
Présent au festival Quai des Bulles pour le lancement du troisième tome de la série Angel Wings, Romain Hugault a accepté notre invitation et a répondu à nos questions. Rencontre.
Le troisième tome d’Angel Wings sort à l’occasion du festival Quai des Bulles, cet album conclut le premier cycle de la série. Quelle direction va prendre la série ?
Nous allons partir dans le Pacifique et nous allons y retrouver les atolls, les Japonais, les Corsair et bien d’autres choses qui caractérisent cette région du globe. Cela a été peu traité en BD contrairement au débarquement en Normandie et tout ce qui s’en suit. Tout le monde connaît malgré tout ce qui s’est passé dans le Pacifique grâce à la série télé Les Têtes brûlées mais c’est à peu près tout sur le sujet. L’héroïne poursuivra sa mission pour l’OSS, cela lui permet de se balader sur différents fronts et de façon cohérente puisqu’à cette époque cela était tout à fait possible.
Avec cette série, l’affrontement se déroule autant dans les airs avec les combats aériens que sur terre avec la rivalité entre les deux héroïnes. Prends-tu autant de plaisir à dessiner ces deux aspects du récit ?
Ah oui, tout à fait. Ce qui est intéressant c’est que ces deux personnages sont plus profonds qu’il n’y paraît lors du tome 1 où on pourrait être tenté de penser que d’un côté il y a la pilote un peu rude et d’un autre la bimbo un peu pin-up. Dans ce troisième tome, on se rend compte de Jinx a plus de ressources que prévu car, même si elle en bave dans la jungle, elle a des avantages puisqu’elle est très sportive, elle les sort d’un mauvais pas. Nous avons vraiment voulu nous inspirer de la vraie Jinx qui a existé et qui était championne de tennis. Quant à Angela, elle fanfaronne un peu dans le tome 1 mais elle en bave autant que Jinx dans la jungle même si elle a toutes les informations nécessaires à la survie dans ce type de conditions. Notre but est de casser les codes de la BD d’aviation classique avec le héros qui est toujours sans peur et sans reproche et qui n’a aucun problème. Pour le coup nous ne ménageons pas nos héroïnes.
Pour le second cycle, reverrons-nous Jinx aux côtés d’Angela ?
Non, nous ne verrons plus Jinx mais il y aura un nouveau personnage féminin qui évoluera sur le front Pacifique dans le même registre que Jinx mais avec moins de profondeur. Ce sera donc marrant de dessiner une nana un peu plus nunuche.
Comment naît chaque série avec Yann ? Lui donnes-tu des indications sur ce que tu souhaites dessiner ou te soumet-il directement un scénario que tu valides ?
A la base, tout commence par une réflexion : « qu’est-ce qu’on a envie de dessiner ? ». Au début, quand je lui ai parlé de la première guerre mondiale pour Le Pilote à l’edelweiss, il n’était pas spécialement emballé mais il a commencé à se documenter sur le sujet et, vu qu’il a lu tout ce qu’il y a comme documentations existantes pendant six mois, il a trouvé quel angle développer pour la série. Pendant que je finis le tome précédent, il épluche tous les documents qu’il a trouvé, il note tout ce qui peut être utilisé. Une fois que j’ai terminé mon travail sur l’album en cours il me livre un synopsis avec une histoire qui généralement correspond à mes attentes puis il me fait le découpage dix planches par dix planches. C’est vraiment un travail à quatre mains car nous adaptons le récit au fur et à mesure que l’on avance dessus. Pour Le Grand Duc par exemple, cela ne devait pas finir comme ça, nous avons changé trois fois la fin, plus on avançait dans l’histoire et plus on trouvait des trucs géniaux à intégrer au récit. On est comme des gosses quand on s’échange des infos pour faire avancer le récit. On s’entend admirablement bien, on adore bosser ensemble, on se connaît par cœur et on ne s’est jamais interdit de faire quelque chose.
Tu es fidèle dans tes collaborations car, après avoir travaillé sur plusieurs albums avec Régis Hautière, tu as enchaîné en formant un duo avec Yann depuis maintenant trois séries. Qu’est-ce qui différencie ces deux collaborations ?
Avec Régis et Yann, ce sont deux approches différentes mais tout aussi intéressantes l’une que l’autre. Avec Yann, j’ai vraiment trouvé mon binôme rêvé, c’est un grand scénariste qui fait de bonnes histoires, fan d’avions mais pas uniquement. Souvent les BD d’aviation sont faites par des gens qui ne sont pas raconteurs d’histoires, ceux sont souvent des pilotes ou des personnes des services de renseignements qui se mettent à la BD. Tout est bien documenté mais ce n’est pas ce qui fait une bonne histoire, une bonne histoire d’avion c’est comme un bon western ou n’importe quel sujet, ce n’est pas parce qu’il y a des avions que ça doit forcément être nunuche. Il faut juste un bon scénariste.
Tu as jusque-là dessiné uniquement des séries avec des avions à hélices. Est-ce que l’on pourrait te retrouver à dessiner des avions à réaction ? Tu as d’ailleurs dessiné quelques appareils de ce type dans Pin-Up Wings.
Effectivement, les avions de la Seconde Guerre Mondiale me passionnent mais je ne suis pas sectaire, j’aime tous les avions. Quand je fais Paris-Bruxelles en A320, je regarde partout. Je ne suis donc pas contre dessiner une BD avec des avions de ce type mais il faut une bonne histoire, pourquoi pas un récit basé pendant la Guerre de Corée ou une histoire autour du F-14 que tout le monde a vu dans le film Top Gun. J’aime aussi beaucoup le F-104 Starfighter qui est une espèce de fusée avec deux mini-ailes ou bien encore le Phantom au Vietnam. Dans tous les cas pour le moment je suis focalisé sur le nouveau cycle d’Angel Wings, le Pacifique va être sympa à dessiner. J’ai commencé la première planche où est représenté un atoll avec des tons turquoise, ça me change de la jungle et de la boue que j’ai dû représenter dans le dernier tome.
Si un jour on te lançait un défi de dessiner une BD sans avion, quel genre d’histoire aimerais-tu réaliser ?
Ça serait chaud, je pense. Avec les éditions Paquet, Yann et moi avons la chance de pouvoir faire exactement ce que l’on veut, les contraintes nous nous les imposons nous-mêmes. Il n’y a aucun plan marketing imposé par l’éditeur, nous réalisons les séries comme bon nous semble, qu’il y ait deux tomes, trois tomes ou plus. Cela fonctionne donc pourquoi changer ? C’est un problème car maintenant, quand je bosse avec des contraintes pour des boulots annexes de comm’ ou autre, cela m’énerve rapidement, je n’y suis pas habitué. Heureusement je ne sélectionne que les projets sympas.
Quel regard portes-tu sur la collection Cockpit dans laquelle tu as été l’un des premiers auteurs édités ?
En fait, c’est Pierre Paquet qui a eu le nez creux avec la série Dog Fights réalisée par Régis Hautière et Fraco. Quand j’ai commencé à travailler sur Le Dernier envol, il s’est dit « tiens, pourquoi on ne ferait pas une collection dédiée à l’aviation ? ». Je lui ai répondu « pourquoi pas » et bonne pioche car aujourd’hui c’est la collection qui vend le plus chez Paquet, c’est chouette. Il y a beaucoup de séries très sympas, on ne sort pas autant de séries que la concurrence, car c’est un peu devenu à la mode de faire de la BD d’aviation, on opte plus sur la qualité que la quantité. On ne tombe pas tous les jours sur des auteurs comme Christophe Gibelin. On essaye de garder à la fois une indépendance vis-à-vis de l’éditeur, c’est-à-dire que l’on réalise les projets que l’on a envie de faire et du coup on les fait mieux que s’il s’agissait d’un boulot de commande. J’ai un regard bienveillant sur la collection Cockpit que je considère un petit peu comme mon bébé. Quand nous l’avons lancé, les éditions Paquet n’en étaient pas là où elles en sont maintenant, nous avons réussi à avoir un niveau de qualité qui fait que nous sommes reconnus dans le monde de l’aviation.
Tu es directeur de la collection. Qu’est-ce qui nous attend de beau pour les prochains mois ?
Il y a Typhoon dont le second et dernier tome vient de sortir avec Christophe Gibelin aux manettes, c’est un dessinateur hors pair qui a un style complètement différent du mien et c’est ce qui est chouette dans cette collection puisque nous avons chacun notre style. Je pense également au troisième tome de Gilles Durance avec Callixte à la manœuvre et qui mettra en scène le Concorde sur fond d’espionnage. Le prochain album de Michel Koeniguer est également à suivre de près, tout comme Olivier Dauger dont le dernier opus de Ciel de guerre est sorti récemment. Ce qui est chouette, c’est que depuis dix ans nous avons réussi à conserver cet esprit d’équipe, nous prenons toujours autant de plaisir à nous retrouver sur les festivals tels que Quai des Bulles ou sur les meetings aériens.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 28 octobre 2016
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