
Dessinateur de Sykes et Texas Jack, Dimitri Armand revient sur son expérience de ces somptueux western lors de sa venue lors du dernier festival d’Angoulême où nous étions présents. Rencontre.
Était-ce un rêve de gosse de faire un western, Enrico Marini et son Étoile du désert étant l’une de vos premières découvertes en BD ?
Non, pas du tout, je n’avais pas spécialement envie de faire un western. Avant je travaillais aux éditions Soleil sur une série d’heroic fantasy et j’avais demandé aux éditions du Lombard s’ils pouvaient me trouver un one-shot pour pouvoir passer à autre chose mais sans m’embarquer dans une série. Ils m’ont alors demandé si je voulais bosser avec Pierre Dubois et ça m’intéressait. Suite à cela je l’ai rencontré, il avait son scénario de western qu’il était en train de développer et on s’est super bien entendu. On est donc parti comme ça un petit peu au hasard sur un western mais ce n’est pas spécialement une envie que j’avais au départ.
Du coup, comment appréhende-t-on un projet tel que celui-ci alors que l’on n’est pas spécialement attiré par le genre ?
J’apprends de mes albums toujours de la même manière, c’est-à-dire que je me fie avant tout aux personnages, à l’histoire. Après, tout le reste est entre guillemets juste de la documentation pour être un minimum crédible sur tout ce qui est décors, armes à feu, etc. Globalement j’appréhende toujours mes albums de la même manière. Pour le coup, j’ai regardé pas mal de films, j’ai ressorti mes BD western mais plus pour m’imprégner, je n’avais jamais un truc précis sous les yeux en bossant car sinon on perd de la spontanéité et ce n’est pas intéressant.
Sykes devant être un one-shot sans suite, à quel moment vous vous êtes dit que vous pourriez poursuivre dans cet univers avec une nouvelle aventure ?
En fait, c’est Pierre Dubois qui s’est éclaté sur Sykes, il a bien aimé le résultat et du coup il a voulu continuer à écrire dans le western. J’ai appris que Texas Jack était en écriture par quelqu’un d’autre à Angoulême il y a deux ans. Cette personne me lance « Pierre m’a dit qu’il écrivait un western ». Du coup voilà ça s’est fait comme ça et actuellement il est en train d’écrire un troisième volet. On s’éclate sur ces histoires, il y en a vraiment pas mal à raconter autour de ce petit groupe de personnages. Pour l’instant il ne devrait y avoir que trois albums mais on ne sait jamais…
Savez-vous déjà quel sera le personnage central de ce troisième opus ?
Oui, même si je ne vais pas le dire. Je le sais parce que son nom sera le titre de l’album mais je n’ai pas encore lu tout du scénario pour l’instant. En fait, vu que je travaille sur un autre projet au Lombard, cela me permet d’attendre que Pierre ait terminé le scénario afin de le découvrir en intégralité.
Texas Jack est un album assez riche du point de vue de la diversité des scènes, on passe des contrées sauvages aux villes mais aussi à des scènes de combat (pleine page, double page). Avez-vous une préférence ou une scène qui vous a le plus marqué ?
Ce qui m’a le plus marqué, c’est la double page parce que j’en ai chié (rires). Mais non, moi ce que j’aime c’est dessiner la nature, je trouve ça assez fascinant. Je ne cherche pas à être réaliste mais c’est vraiment purement narratif en fait. Si j’ai besoin de traits qui orientent vers une zone précise, il suffit de mettre des branches à cet endroit-là et en fait tout est au service de la narration. C’est beaucoup plus dur avec un décor urbain ou des choses comme ça, où on le fait en trichant mais cela représente plus de contraintes. Avec la nature, il y a quelque chose de très très organique que j’aime vraiment dessiner.
Quelle est la principale difficulté à travailler sur un album de 120 planches ?
La difficulté est que cet album devait faire 75 pages comme Sykes et il devait sortir avant Noël 2018. Le truc, c’est que au fur et à mesure de l’écriture Pierre a ajouté des pages pour faire le scénario que l’on connaît maintenant. Idéalement l’album devait sortir avant Noël, ce qui veut dire que le décaler si j’avais besoin de plus de temps c’était tout de suite le décaler d’un an, et donc potentiellement attendre un moment où les gens avaient un peu commencé à oublier Sykes. Du coup j’ai dit à mon éditeur que peu importait la pagination, j’allais essayer de le faire quoi qu’il advienne pour cette période-là mais que si je sentais que j’allais en venir à bâcler en gros je rajouterais le temps nécessaire. Heureusement je n’ai pas eu à bâcler mais par contre je n’ai vraiment fait que ça de mes journées, à plein temps pendant une grosse année et demie. La difficulté c’était ça, faire en un an et demi 120 pages alors c’était le délai dont j’avais besoin pour en faire 75.
Surtout que vous devez storyboarder le scénario de Pierre Dubois.
Effectivement, Pierre me livre une nouvelle sous forme de manuscrit et moi je vais faire tout le travail d’adaptation page par page pour l’album. Son manuscrit faisait 90 pages et c’est vrai que c’est très très dur de se projeter parce que ce sont des choses qui nécessitent une page complète ou plusieurs cases et qui peuvent être écrites en deux mots. Ce n’est pas forcément simple à appréhender, je suis passé d’un 75 pages en pensant qu’il allait passer à 90 pages et au final, en faisant le storyboard de son scénario, je me suis rendu compte que je n’arriverais pas à faire moins que 120 pages.
Pierre Dubois fait plutôt du fantastique, vous y avez déjà touché. Est-ce que cela pourrait aboutir sur un projet commun dans ce genre ?
On ne sait jamais, mais je pense que ce n’est pas prévu parce que justement on a trouvé chez l’un et l’autre une envie de changement, puisque lui est toujours dans la féerie et là il fait un western. Moi à l’inverse j’avais un peu peur de m’enfermer dans la fantasy donc cela me convient parfaitement de faire autre chose.
Pas trop compliqué de passer d’un western à une série comme Bob Morane ?
J’aborde tous mes albums de la même manière donc ce n’est pas forcément compliqué. En plus, passer de l’un à l’autre est une sorte de récréation, quand j’en ai marre de l’un je peux passer à l’autre. C’est assez intéressant de travailler en parallèle. Ce qui était le plus compliqué c’est juste que Bob Morane c’est du contemporain. D’ailleurs je me suis rendu compte que ce n’était pas le genre de truc que j’aimerais refaire à l’avenir. Si je suis séduit par une histoire, je le ferai bien évidemment, parce que c’est ça qui prime, mais je n’arrive pas vraiment à trouver du plaisir à dessiner des bâtiments, des voitures et ce genre de choses. J’arrive à développer un langage graphique autour de ça mais en le faisant ce n’est pas le même plaisir que sur un western, de la fantasy ou même sur mon prochain projet.
En tant que lecteur, quels sont les BD western qui vous ont marqué ?
Il y a évidemment L’Étoile du désert d’Enrico Marini, le Bouncer de François Boucq mais également Après la nuit de Richard Guérineau. Je n’ai pas du tout été lecteur de Blueberry et de Comanche, je les ai découverts tardivement.
Un petit mot sur le prochain projet aux éditions du Lombard auquel vous avez fait référence un peu plus tôt ?
Pour faire très simple, ce sera une histoire post-apocalyptique écrite par Tristan Roulot que l’on développera en trois tomes. Je ne sais pas encore si l’on pourra caler le troisième tome du western entre ceux-là mais j’ai dans l’idée qu’il faut au minimum deux tomes au nouveau projet pour installer la série. On verra avec l’éditeur comment on s’organise.
Merci beaucoup.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 24 janvier 2019.
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