On connait le scénariste Jean-Charles Gaudin pour ses nombreuses séries à succès comme Les Arcanes du Midi-Minuit ou bien encore Marlysa, dont le tome 14 vient tout juste d’être édité. «Quand le 7eArt rencontre le 9e Art», nous l’avons rencontré dans le cadre du festival du cinéma à Cholet.
Bonjour Jean-Charles. Dans vos albums, on vous voit évoluer dans différents univers, aussi bien en Fantasy (Marlysa) qu’en médiéval (Les Enquêtes du Misterium). Etes-vous un rêveur hors du temps ?
Rêveur, oui. Pour écrire, il faut forcément être rêveur. «Hors du temps», pas forcément parce que si on parle de l’aspect contemporain, oui, ce côté-là m’intéresse puisqu’il y a des séries comme Vigilantes ou encore L’Ombre du cinéphage qui se déroulent à notre époque. Par contre, j’aime bien y mettre une touche de fantastique, raison pour laquelle le fantasy et le médiéval reviennent souvent dans mes séries, c’est vrai.
Cyril Trichet sur Les Arcanes du Midi-Minuit, Jean-Pierre Danard sur Marlysa, le choix du dessinateur pourrait-il vraiment influer sur le succès de vos séries ?
Oui, grand oui ! Si d’autres dessinateurs avaient dessiné Les Arcanes ou Marlysa, le résultat ne pourrait de toute façon pas être à l’identique. Certaines séries se sont créées une identité par le biais de leur dessin. Dans le cas de Marlysa, nous avions fait un essai avec un dessinateur qui avait un trait plutôt «réaliste». C’était intéressant parce que graphiquement, nous allions vers un univers qui ressemblait un peu à celui de Conan le barbare. Pour le coup, si nous avions continué, nous aurions évolué vers des choses plus dures, plus «adultes», et la série aurait irrémédiablement changé d’identité, donc de lectorat. Avec Jean-Pierre Danard, on a un dessin plus orienté vers les adolescents. Les scénarios s’adaptent donc pour une meilleure adéquation. L’œuvre doit absolument aller de pair entre le scénariste et le dessinateur. Par contre, je reste persuadé que les séries qui fonctionnent plaisent d’abord grâce au graphisme, le scénario venant après en accrochant le lecteur. L’idéal serait donc de pouvoir choisir son dessinateur, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, certains scénaristes ont construit leur notoriété en fonction du tandem avec lequel ils ont travaillé.
Réservez-vous différents univers pour différents registres ? Comme les romans graphiques pour les courts métrages, à titre d’exemple.
C’est le même scénariste pour les deux univers (sourire), aussi bien BD que court-métrage. Pour ce qui est de la réalisation filmée, il est très compliqué de faire ce que l’on veut par rapport à l’écrit, pour une raison évidente de budget. Bien sûr, cela doit être confortable d’avoir cette possibilité, mais malheureusement, les financements sont la clé maîtresse de l’histoire, ceci expliquant cela. Un court-métrage coûterait une fortune en réalisation si l’on voulait reproduire l’intégralité d’un album. Il faut donc s’adapter en conséquence. Ainsi, la Bande Dessinée (ou le roman) est forcément plus «développée» en terme d’histoire. C’est un peu une échappatoire pour le scénariste ou il peut s’exprimer pleinement.
Y a-t-il des «terrains» de scénario sur lesquels vous voudriez vous essayer ? Le polar ? La comédie ?
Dans mes courts-métrages Phoenix et Vigilantes, on retrouve un peu l’univers du polar. C’est quelque chose qui me plait beaucoup. J’ai d’ailleurs plusieurs projets dans mes cartons. L’univers autobiographique m’attire également, la difficulté étant de trouver un dessinateur avec lequel nous partagerions les mêmes sensibilités. Encore une fois, l’alchimie doit être partagée entre les deux auteurs. J’adorerais savoir dessiner, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Tous les genres m’intéressent. En ce qui concerne la comédie, j’avais fait un essai avec Cyril Trichet sur une série qui s’appelait Les Mc Fox. La série n’avait pas fonctionné, et elle a donc été arrêtée. Pourtant, le côté comique, j’ai beaucoup aimé. Dommage, mais j’ai un autre projet en préparation. Ce que je ne veux pas, aussi bien pour les courts-métrages que pour la bande dessinée, c’est être «classé» dans une catégorie. Je fais partie de ceux qui veulent goûter à tout, tous les genres m’intéressent.
Y a-t-il des différences entre la construction d’un scénario de bande dessinée et celui d’une production filmée ?
Oui, bien évidemment. Pour les raisons de coût évoquées précédemment, il apparaît obligatoire de couper certaines séquences du livre pour le cas d’une adaptation. Dans un album, on peut se permettre des libertés visuelles qui ne sont pas compatibles avec le format d’un film sauf si, évidemment, vous bénéficiez du soutien financier d’un producteur fortuné. Les différences d’adaptation en film n’altèrent en rien la qualité de l’ouvrage. Le livre est le lanceur d’histoire, une proposition imagée. Le film, lui, le plus souvent, est simplement «différent», et bien sûr, cela lui apporte une vraie saveur, une vraie identité. Après, la réussite ou l’échec, c’est une autre histoire.
En tant que professionnel, sur quelle adaptation filmée aimeriez-vous travailler ?
Si c’était sur un de mes albums, je pense que L’Ombre du cinéphage donnerait un résultat sympa. Avec des moyens plus importants, Marlysa pourrait être spectaculaire, même en dessin animé, j’en suis convaincu. Dans un autre registre, sur une adaptation existante, j’ai adoré Stand by me de Bob Reiner, d’après Stephen King. Je me suis dit à l’époque que j’aimais tellement le livre que je voulais en faire une adaptation (en amateur bien sûr, je tournais à l’époque en super 8 (sourires)). Je commençais à écrire le scénario que j’apprenais que Bob Reiner le réalisait. J’ai tout adoré : le roman, l’écriture, le film, enfin tout. Une réussite parfaite à mon sens.
Après avoir réalisé vos propres courts-métrages, aurons-nous la chance de voir vos séries BD adaptées en grand écran ?
J’aimerais beaucoup mais pour l’instant, je n’ai pas eu de proposition depuis celle de L’Ombre du Cinéphage, ce n’est donc pas à l’ordre du jour. Il faut dire aussi que je ne fais pas de lobbying intensif puisque je ne suis pas sur Paris. Peut-être serait-ce le rôle de mon éditeur d’intervenir auprès des sociétés de production afin de leur proposer un de mes projets ? En tout cas, pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Dans votre œuvre, les personnages féminins occupent une place centrale.
Je pense que ça m’intéresse plus de parler des femmes ou des filles, que de parler seulement des garçons. Le côté féminin m’inspire plus parce que peut-être, quand j’étais jeune, je préférais être avec les filles qui parlaient de livres, de culture, de choses comme ça, plutôt qu’avec des jeunes hommes qui ne parlaient que de foot. J’aimais bien le sport, mais pour moi, c’était plus la gymnastique, le surf ou le skate, j’étais bien loin du ballon rond… (Sourires).
Il existe des thématiques récurrentes dans votre travail : la question du double, de l’identité. Pouvez-vous expliquer pourquoi?
En fait, dans ma famille, je suis l’aîné et j’ai derrière moi deux fois des faux-jumeaux, faites le calcul… (sourires). Peut-être que cette fascination du double est venue de là. Je pense que oui. D’une certaine manière, je me suis un peu retrouvé seul, sans double, sans un autre moi. Je me suis donc dit : «moi, je suis tout seul, et il faut que je me débrouille». Je suis donc entré dans un univers très lié à la culture, sans foot, mais avec des sports de glisse… et sans double ! (sourires) Je lisais beaucoup, tant des romans que des BD. J’allais beaucoup au cinéma. Cela a dû influer sur mes fascinations à venir probablement. Je pense cette thématique du double dans mes histoires a pris sa source à cette période.
Merci beaucoup de nous avoir reçus.
Propos recueillis par Joël Leroy
Interview réalisée le 14 février 2015
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Une réponse to “Dans la bulle de… Jean-Charles Gaudin”
10 mars 2015
joëlA rencontrer avec le plus grand des plaisirs le 04 Avril a 10h30 à la Médiathèque de Cholet…Vivement !!