Titre : L’Atelier des gueules cassées
Scénariste : Sybille Titeux de la Croix
Dessinateur – Coloriste : Amazing Ameziane
Éditeur : Marabout
Collection : Marabulles
Parution : Mars 2018
Prix : 17,95€
Anna Coleman Ladd est une sculptrice américaine et a été une des rares femmes à avoir eu le privilège d’étudier à Paris auprès de M. Rodin. Elle vit heureuse à Boston avec son mari Maynard Ladd, un brillant médecin, jusqu’à ce que la France déclare la guerre à l’Allemagne. Étant membre de la Croix Rouge américaine, il est appelé à tenir un hôpital militaire. Tout naturellement elle le suit. Sur place, elle est profondément touchée par les atrocités subis par les soldats. Une rencontre avec le sculpteur anglais Wood, par l’entremise de son mari, lui donne la conviction qu’elle doit, à l’instar de son homologue, créer des prothèses faciales pour rendre leur dignité à ceux qui ont tant donné pour leur pays. Ainsi, elle crée à Paris avec son amie Sabine le « Studio Of Portrait Masks », en partie financé par la Comité Central des Dames de La Croix Rouge. Le soldat Félix Bontarel et le Sergent Antonin De Mussan, gravement blessés sur le front, font partie des Gueules Cassées qui sont passées entre leurs mains au sein de cet atelier si particulier.
Sybille Titeux de la Croix (Muhammad Ali) présente, dans un premier chapitre de près de 60 pages, les trois principaux personnages de cet album en leur donnant la parole. Ainsi par séquences entrecoupées, ils nous dévoilent leurs vies avant la Première Guerre Mondiale, et nous comprenons pourquoi Anna crée le « Studio », pourquoi Félix et Antonin s’y retrouvent. S’en suivent trois autres parties (une soixantaine de pages au total) qui racontent leur histoire commune, où la scénariste ajoute une intrigue qui accentue l’intérêt déjà bien présent dès le début. L’Atelier des Gueules cassées est un album à la fois sombre et lumineux. Sombre parce qu’il s’agit de la Grande Guerre, de ses atrocités, de ses soldats défigurés que l’on regardait comme des parias, oubliés et ayant perdu leur dignité. Lumineux parce que c’est un bel hommage à une femme, Anna Coleman Ladd, qui a mis toute son énergie et son art afin de leur redonner le sourire. Mais aussi parce que la douce plume de Sybille Titeux de la Croix apporte cette lumière malgré la dureté des propos. C’est tellement bien écrit ! Chaque mot est pesé et son intention juste. Un texte très fort auquel Amazing Améziane (Fissa, Papa…) répond de très belle façon avec un dessin aux multiples techniques d’une efficacité redoutable. Mise en page audacieuse, sensibilité chromatique complètement en phase avec les ambiances lourdes, utilisation de silhouettes pleines noires ou blanches à la façon de Frank Miller, hommage à Winsor McCay, incorporation de photos d’époque, servent le récit à merveille.
Le duo d’auteurs fait une nouvelle fois mouche en proposant ce double hommage à la narration et au graphisme remarquables.
Stéphane Girardot
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