© La Ribambulle 2025
Quelques années après avoir rencontré Elric alors qu’il animait les charmantes aventures de Witchazel, excellente série jeunesse, nous le retrouvons en dessinateur accompli d’Iznogoud et de Spirou et Fantasio ! L’occasion pour lui de nous expliquer comment il s’est retrouvé intégré au Spirouverse, pour la collection classique, et d’autres choses à venir ! C’est à Angoulême, après sa première séance de dédicaces, que nous le retrouvons sur le stand de Dupuis…
Salut Elric ! Est-ce que tu peux nous rappeler d’abord comment tu t’es retrouvé à travailler sur cet album de Spirou et Fantasio, avec Clément Lemoine et Michaël Baril ?
En fait, avec Clément et Michaël, on se connaît depuis hyper longtemps. C’est d’abord Michaël qui m’avait contacté par mail quand j’avais 22-23 ans, environ. Il m’avait demandé de participer à leur fanzine qui s’appelle Onapratut. J’avais dessiné une histoire qu’il avait scénarisée, il fallait commencer comme ça. Et lui, il avait repéré mes hommages à Spirou sur le forum de BDParadisio, parce qu’il n’y avait pas de réseaux sociaux à l’époque. Je m’amusais à faire des trucs un peu rétro de Spirou, j’avais un blog aussi et encore d’autres trucs. Bref, on est resté amis et, un jour, on mangeait au resto ensemble et on a imaginé plusieurs possibilités de scénarios de différents personnages classiques franco-belges. On passait en revue des trucs et, à un moment donné, on est arrivé au personnage de Spirou, c’était sur le ton de la blague : « qu’est-ce qui pourrait lui arriver ? » Moi, j’ai dit que j’aimerais bien qu’il vive un truc d’un événement historique passé, qui a été loupé à l’époque, qui n’a pas été traité. Comme l’avait fait Yves Chaland avec Vacances à Budapest, la BD franco-belge n’avait jamais traité l’insurrection hongroise… Du coup, Michaël avait regardé un documentaire sur Cuba, et on a vite rebondi sur la Baie des Cochons, en se disant que ce serait chouette. En regardant l’année, c’était juste après Le Prisonnier du Bouddha, ça marchait bien sur la suite de l’opposition des blocs Est et Ouest, et c’est finalement parti assez vite. On a construit le projet en mode synopsis, j’ai dessiné deux pages, et il se trouve que je préparais ça et que Stéphane Beaujean, qui venait de quitter son poste de directeur artistique du Festival d’Angoulême, m’a contacté pour reprendre Iznogoud. Il voulait me tester sur Iznogoud, et moi je savais qu’il allait devenir directeur éditorial chez Dupuis. Je lui ai dit « attends, je suis en train de faire un projet de Spirou ». Donc il m’a dit « cool, ça m’intéresse aussi ». De toute façon, par politesse, il n’allait pas me dire non (rires), il me demandait déjà de faire Iznogoud. Donc il l’a lu, j’ai commencé mes tests sur Iznogoud, il m’a dit « bon, je ne suis pas encore chez Dupuis donc on verra plus tard » et il m’a dit « j’aime bien, quand même ! ». Iznogoud, ça a marché, il m’a dit « je viens d’être en poste chez Dupuis, il y a beaucoup de trucs à gérer. Toi, tu commences Iznogoud et dans un an, on en reparle ». Et un peu moins d’un an après, il m’a recontacté, il m’a dit « si ça va pour toi, on le fait, maintenant, c’est bon, c’est ok ». C’est une réponse super longue mais précise (rires).
C’est pas grave, on fera plus court sur d’autres questions (rires). Du coup, vous avez eu le champ libre sur le scénario, les personnages utilisables, tout ça ?
Ouais, il y a eu un…
Il a fallu négocier un peu ?
Non, rien du tout, mais il y a eu comme un manque de communication à un moment donné, quand on a présenté le projet, et même Stéphane, je pense qu’il n’avait pas l’info parce qu’il venait d’arriver. Dans une conversation privée, sans enjeu, où on parlait de tout et de rien, il me parlait de projets différents qu’il y avait chez Dupuis. Il me parlait beaucoup du Marsupilami, il y avait plein de trucs prévus avec le Marsupilami, et je lui ai dit « mais au fait, le Marsupilami, s’il est à ce point présent, on peut peut-être le mettre dans notre album ? » Et il m’a dit « bah ouais ! » Et du coup, je me suis dit « ah ouais, mais là, on a quand même écrit 30 pages ». Il a fallu réécrire, en fait. On a réécrit avec le Marsupilami.
Ah d’accord ! Il n’était pas prévu dès le début…
Non, on ne l’avait pas mis parce qu’on croyait qu’on n’avait pas le droit ! Comme on avait construit le projet sans rien demander à personne, on a fait comme on voyait en librairie, à peu près. L’idée, c’était que ça se passe en 1960, donc je me suis positionné comme un repreneur après Le Prisonnier du Bouddha, parce qu’il fallait qu’on ait l’identité, l’esthétique de cette époque, que ce soit visuellement évident. Le concept ne dépassait pas ça, et je pensais que, pour des questions de droit, on ne pouvait pas utiliser le Marsupilami. En fait, il a fallu refaire le contrat, mais on a pu le mettre.
Finalement, c’est mieux, parce que c’est plus dans l’esprit de l’époque, où le Marsupilami était là.
Oui, carrément, c’est logique.
Mais ça vous a peut-être un peu obligé… Le scénario était prêt et il a fallu…
Après, c’est un personnage qui ne parle pas, donc on peut toujours l’intégrer quand même. Et puis il a un rôle d’arrière-plan dans Spirou. Il a des moments où il va pouvoir combattre, faire des bêtises qui vont faire avancer l’intrigue, mais ça peut se rajouter sans trop de problèmes.
Ça n’a donc pas été trop compliqué ?
Non, mais par exemple, la scène dans le club, où Fantasio est déguisé en clown et fait le spectacle : on avait prévu que Fantasio fasse une connerie dans sa démonstration, et on a remplacé ça par le Marsupilami qui vient faire une connerie. C’est logique, ça marche même mieux comme ça, maintenant.
Ça évite d’en faire, finalement, celui qui va forcément sauver la mise des héros un peu trop facilement. Donc c’était peut-être pas plus mal.
Voilà, il a ses petites interventions, à la fin il sauve Fantasio, des trucs comme ça. On aurait trouvé d’autres moyens, mais c’est vrai que c’est marrant.
Et il valait mieux l’intégrer au milieu qu’à la fin…
Oui, oui. A la fin, ça aurait été chiant. Parce que, concrètement, la mise en scène, il faut quand même la repenser totalement. Donc, oui, ça aurait été chiant (rires).
Tu disais que tu faisais pas mal d’hommages quand tu étais plus jeune, c’était une sorte de rêve de gosse de dessiner Spirou ou d’autres personnages emblématiques ?
Moi, je ne calculais pas trop. J’étais en mode « c’est amusant de rendre hommage à des trucs de mon enfance », quoi. Mais je ne me projetais pas comme si j’allais en faire un, un jour, en fait. Quand on l’a fait, on l’a fait parce qu’on a trouvé une bonne idée. Pourquoi on ne l’a pas fait avant ? Parce qu’en fait, ce n’était pas si important à ce moment-là. Et je ne pensais pas que ce serait possible.
C’est plus la bonne idée et le bon contact…
Ouais, c’est ça. Le contact, pour le coup, était un hasard hallucinant. Parce que, OK, je le connaissais de loin, Stéphane, mais je ne pensais pas qu’il me contacterait pour un boulot. En fait, il connaissait mon travail via le festival, notamment, parce que le premier Witchazel avait été sélectionné pour le Prix des collégiens, je crois, à l’époque.
Parce que tu es d’Angoulême, je crois. Enfin, tu y habites.
J’y vis, oui. Je ne suis pas né là.
Du coup, l’album parle de Cuba. Est-ce que c’est un sujet qui te parlait beaucoup ou plus aux autres scénaristes ? Et pour se documenter, est-ce que ça a été facile ?
Non, ce n’est pas super facile, parce qu’il y a une… Ben, Google est un peu striké à Cuba, donc on ne peut pas… il n’y a pas de Google Street View ou des trucs comme ça Je n’y suis pas allé… En plus, on a commencé à le faire pendant le Covid, alors… C’est pas trop le moment où on sortait. Donc j’ai trouvé une astuce. J’ai regardé des documentaires. Et, en fait, sur YouTube, il y a des gens qui posent une caméra dans une voiture et qui filment un peu leur déambulation. J’ai pu faire des captures d’images de ça. Les autres ont lu des livres aussi, eux ! Moi, j’étais plus sur le visuel.
Sur la collaboration entre vous, tu dis que tu as participé un peu au scénario, tu donnais ton avis, comment ça se passe ?
Ouais, en fait, on a fait le synopsis à trois, en se renvoyant la balle ou en discutant de visu. Et après on s’est répartis des séquences en storyboard. Par exemple, la poursuite, je leur ai dit, vous n’allez pas m’écrire tourne à gauche, tourne à droite. C’est un truc graphique, je pense. Donc, j’ai fait ça tout seul, quasiment. Après, je leur ai montré, on a discuté.
Tu t’es réservé le storyboard des parties les plus graphiques, entre guillemets.
Après, Michaël dessine bien, donc il a fait pas mal de petits storyboards dessinés.
En effet, j’ai vu sur Instagram qu’il met des chouettes dessins.
Ouais, c’est lui. Par exemple, toute la séquence dans le club, avec Fantasio en clown, c’est lui qui l’a écrite. Après, il y a eu vraiment des séquences collaboratives. L’introduction, les deux premières pages, c’est Michaël et Clément tout seuls, quasiment. Ils m’ont juste posé des questions mais je n’étais pas là. Juste vite fait, sur WhatsApp. Je disais ouais, non, ouais, non. En revanche, milieu et fin, on a vraiment fait ça tous les trois. Après, c’est la résolution de tout, donc c’est un peu compliqué. Il faut que tout soit cohérent.
Graphiquement, tu dis que tu as voulu faire la suite du Prisonnier du Bouddha, te situer juste après. Donc graphiquement, évidemment, on sait que tu vas être attendu au tournant, qu’on va te rappeler Franquin, etc.
Oui, bien sûr.
Ce n’est pas le même contexte mais je sais qu’à l’époque, quand Delaf a repris Gaston, il s’est fait une bible graphique et tout. Tu t’es refondu dans Franquin ?
Je me suis refondu dans Franquin, mais je ne me suis pas fait de bible graphique. Parce que je me suis positionné… enfin, c’est personnel, je ne l’ai dit à personne… mais comme un repreneur après Franquin, comme s’il y avait une sorte de direction artistique, celle d’être fidèle à l’esprit de Franquin. C’est-à-dire que pour moi, Fournier, par exemple, quand il reprend Spirou et Fantasio, ce n’est pas le Fournier de Bizu. Il y a un petit truc différent quand même. Parce qu’il est dans cette direction artistique de reprendre Spirou comme c’était.
Qu’il y ait un changement, mais pas trop non plus.
C’est ça, qu’on ne brusque pas les lecteurs. Et surtout, à cette époque-là, Dupuis demandait à Seron de dessiner comme Franquin. Et Tillieux, quand il est arrivé là, lui, il était plus ligne claire, et on lui a dit « non, on ne fait plus… ».
C’est vrai, lui aussi a adapté son style.
Ça a vraiment été une direction artistique qui pouvait déranger Franquin, d’ailleurs, mais c’était cette idée d’aller vers Franquin. Il n’y a que les anciens qu’on ne faisait pas chier, genre Morris. Ils avaient leur identité depuis avant, déjà.
Tous ceux qui sont arrivés à ce moment-là, effectivement, on leur a dit…
Et donc moi, je me suis mis dans ce bain-là. Après, il y a plein de gens qui l’ont interprété en mode « il copie Franquin ». Mais en fait, c’est aussi à cause de la polémique sur la reprise de Gaston. Parce que ça me met dans ce panier. Alors que Spirou, c’est historiquement un personnage qu’on reprend selon des codes qui ont été donnés. C’est vrai que j’ai l’impression que 80% des auteurs qui ont repris Spirou l’ont repris sur le modèle de Panade à Champignac. Un truc un peu plus vif dans le trait. Je pense à Yoann, par exemple, c’est un trait très vif. Janry aussi était plus dans cette approche. En fait, à chaque fois, les gens qui reprennent, je pense qu’ils s’approprient le personnage mais, sur les premières versions qu’ils font, c’est très inspiré de Franquin. En tout cas, Tome et Janry, c’était entre Dupa, dont ils étaient les assistants, et Panade à Champignac. Mais moi, non. Là c’est les années 1960, alors même que ce que je préfère, chez Franquin, c’est les années 1950. Donc…
Oui, d’Il y a un sorcier à Champignac à La Mauvaise Tête.
Oui, vraiment, La Mauvaise Tête : parfait ! En fait, on m’a aussi reproché de ne pas faire suffisamment de décors, ou de ne pas les fournir assez. Mais en fait, j’aime la simplicité. C’est calculé de faire comme ça. Ce n’est pas la flemme, parce qu’en fait il y a plein de… Je ne sais pas, ça ouvre sur le palais présidentiel de Cuba. J’ai quasiment fait toutes les briques. Donc si j’étais flemmard, je n’aurais pas fait toutes les briques. Il y a plein d’endroits, à un moment donné, il y a le commissariat, on voit bien le commissariat, c’est documenté. C’est vrai, pareil, je fais toutes les briques.
C’est vraiment un choix.
Oui, c’est vraiment un choix. Quand il y a les maisons en bois, il y a des planches qui volent et tout, partout. Pareil, je n’ai pas été à l’économie. Mais c’est juste que, quand les personnages parlent, quand on est dans un petit théâtre, moi je vais à l’économie. Je me suis retrouvé à feuilleter, il n’y a pas très longtemps, Spirou à Moscou... Janry est super fort pour choisir les moments et suggérer des décors, choisir les moments où il va détailler. Il y a une vue de Moscou magnifique, très détaillée, mais c’est déjà la page 6, un truc comme ça. Et les pages d’avant, notamment l’aéroport et tout, il dessine l’avion super bien, mais en fond c’est un peu des bâtiments en ombre chinoise, en noir, très loin. En fait, pendant 4 pages, il n’y a quasiment rien. Même quand, je crois, ils se font enlever, il n’y a pas de décor, il n’y a pas de fond, c’est une espèce de truc sombre. Et en fait, c’est une belle arnaque (rires). Ce sont les bons choix graphiques, c’est bien géré, et ça passe crème. Et moi, comme c’est un petit peu plus ligne claire, il y a moins de suggestions. Quand je choisis de ne pas mettre de décors, on peut l’interpréter par du vide. Mais je refeuilletais les Jo, Zette et Jocko… Le Testament de M. Pump et Destination New York. Quand on feuillette ça, c’est hallucinant comme c’est épuré. Moi, j’adore ça.
Moi, personnellement, ça ne m’a pas choqué, parce que j’ai l’habitude des albums que tu viens de citer.
Comme je me situe entre ces deux écoles, pour moi, c’est ma manière de gérer, je ne changerai pas.
Ça rappelle aussi, effectivement, tout ce qui se faisait à l’époque, comme Peyo, ce côté super précis et simple à la fois, super lisible. Et c’est vachement bien.
Là où je suis allé un peu plus dans l’identité de Franquin, c’est dans la mise en scène. J’ai mis plus de personnages avec les pieds sur le bord de la case. Ça, je ne le faisais jamais. Et puis il y a une triche de perspective qui est assez dure à gérer. Quand on met les pieds sur les bords de la case, le point de fuite, par exemple, sur la case où ils arrivent à la douane, si on le met vraiment là, c’est hyper bizarre, il faut un peu remonter plusieurs points de fuite. Pour que ça n’ait pas non plus l’air abusivement tordu. C’est des petites feintes à gérer.
On voit que tout est évidemment calculé. Et les couleurs sont très classiques aussi. Moi, j’ai immédiatement pensé, comme d’autres, à L’Île noire, en découvrant le ciel de la page 31.
Ah oui ! Parce qu’en fait, ça vient des estampes japonaises. On connaît l’influence de l’art chinois sur Hergé, par rapport au Lotus Bleu qui a vraiment changé sa manière de dessiner. J’ai fait pas mal de recherches là-dessus. J’ai notamment écrit un mémoire de Master sur les influences de la ligne claire. Je me souviens même plus de l’intitulé du mémoire (rires). C’est une catastrophe. Et c’est en trois parties. Il y a un manga qui s’appelle Shōchan no Bōken qui existait avant Tintin, en 1926, et qui ressemble à du Hergé avant Hergé. Et donc je refaisais la chronologie de comment a évolué le style d’Hergé. On voit qu’avec Le Lotus Bleu, ça change complètement parce qu’il a un manuel que lui a donné son ami Tchang. Où il reprend ces codes graphiques-là. Il ne fait plus la pierre pareille. Il la faisait comme Alain Saint-Ogan avant, une petite boule avec des petits traits. Et finalement, maintenant, il fait une espèce de roche qui vient de l’estampe. On ne s’en rend pas compte tout de suite. Mais en fait, il prend aussi des types de couleurs qui viennent de l’estampe. Notamment ces ciels de L’Île noire, par exemple.
C’est super intéressant ! Mais, du coup, toi c’est plus l’inspiration d’origine qu’Hergé ?
Oui, enfin les deux ! Parce que quand j’étais petit, j’ai découvert Hergé avant l’estampe. Je me nourris pas mal de ces images-là pour la couleur.
Est-ce que, dès le départ, tu savais que ça allait intégrer la collection qu’on va appeler classique maintenant ? Ou tu pensais que ça allait être un one-shot ?
Non, elle s’est créée à rebours. En fait, faisant quelque chose d’un peu classique, ils se sont dit, allez, on va faire une collection. En fait, il faut un nouveau souffle. Parce que les « Vu par… » correspondaient à un cycle qui se terminait, ils sentaient que les gens en avaient peut-être marre que le personnage soit réinterprété continuellement. Et avec la vague un peu rétro, remettre le personnage dans les années 1960 c’est pas mal. Donc ils ont aussi mis Spirou chez les Soviets dans la collection, rétrospectivement.
D’ailleurs, tu as demandé des conseils à Fabrice Tarrin. En tout cas, tu le remercies au début de l’album. Comment ça s’est passé ? Est-ce que ça t’a semblé naturel de l’approcher ?
Je crois que c’est lui qui m’a approché, en fait (rires). Je ne sais plus comment… En fait, ça fait des années qu’on se parle. Il y a très longtemps, je l’avais contacté en mode « un dessinateur franco-belge pourrait me donner des conseils ». Mais vraiment, j’étais super jeune. J’avais 19 ou 20 ans. Et il m’avait donné des conseils, et tout. C’était sympa. Comme il avait un site internet, je crois que j’ai juste pris le contact là. Après, il prenait des nouvelles, comme ça. Mais je pense qu’on ne s’est pas parlé pendant dix ans. Quand il a su que je faisais un Spirou, on en a parlé. Je lui ai demandé s’il pouvait me conseiller, s’il voyait des trucs que je ne voyais pas. Je lui ai envoyé des planches, il m’a noté des petits trucs que je faisais mal. Et j’ai corrigé.
Et vous vous retrouvez, finalement, à être les deux premiers dessinateurs de cette collection-là. C’est assez rigolo.
Ouais (rires).
Tu as toujours des contacts avec lui ? Il va en sortir un avec Lewis Trondheim, plus tard dans l’année. Il te l’a montré un peu ?
Oui. Je ne l’ai pas vu beaucoup, quand même, mais j’ai vu. En fait, il habite vers chez mes parents. Parfois, si j’ai une heure de correspondance, comme il n’habite pas loin de la gare, je l’appelle. Et une fois, comme ça, il m’a montré les dix premières pages. Ce qu’il commençait. Il y avait dix pages quasiment finies, et puis des crayonnés. Donc j’ai vu tout ça. Et après, par mail, j’ai reçu une petite page de temps en temps. Je ne connais pas l’histoire, j’ai juste vu.
Tu la découvriras comme nous.
Il a presque fini.
Est-ce que tu as eu d’autres retours de dessinateurs qui avaient dessiné Spirou ? Est-ce que tu en as rencontré ?
Serge Clerc, oui, qui a encré trois personnages dans La Baie des Cochons. Et sinon, non. Je ne crois pas.
Tu ne leur as pas spécialement demandé leur avis ?
Ah si, j’ai croisé Janry ! Mais après, il a répondu à une interview où il a dit qu’il n’était pas au courant qu’il y en avait un qui se passait à Cuba. Je pense qu’il a oublié qu’on en avait parlé. Je ne sais pas comment il a oublié, parce qu’on a quand même mangé ensemble. Je lui avais montré les premières planches. Après, c’était enrichissant, parce qu’il m’avait parlé de ce qu’il avait vécu, en reprenant Spirou, en l’arrêtant, un peu tout. Et à quel point c’était un personnage marquant. Je pense que je l’avais remarqué, je m’en doutais. Mais c’est bizarre à vivre, l’impact que ça a.
En plus, te voilà embarqué pour un autre aussi, qui est prévu en quatrième de couverture…
Je ne sais pas. En tout cas, on est en train de l’écrire.
Je crois que tu disais sur BDGest que tu allais devoir faire trois albums en même temps…
Oui. Il y a un truc chez Casterman, oui. Donc ça, c’est un peu en stand-by.
Et, grande nouvelle, tu as un projet autour de Seccotine aussi, qui doit être annoncé.
Oui, il y a une conférence de presse.
C’est en ce moment ! Je devais y aller, mais c’est un collègue qui y est allé à ma place.
Il saura ! (sourires)
Je ne t’interroge pas sur la carte de vœux où Seccotine a un petit visage manga (rires).
C’est pour traumatiser les gens qui ont un attachement trop profond à un certain classicisme.
Concrètement, on peut s’attendre à quoi ?
C’est sur mon iPad, je peux te montrer (ndlr : oui, nous avons de la chance). En fait, je fais une histoire courte qui paraîtra dans le journal en juin ou juillet. Elle est dans sa forme la plus classique. Je me suis fait assister pour les décors parce que j’ai trop de trucs à faire donc je ne pourrai pas. Mais comme j’aime la simplicité, j’ai simplifié les décors qu’on m’a envoyés (rires).
Donc là, c’est une histoire courte qui se passe en 1951.
Oui. Et après, il y a l’album. Elle a une gueule un peu différente. C’est contemporain, avec Sophie Guerrive au scénario. Spirou et Fantasio sont dessinés un peu différemment aussi. Chaque récit a sa cohérence. Il faut respecter l’univers mais disons qu’il y a un champ libre à l’interprétation selon ses codes personnels. Donc je suis là-dedans et personne ne m’a contredit.
Et les deux histoires seront publiées dans le même album ?
Non. L’histoire de Seccotine est courte et reste dans le journal. L’une se déroule en 1951, l’autre est contemporaine, on ne peut pas mélanger les deux.
Sinon, tu perdrais définitivement les amateurs de classiques (rires) !
Ah bah là…
Donc la courte est réservée au journal.
Comme on avait fait l’histoire de la brosse à dents, en cinq pages. Là, elle fait sept pages. Donc si on en fait encore 5, non 4…
… Tu feras un hors-série Spirou et Fantasio et Seccotine (rires) ! Est-ce qu’on pourrait te revoir un jour dans un style animalier, comme tu l’avais fait pour Witchazel ?
Moi j’adorerais, mais là, ce n’est pas prévu. Il y a trop de choses à faire.
Iznogoud, j’imagine que ça prend du temps aussi.
Pas tant que ça, parce qu’il y en a un tous les 3-4 ans.
Ils ne t’imposent pas une cadence ?
Non, mais c’est eux qui m’envoient des scénarios. Je ne peux pas dessiner s’ils ne prévoient pas un truc précis. Donc je me soumets aux désirs éditoriaux.
Eh bien merci beaucoup, et hâte de te relire prochainement dans Spirou !
Merci à toi.
Propos recueillis par Nicolas Raduget le 30 janvier 2025.
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