Au moment de cette rencontre à Saint-Malo, Madeleine Riffaud était encore en vie. Alors que son parcours épique et héroïque est raconté avec force par Jean-David Morvan et Dominique Bertail dans la série Madeleine, résistante, les auteurs nous expliquent comment s’est déroulé la construction de ce récit et les échanges directs avec l’intéressée. Ils devront désormais se débrouiller seuls, et transformer l’autobiographie en biographie, mais la vie de Madeleine est suffisamment extraordinaire pour qu’on se refuse de parler d’elle au passé. Elle continuera d’inspirer le monde et d’être une héroïne de BD incroyable. Nous lui dédions évidemment cette interview.
Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Bravo pour cette série qui fait l’unanimité auprès des lecteurs. Pouvez-vous en quelques mots nous rappeler comment ce projet s’est monté ? Je crois que c’est Jean-David qui avait rencontré Madeleine Riffaud.
Dominique Bertail : C’est Jean-David, oui, qui avait vu un reportage sur plusieurs femmes résistantes et il était tombé en arrêt en regardant Madeleine, il a eu un vrai coup de foudre. Il l’a contactée pour lui demander si ça l’intéressait de raconter sa vie en bande dessinée. Ce qui n’a pas été gagné tout de suite parce que la BD, ça lui paraissait quand même assez lointain et puis, finalement, elle l’a rappelé parce qu’un de ses copains l’a un peu engueulée en lui disant que si elle voulait s’adresser au jeune public, la bande dessinée était quand même le medium idéal, donc que c’était un peu con de sa part de ne pas le faire. Un peu penaude, elle a rappelé Jean-David en disant « on m’a dit que la BD, c’était pas mal donc peut-être qu’on peut se voir ».
[Jean-David Morvan, qui était attendu ailleurs, arrive finalement pour participer à l’entretien] Bonjour. Je vais derrière mais je peux vous parler deux secondes.
On était en train de parler de la genèse du projet. Dominique disait que vous aviez eu un coup de foudre pour Madeleine en la voyant dans un documentaire.
Jean-David Morvan : Oui, c’est ça donc je l’ai contactée, elle m’a envoyé chier. Je l’ai rappelée quinze jours plus tard, elle m’a dit « tout a changé, j’ai mon copain Jorge Amat, qui est réalisateur, qui m’a dit “mais Madeleine, vraiment, en vieillissant, tu deviens conne, je ne pensais pas que tu serais aussi conne que ça, la BD c’est vachement bien, ce n’est pas du tout comme quand tu la lisais quand tu avais 10 ans… La BD a changé en 90 ans et c’est un bon moyen de continuer le témoignage que Raymond Aubrac t’a demandé de faire”. Donc elle m’a finalement dit de venir, je suis venu et puis ça a été un clic immédiat avec Madeleine. Après, on a décidé de faire une BD, c’est mon métier donc c’est ce que je venais faire, et il a fallu convaincre Dominique de le dessiner parce qu’on voulait vraiment Dominique ! À l’époque, Madeleine avait 97 ans… On a attendu Dominique un an et demi, je pense, qu’il soit libre. Quand on travaille avec quelqu’un de 97 ans et qu’on attend un an et demi, il faut être sûr que c’est cette personne-là qu’on veut ! On était sûrs !
Vous, Dominique, vous avez été convaincu assez vite par le projet ?
DB : Tout de suite j’étais dubitatif parce que j’aime dessiner pour le plaisir et là, ça me faisait un peu peur. Je me suis dit « oulala, la guerre, la Résistance, ouh… », je sentais un peu le poids du truc. Ça m’inquiétait un peu. Jean-David m’a dit « écoute, je te présente Madeleine et puis, après, tu verras ». Malin qu’il est. Il m’a présenté Madeleine et là, face à Madeleine et à la verve incroyable qu’elle a, sa capacité à raconter des histoires, son humour, toutes les personnalités de Madeleine fabuleuses… C’était une évidence qu’il fallait le faire.
Jean-David, je profite de vous avoir encore quelques secondes…
JDM : Oui, oh, on peut dire quelques minutes !
Votre expérience de scénariste vous a permis de travailler à partir des échanges avec Madeleine. J’imagine qu’on veut construire une histoire la plus fidèle possible mais est-ce qu’il y a des éléments que vous n’avez pas pu insérer ou que vous avez dû édulcorer, simplifier ?
JDM : On n’a jamais rien édulcoré mais, par contre, il y a des choses qu’on met, d’autres qu’on ne met pas. On en discute toujours avec Madeleine. Elle n’est pas juste sur la couverture pour faire joli, elle est vraiment coscénariste ou, voire, c’est moi son coscénariste, plus clairement. Je lui relis tout, elle corrige tout, elle réfléchit à tout. On ne peut pas vraiment lui faire de pièges, elle veut tout savoir. Et c’est quelque chose que je dis qui n’est pas bien, je ne devrais pas le dire normalement, mais on a de la chance qu’elle soit aveugle parce que, sinon, je pense qu’on n’aurait toujours pas fini le premier tome tellement elle ferait de corrections sur le dessin ! Elle est tellement précise, Madeleine, elle ne lâche rien, jamais. Donc on relit le bouquin jusque deux jours après la date normale d’impression. Je suis obligé de retarder tout le monde en disant « on attend, on attend parce que Madeleine veut faire des correc’ ». Voilà. C’est vraiment toujours précis et ça lui importe beaucoup parce que c’est une sorte d’autobiographie qu’on fait de Madeleine avec Dominique. On est d’une certaine manière ses outils. Elle ne peut plus voir donc elle ne peut pas écrire, elle ne sait pas très bien dessiner, ça n’a jamais été son truc… On fait son autobiographie, puisqu’on travaille de manière tellement serrée avec elle que c’est à ça que ça revient à la fin.
Avec, donc, son accord oral uniquement…
JDM : Bien sûr ! Elle n’a jamais vu une page de Dominique. Mais quand elle a su que c’était en bleu, ça lui a plu parce que ça lui a fait penser à son copain Picasso et sa période bleue, donc elle a dit « c’est une très bonne idée ».
C’est particulier, j’imagine, de ne pas avoir le retour visuel pour un dessinateur. Ça vous a perturbé, Dominique ?
DB : Quelques fois, c’est un peu triste. Par exemple, Jean-David avait fini par retrouver la photo de son premier amoureux. Il n’y en avait pas. Jean-David avait contacté les descendants, à tout hasard, sur internet, et par miracle il est tombé dessus et ils ont retrouvé des photos. On a pu dessiner les scènes avec Madeleine avec, vraiment, son amoureux de l’époque. Là, on s’est dit que c’était trop triste qu’elle ne puisse pas voir ces pages-là. Il y a des moments comme ça… Mais sinon, non, comme dit Jean-David, ça laisse aussi une liberté de dessin. En même temps, on lui décrit quand même vraiment les images. Et quand je dessine, je l’appelle et je lui pose mille questions, de choses qui ne sont pas de l’ordre de la narration. Des petits détails de la vie quotidienne, du ressenti, des choses comme ça. Donc ça infuse complètement dans le dessin. Quand je dessine des personnages, je lui demande comment ils étaient, ce qu’ils dégageaient, comment elle était habillée, s’il pleuvait… Enfin, toutes ces questions-là qui sont d’ordre graphique et pas vraiment d’ordre littéraire. Elle, elle s’en fait une image mentale, on ne sait pas laquelle c’est.
JDM : Elle nous dit d’ailleurs « je rêve en bande dessinée, j’imagine les choses en BD » mais on ne sait pas à quoi ressemble cette BD-là. C’est dommage, on ne saura jamais.
C’est d’autant plus dommage qu’on peut parfois faire des reproches à des bandes dessinées qui ont un côté didactique, qui informent mais délaissent souvent l’aspect visuel alors que vous, très clairement, c’est une BD utile et belle à regarder. C’était la meilleure alchimie possible, d’en faire une sorte d’aventure.
JDM : En fait, je dirais qu’on a travaillé dans la fiction et dans le genre, avec Dominique, depuis toute notre vie. Et c’est vrai que ça nous semblait évident de transformer le témoignage dans une BD de genre, finalement. Puisque le genre, dira Dominique sans doute, ça vient de la vie au départ donc c’est le même principe. On a voulu aussi raconter par l’image, c’est-à-dire faire une vraie bande dessinée, et pas une BD Wikipédia ou une BD mode d’emploi comme on voit beaucoup aujourd’hui, et essayer de donner de l’émotion aussi. Pas seulement de l’information. Ça devient effectivement un BD d’aventure mais quelle vie peut être plus aventureuse que celle de Madeleine Riffaud ? Ça n’existe pas ! On est vraiment plongés là-dedans. Des fois, je me dis que j’ai fait tous les albums que j’ai faits avant pour avoir le niveau technique nécessaire pour réussir à faire Madeleine, Résistante ou celui sur Ginette Kolinka (ndlr : Adieu Birkenau, paru chez Albin Michel en 2023) parce que ça devient des sujets tellement forts qu’il faut pour les aborder avoir une sorte de bagage technique important.
C’est très réussi ! D’ailleurs, je ne sais pas si vous y étiez tous les deux… Mais c’est une BD qui intéresse beaucoup les amateurs d’Histoire. Vous étiez il y a quelques jours aux Rendez-vous de l’Histoire à Blois, je crois…
JDM : Oui.
DB : Moi, je n’y étais pas.
JDM : Dominique y est allé une fois à la sortie du premier.
Cet accueil est aussi une richesse ?
JDM : En fait, si je me souviens de cette première fois, avec Dominique, là-bas, c’est parce qu’ils avaient pris 50 bouquins, je crois. On s’est assis le vendredi, on a dédicacé 2 heures, il n’y avait plus d’albums, on n’avait plus rien à faire pendant tout le week-end. Donc ça veut dire que ça intéressait les gens des Rendez-vous de l’Histoire. Et ça se confirme à chaque fois, on est un peu les bienvenus aux Rendez-vous de l’Histoire et c’est sympa parce que c’est un super festival.
Les gens connaissaient l’histoire de Madeleine ?
JDM : En fait, il y a des gens qui connaissaient déjà Madeleine avant parce que Madeleine était très connue dans les années 1970. Elle était grand reporter à L’Humanité donc elle a été au Vietnam, elle faisait des reportages sur l’Algérie… Toute une génération connaît très bien Madeleine Riiffaud. Mais après, pendant presque 40 ans, plus personne ne parlait d’elle. Beaucoup de gens m’ont dit « je pensais qu’elle était morte ». Et en voyant qu’elle était encore vivante, c’est très émouvant de voir des gens qui se souviennent de quand ils lisaient les reportages de Madeleine dans L’Huma, des gens qui pleurent devant moi. On est allés à la Fête de l’Huma, tout le monde était là « oh lala, mais attends, je me souviens de Madeleine quand elle arrivait avec la délégation vietnamienne, sa grande natte, on était fans, on la suivait ». C’était vraiment un personnage important. Nous, on n’a pas connu cette époque-là mais c’état vraiment un personnage important de la gauche française. La ramener comme ça, j’avoue que c’est un plaisir supplémentaire.
Là, vous avez commencé à travailler sur le tome 4 et vous disiez justement que vous aimeriez aussi évoquer cette vie de grand reporter par la suite.
JMD & DB : On va le faire, oui.
L’actualité de cette année, c’est la sortie du tome 3 qui, de mon point de vue et de celui de plein de gens, je pense, est le plus compliqué, le plus émouvant… Puisque c’est la période où elle est torturée. Est-ce qu’il était plus facile, ou moins, à dessiner, à scénariser ? Est-ce qu’on se pose plus de questions pour celui-là que pour les deux autres ?
JDM : En fait, je pense que celui-là n’aurait pas eu la même force s’il n’y avait pas eu les deux précédents. Donc cet album fonctionne bien comme ça parce que les deux premiers ont amené les gens à aimer Madeleine, à avoir une connivence avec elle. C’était très important. Ensuite, évidemment, c’était dur, mais on savait depuis le début qu’on allait devoir le faire. On était prêts. Mais être prêts, ça ne suffit pas à y arriver (rires). Moi, ça va. Pour Madeleine, c’était très dur. Moi, elle me racontait les choses, j’ai toujours le fil scénaristique donc je me dis comment je vais raconter. Ça me met un peu à l’abri du témoignage direct. C’est surtout Dominique qui a passé plusieurs mois à le dessiner. Là, c’est encore une autre histoire.
Oui, lors de la très belle exposition « Adolescents en guerre » au dernier Festival d’Angoulême, vous disiez que vous n’aviez pris aucun plaisir à dessiner certaines scènes.
DB : C’était un peu ça que je craignais, c’était un peu la raison pour laquelle j’étais dubitatif au début. Je savais qu’il allait y avoir ça à faire. Ce n’est pas trop mon kiff de dessiner cette forme de violence. En plus, la proximité, l’amitié avec Madeleine fait que quand on entend ça… Il n’y a rien de plaisant à dessiner ça. Il y a une autre forme, ce n’est pas du plaisir, mais l’empathie. Le dessin n’est pas dans le plaisir du dessin pur mais il est dans la satisfaction et le plaisir de rentrer en empathie totale avec Madeleine et de l’accompagner dans les pires moments. Mais on l’a fait le plus vite possible parce que je n’avais pas envie d’y passer trop de temps, aussi pour être dans un état de fatigue qui soit raccord avec ce qu’on raconte. Je cauchemardais toutes les nuits, c’était un peu l’enfer. Du jour où j’ai fait la dernière page, j’ai arrêté de cauchemarder. C’était assez flagrant. Ça impacte un peu dans la vie de tous les jours, c’était 7 jours sur 7, 10 heures par jour.
En plus, c’est épais donc beaucoup de boulot.
DB : Il doit y avoir 110 pages. Le truc, c’est que je m’inquiétais beaucoup. Je ne voulais pas que ce soit trop violent pour le lecteur et qu’à un moment il referme l’album car le récit est dur. Tout le travail, c’était de faire en sorte qu’on ait quand même envie de continuer à tourner les pages, qu’on soit emballé dans le truc et que ce ne soit pas trop violent. Il ne fallait pas édulcorer parce que le but de Madeleine est de raconter comment ça s’est passé, donc tout dire, mais prendre soin du lecteur. C’est dur. Et je crois qu’on a réussi parce que tous les gens que j’entends l’ont lu d’une traite, l’ont lu jusqu’au bout, ne l’ont pas refermé avant. Il y a assez d’espoir dedans, il y a aussi toute l’humanité de Madeleine.
Personnellement, c’est mon préféré des trois.
DB : Super.
Très marquant, équilibré. Vous avez bien trouvé la mise en scène. Ça, j’imagine que vous en discutez ensemble. C’est surtout vous, le cadrage ?
DB : On en a discuté ensemble, de comment pouvoir aussi de temps en temps sortir un peu de la prison et raconter le dehors. Normalement, on ne fait pas ça, on raconte tout le temps au niveau des yeux de Madeleine, on ne raconte jamais des scènes que Madeleine n’a pas vécues, on est tout le temps avec elle. Là, on a fait une exception parce que c’est bien de pouvoir souffler de temps en temps. Et puis je trouve que décrire le regard que les gens ont sur le personnage principal, ça permet aussi de bien décrire le personnage principal. Donc on a fait une exception pour ça, pour alléger aussi un peu le récit. Mais en même temps, ça a beau être un récit de prison, ça reste quand même un peu rocambolesque, les évasions, ça bouge tout le temps, il se passe énormément de choses. Ce n’est pas un récit trop claustrophobique non plus.
JDM : Ces scènes-là, dont Dominique parle, elles n’existaient pas dans le premier scénario où je m’étais tenu vraiment aux mémoires de Madeleine, et puis Dominique a dit que ce serait bien qu’on sorte de temps en temps et qu’on aille voir ce que pensent ces personnages. En tout cas, c’est comme ça qu’on a commencé à travailler dessus et effectivement c’était une très bonne idée. Ce n’était pas facile à faire passer à Madeleine au début parce qu’elle ne voulait pas raconter ce qu’elle n’avait pas vécu. On a recréé ces scènes, on a imaginé comment ça pouvait être mais on en a profité aussi pour donner des pistes sur les gens qu’elle va rencontrer plus tard. On a aussi travaillé un peu là-dessus. C’était une exception. Il n’y a que dans le tome 2 où à un moment, Picpuce, son meilleur pote, se fait engueuler : il part et là, on le suit lui. C’était la première fois qu’on quittait Madeleine dans une scène. On est vraiment le plus souvent avec elle, quand même.
Vous avez parlé du bleu, le choix du bleu, qui était raccord avec des souvenirs de Madeleine. Dominique, vous avez développé une vraie passion aussi pour le bleu.
DB : Moi, ça fait très longtemps que je dessine comme ça, en fait. Ça fait très longtemps mais après je mettais en couleurs sur informatique donc ça ne se voyait plus. Je l’utilisais car c’était la couleur qui me permettait d’avoir la plus grande variante de prisme entre le clair et le sombre, parce qu’il va jusqu’au noir. Ça permettait d’avoir des valeurs comme ça, très variées, qui allaient jusqu’au noir. Mais je voyais bien que les planches avaient quelque chose, qu’il y avait quelque chose à en tirer. J’avais fait un album avec Zep, chez Rue de Sèvres, qui s’appelait Paris 2119 et les éditrices de Rue de Sèvres aimaient beaucoup les planches en bleu avant qu’elles soient mises en couleurs. Elles m’ont proposé de faire un tirage limité en bleu. Ça tombait bien parce que j’avais déjà Madeleine en tête et je me suis dit que c’était l’occasion de voir comment ça sortait, ce que ça donnait imprimé. Donc ça a été une première tentative dans ce sens-là et puis j’avais fait quelques histoires à droite à gauche, dans le journal BDFil de Lausanne. C’est une couleur que je manie depuis longtemps. Pour Madeleine, je ne voulais pas que ce soit en couleurs parce que la couleur aurait été à contresens par rapport au récit. Paris caniculaire du merveilleux été 44 : il était merveilleux pour les couleurs mais pas pour les gens. Ça aurait été à contresens. Et, surtout, je ne voulais pas dessiner la torture en couleur parce que là, ça aurait été du Corben, la représentation du sang, des ecchymoses… Ça aurait été profondément indigeste, cet album, en couleurs.
Et par rapport au noir et blanc, ça apporte encore autre chose.
DB : Le problème qu’a le noir et blanc, c’est que c’est parfois un peu rêche, ça manque de luminosité. Le gris, c’est un peu terreux. Alors que ce bleu-là, je l’aime bien parce qu’il a une vibration très particulière avec le blanc. À côté du blanc, il rend le blanc plus lumineux que le blanc du papier. Il y a un effet d’optique comme ça qui est le même que les lumières tungstène au cinéma, par exemple. Étant donné que moi je mets totalement en scène avec la lumière, c’est la première chose à laquelle je pense quand je mets en scène, là, ça met vraiment en valeur la lumière.
Est-ce que vous avez dans tout ça du temps pour d’autres projets ? Jean-David, vous avez notamment une série, Les Amis de Spirou, qui est commencée.
JDM : Oui oui, moi je fais plusieurs choses mais j’en fais quand même beaucoup moins qu’avant parce que Madeleine me prend beaucoup de temps et c’est un plaisir en plus. Madeleine, elle-même, je veux dire, en plus de la série. C’est bien, ça m’a un peu calmé, ça m’a un peu laissé en France. C’était intéressant.
Et vous, Dominique, il y a encore les westerns avec Tiburce Oger.
DB : Oui, ça, c’est vraiment le petit moment de récréation parce que, si je passe une année sans cowboys, je suis malheureux. Il me faut au moins ça. Par contre, je les fais vite parce que dès que je ne suis pas en train de bosser sur Madeleine, je culpabilise à mort. Parce que je sais que Madeleine est en train de galérer pour rester en vie, pour avancer et tout ça, donc la moindre bière en terrasse, je culpabilise (rires). Mais j’ai besoin d’un peu de cowboys. Ceci dit, j’ai dû mettre en stand-by plein de projets qui étaient lancés. Ce sont des choix. Je ne peux pas faire autre chose à part ces petites histoires courtes.
Ça vous motive pour Madeleine et aussi parce que le public suit cette série.
JDM : C’est une chance incroyable. Nous qui avions peur justement de devoir lui dire qu’on arrêtait au tome 1 parce que ça ne se vendait pas… C’était notre plus grande angoisse. On vient de dépasser les 100 000 vendus, sortis des stocks de Dupuis, du tome 1. Les autres suivent, je crois qu’on est pour l’instant, au total, à peu près à 200 000 albums vendus sur les trois tomes, en sachant que le 3 vient de sortir. C’est quand même exceptionnel ! Malgré tout, avec ces chiffres-là, on reste des gamins pour Madeleine parce qu’elle a vendu un million d’exemplaires de son livre Les Linges de la nuit, sorti en 1974.
DB : Ça fait d’autant plus plaisir que ça marche, qu’on tenait vraiment à ce que ce soit un album qui soit lisible par tout le monde, qui s’adresse à tout le monde. Je voulais que ma mère puisse le lire, que ma femme puisse le lire, que ma fille puisse le lire. Ce ne sont pas forcément des grandes lectrices de bande dessinée. Ça a été vraiment la ligne directrice pour le dessin. Comment s’adresser au plus grand nombre ? J’avais une narration assez influencée par Tintin et Hergé parce qu’il me paraissait que c’était le plus universel de tous, et puis en même temps, j’avais en tête Otomo ou même Toriyama. Ça n’a pas l’air de se voir mais je l’ai beaucoup en tête. Un rythme très influencé par le manga. Et Jean-David a de toute façon aussi une écriture très influencée par le manga. Mais en enlevant tout ce qui ressemble à du manga pour que ce ne soit pas rédhibitoire pour les anciens lecteurs… Mais en sous-couche, le rythme est là. Il y avait ce but de s’adresser à tout le monde et ça marche. En dédicace, il y autant d’anciens que de jeunes et d’adolescents. C’est vraiment une satisfaction énorme. C’était le but de départ, même pour Madeleine.
On espère que vous pourrez en faire encore le plus possible.
JDM : Nous, on pourra en faire le plus possible. On espère qu’on les fera avec Madeleine le plus longtemps possible. Mais oui, pour l’instant, on est partis pour aller au bout.
Merci beaucoup et bonne continuation, messieurs !
JDM & DB : Merci !
Propos recueillis par Nicolas Raduget.
Interview réalisée le 26 octobre 2024.
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