Emilio Van der Zuiden était de passage au festival d’Angoulême pour parler du dernier titre qu’il a réalisé, le tome 1 des Beresford tiré de l’univers créé par Agatha Christie. Rencontre.
Les éditions Paquet viennent de lancer la collection Agatha Christie et tu es l’un des trois premiers auteurs à y participer. Comment as-tu rejoint cette aventure, comment cela s’est passé ?
A la base, j’étais déjà lecteur d’Agatha Christie, notamment de ces personnages que sont les Beresford. Je connaissais la série de romans et de nouvelles et ensuite, lors du rachat des éditions Emmanuel Proust par Paquet, il a embarqué dans le lot les licences et Emmanuel Proust avait justement les licences Agatha Christie. A l’époque, j’avais déjà soulevé la question auprès de Pierre Paquet. Si d’aventure il relançait la collection Agatha Christie, ça m’intéressait de faire les Beresford. L’idée du projet a suivi un petit peu son chemin et finalement il s’est décidé à relancer cette collection. Au départ, il a été question notamment de reprendre une partie du catalogue déjà existante puisqu’il y avait eu pas mal d’albums édités par Emmanuel Proust et ensuite il a décidé de recréer carrément une collection en partant de zéro. Donc évidemment je me suis inscrit parce que le projet m’intéressait et voilà donc comment je me suis emparé de l’adaptation du premier roman qui est en fait le deuxième d’Agatha Christie.
Contrairement à ce que nous disait Olivier Dauger dans une précédente interview où il pouvait prendre les aventures de Miss Marple de façon non chronologique, il était essentiel pour toi de débuter l’aventure des Beresford avec le premier roman écrit sur eux.
Oui, c’était volontaire aussi parce que Mister Brown est le premier roman où apparaissent les Beresford. La particularité de ces personnages et des romans d’Agatha Christie est que, tout au long des quatre romans et de la quinzaine de nouvelles, elle fait vieillir ses personnages. Dans le premier, ils sont jeunes, ils se retrouvent après la Première Guerre et ensuite ils se marient et fondent une famille, ils ont des enfants, les enfants grandissent, partent et eux sont à la retraite. C’était ça vraiment qui m’intéressait et qui m’intéresse toujours dans ce projet. Donc oui, il fallait non seulement commencer chronologiquement par le premier tome, Mister Brown, mais en plus ça permettait vraiment d’installer les personnages. C’était ce qu’il fallait pour un premier album de BD, mon idée est vraiment d’installer des personnages de BD, pas d’adapter très fidèlement ou très littéralement le roman. Étant donné que c’est le tout début de l’aventure, autant commencer par celui-là.
Tu parlais de quatre romans et quinze nouvelles, celles-ci peuvent-elles également être adaptables en BD ?
J’ai commencé à partir du premier roman qui est un peu une intrigue d’espionnage, ensuite les trois autres font un bond dans le temps et on retrouve les personnages un peu plus âgés. Moi je voulais encore travailler un peu la jeunesse des Beresford. Dans le deuxième tome que je suis un petit peu en train de préparer, on ne va pas les voir tout à fait âgés encore mais au tout début de leur vie commune. C’est pour cela que j’ai préféré travailler sur une des nouvelles qui fait partie d’un ensemble qui est, il me semble, Le Crime est notre affaire. Cette nouvelle fait partie d’un ensemble. Ce recueil de nouvelles, Agatha Christie l’a construit avec l’idée d’en faire un pastiche. C’est-à-dire qu’elle a fait une espèce de fil rouge qui court tout au long des nouvelles qui peuvent être lues de manière tout à fait indépendante, puisque ce sont des petites enquêtes à chaque fois, elle emprunte le style et un peu la manière de procéder de détectives célèbres. Il y a un pastiche de Sherlock Holmes, un pastiche de Hercule Poirot, l’un de ses propres personnages, le révérend Brown, etc. Cette nouvelle fait partie de cet ensemble, maintenant je l’ai un peu extirpée de son contexte qui offre la particularité d’être un peu à la limite du fantastique. Une histoire de fantômes, c’était rigolo, je ne voulais pas retomber dans une intrigue façon espionnage qui aurait été redondant par rapport au premier mais je voulais continuer à détailler les personnages et les livrer à un autre type d’intrigue.
A tes débuts en BD, tu as travaillé avec des scénaristes et depuis la série McQueen tu fais tes propres scénarios. Etait-ce une finalité pour toi quand tu t’es lancé en BD d’écrire tes scénarios ?
En fait ce n’était pas une finalité en fait mais un retour au début. Mon tout premier album publié chez Paquet, Georges Caplan vous parle…, était scénarisé par moi. Ça a toujours été pour moi un ensemble, le dessin et le scénario, la bande dessinée pour moi c’est raconter une histoire à la fois écrite et dessinée. Les aléas de la carrière, entre guillemets, ont fait que j’ai participé à des projets qui étaient scénarisés par d’autres. Dès que l’occasion s’est présentée je suis retourné au scénario mais en même temps ce n’est pas non plus quelque chose qui est définitif. Ecrire ses propres histoires offre une grande liberté, une grande latitude de travail, c’est très agréable, mais avec le danger de tomber dans certaines zones de confort, c’est-à-dire que je sais que j’évite soigneusement le plus souvent possible les grandes foules, les grandes scènes de foule en liesse ou des grands décors de New York au petit matin. Si le moi scénariste essaie de l’imposer au moi dessinateur il se prend une rouste. Cela ne m’empêche pas parfois de m’embarquer, comme sur l’album des Beresford, sur le naufrage du Lusitania. Mais disons que, en tant que scénariste dessinateur, on a un peu tendance des fois effectivement à être dans sa petite zone de confort et ne pas y aller. Alors que lorsque l’on a un scénariste, on n’a pas trop le choix, si le gars décide de partir dans des trucs comme ça, soit on le suit, soit on ne le suit pas, mais disons qu’il faut faire un peu plus d’effort. Les deux parties me plaisent, j’aime autant écrire qu’illustrer l’histoire d’un scénariste, avec aujourd’hui peut être le danger que mon côté scénariste prenne trop le pas sur le dessinateur. C’est-à-dire que j’ai trop l’œil du scénariste sur les scénarios que l’on me propose. Ce n’est pas du tout prétentieux ce que je suis en train de dire mais, ayant un œil critique, si d’emblée je commence à avoir beaucoup trop de défauts, pas assez d’attraits, etc., le scénariste va prendre le pas et il va juger le truc. Il faut que l’histoire soit suffisamment forte pour emballer le dessinateur et que le scénariste reste à quai et n’ait pas son mot à dire.
Après j’ai eu plusieurs tentatives malheureuses qui n’ont pas abouti mais mes propres scénarios dessinés par d’autres c’est quelque chose que j’aimerais bien voir. Bien sûr on avait travaillé à un moment donné avec Cédric Kernel sur un scénario et c’était super parce que c’était une histoire que je pensais à la base plus ou moins dessiner mais que je voyais dessinée par Cédric dont j’adorais le travail. Ça marchait bien mais c’est arrivé au moment où il a signé Prunelle. Écrire pour les autres est quelque chose que j’aime beaucoup, cela permet une autre vision sur tes histoires. Surtout je pense que les scénaristes ont à peu près la même démarche aussi, ils ont peut-être un peu plus le son que l’image, moi j’ai le son et l’image de ce que j’écris, j’ai des idées dans la tête, ça s’interprète tout de suite et je vois comment je pourrais faire. C’est vrai que c’est tout aussi intéressant de voir, de comparer le résultat vu par un autre dessinateur.
Et la suite de 2018 pour toi c’est quoi ?
J’ai commencé un peu pour m’avancer si Pierre Paquet veut sortir la suite rapidement, sinon je partirai sur autre chose. Mais pour l’instant je ne sais pas trop sur quoi je vais partir vraiment de manière sûre qui sortira l’année prochaine. Tout est ouvert.
Merci d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisé le 26 janvier 2018.
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