le monde, la vie à l’extérieur et plus particulièrement des histoires d’amour. Parmi ses petits copains, il y en a un qui va s’installer et briser cette bulle justement pour s’introduire dans celle-ci. C’est ça qui m’intéressait de développer par la suite et que je vais continuer à faire dans le troisième tome.
Qu’est-ce que cela t’apporte d’être pré-publié dans le Journal de Spirou ?
Déjà cela m’apporte des lecteurs puisque beaucoup de gens connaissent et lisent le Journal de Spirou et ça c’est chouette. D’ailleurs le lectorat de cette revue est constitué de lecteurs de tous les âges et ça tombe bien puisque Crapule est une série grand public. A titre personnel, je suis ravi d’être publié dans Spirou parce que j’ai grandi avec et j’ai été biberonné à ça. J’étais ultra content quand j’ai eu l’opportunité de faire la couverture de Spirou avec Crapule.
Et des courriers de lecteurs du journal envoyés pour Crapule, y en a-t-il ?
Oui j’en ai eu un peu, la rédaction de Spirou m’avait retransmis les mails ou les courriers reçus, à chaque fois c’était adorable, extrêmement sympa. En général je réponds mais comme je suis un peu Gaston Lagaffe dans l’âme, il est déjà arrivé que j’oublie de répondre…
Merci beaucoup.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 25 janvier 2019.
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