
© 2019 Blake et Mortimer
Titre : Le Dernier Pharaon
Scénaristes : Jaco Van Dormael & Thomas Gunzig
Scénariste – Dessinateur : François Schuiten
Coloriste : Laurent Durieux
Éditeur : Blake et Mortimer
Parution : Juin 2019
Prix : 17,95 €
Invité à se rendre au palais de justice de Bruxelles par son vieil ami Henri, qui a fait une découverte assez importante pour le convier en urgence, le professeur Philip Mortimer est une nouvelle fois confronté à l’extraordinaire : un rayonnement électromagnétique anormal, la découverte de l’atelier fantôme de l’architecte du palais, des hiéroglyphes mystérieux, et bientôt la disparition de son ami Henri dans un grand faisceau lumineux ! C’en est presque trop pour le savant. Mortimer est dès lors confronté à de violents cauchemars, en lien avec son voyage lointain en Égypte, et Bruxelles, touchée par ce puissant champ magnétique provoquant des pannes dans les circuits électroniques, est bientôt mise en quarantaine elle aussi. Ceci étant, lorsqu’il apprend par son compère Francis Blake que l’armée prépare un plan bien trop radical pour solutionner le problème, Mortimer sort de sa retraite et renfile malgré lui sa tunique d’aventurier pour retourner dans Bruxelles désertée. Élucidera-t-il le mystère du palais de justice avant qu’il ne soit trop tard ?
« Il n’y a que vous. Vous êtes le seul à connaître l’endroit. Vous êtes le seul à avoir fait des recherches sur ce qui s’est passé.
– Vous ne me laissez pas le choix.
– Non… Et c’est urgent, évidemment… Vous partez ce soir. »
Annoncé en grande pompe par l’éditeur et encensé avant même sa sortie par une bonne partie des médias et du microcosme de la BD, Le Dernier Pharaon est le type même d’album dont doit se méfier le chroniqueur à qui on promet la lune. C’est donc avec une certaine impatience mais aussi la peur d’être déçu que nous entrâmes dans l’ouvrage. Premier constat : un quatuor formé de François Schuiten, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux pour composer cet album, ça aurait sans doute plu à l’ancien baryton Edgar P. Jacobs. Deuxième remarque : c’est un véritable hors-série, un one-shot comme connaissent Spirou et Fantasio depuis plusieurs années ou Lucky Luke depuis peu. Contrairement aux albums de la série classique depuis la reprise, Le Dernier Pharaon est un album de François Schuiten (and co) dans lequel nous retrouvons Blake et Mortimer, et non un auteur qui se met au service de Blake et Mortimer en imitant Jacobs. Inutile, donc, de le comparer avec un autre album de la série, tant il est différent et de fait inclassable. Graphiquement, la ligne claire est remplacée par la hachure. Le dessinateur partage brillamment sa passion de l’architecture, animant un Bruxelles et son palais de justice comme rarement. Son interprétation des personnages a quelque chose d’émouvant car c’est quasiment la première fois qu’un auteur se détache du style jacobsien pour représenter Philippe et Francis (si l’on écarte la parodie du même nom et la mise en scène des héros vieillissants par André Juillard dans L’Aventure immobile). Ici, pas vraiment de place pour l’humour (encore que, quelques saillies pince sans rire collant bien à l’esprit britannique). L’ambiance générale est plus grave, caractérisée par un style figé, parfois d’une froideur glaciale (sublimée par les couleurs de Laurent Durieux), et les héros sont là aussi chronologiquement sur la pente descendante, plusieurs années après leurs aventures mémorables. Embarqués dans une histoire fantastique écrite à plusieurs mains, Blake et Mortimer, anciens complices qui se sont éloignés l’un de l’autre au fil du temps, vivent une expérience fascinante qui questionne sur notre rapport à la technologie moderne et l’environnement. L’intrigue garde sa part de mystère et de rêve mais reste – et c’est important pour ne pas trahir la narration jacobsienne – globalement fluide et explicable. Seule l’introduction du récit, au rythme un peu trop rapide, dénote avec l’ambiance classique qui installe généralement en douceur le contexte de l’aventure. Pour le reste, l’esprit est là, et celui qui s’en sort le mieux et se retrouve une fois de plus au cœur de l’histoire n’est autre que Mortimer, qui était déjà le personnage central chez Jacobs. On prend également plaisir à faire le lien avec le diptyque du Mystère de la Grande Pyramide, qu’il convient d’avoir bien en tête avant d’arpenter cette lecture, mais en bon Gentleman ou en Lady digne de ce nom, vous y aviez déjà pensé !
Une interprétation brillante de Blake et Mortimer, à travers un album d’auteur(s) aux accents à la fois mystiques et très contemporains.
Nicolas Raduget
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3 Responses to “Blake et Mortimer (Une aventure de) #1”
30 juin 2019
Christophe Van HoutteA noter que l’ouvrage est sorti également au format demi-planches qui permet d’admirer tout le talent de François Schuiten et profiter aux mieux des décors et des architectures.
Il n’y a pas que graphiquement que cet ouvrage s’éloigne des oeuvres d’E.P. Jacobs. tout comme certains ouvrages des repreneurs, l’histoire comporte plusieurs personnages féminins d’importance : Luna et surtout Lisa. Par contre on reste très Jacobsien dans le fait que Mortimer est bien plus mis en avant que Blake.
Seul bémol pour ma part sur le message véhiculé par l’histoire, proche des idées survivalistes et collapsologiques. Trop proche en ce qui me concerne.
Reste un propos dans l’air du temps, comme le faisait Jacobs à son époque : que Lisa soit une migrante résonne avec l’actualité et le personnage de l’ancien trader aurait certainement pu être imaginé par Jacobs s’il était encore vivant.
Le fait que l’histoire ne soit pas figée dans les années 50 comme dans les ouvrages des repreneurs fait un bien fou à Blake et Mortimer. Quatre ans de travail et cela en valait la peine.
Espérons que les hors-série de B&M resteront rares mais tous avec la même qualité. Il ne faudrait pas que cela devienne comme les histoires des repreneurs qui sont pour le moins inégales en qualité, alternant le parfois très bon avec le souvent très quelconque.
30 juin 2019
Nicolas RadugetMerci pour ce complément et cet avis, Christophe. La version demi-planches est malheureusement introuvable depuis quasiment le premier jour mais, hasard du calendrier, j’ai réussi à mettre la main dessus aujourd’hui même : ) Hâte de la découvrir.
1 juillet 2019
Christophe Van HoutteMa version demi-planches était bien au chaud de côté, réservée depuis plusieurs mois chez mon libraire. Grand bien m’en a pris, car il n’en a reçu que 5 exemplaires, tous pré-réservés. Tu as de la chance d’en avoir trouvé un exemplaire plus d’un mois après la sortie en librairie. 😉