Titre : Un ennemi du peuple
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Javi Rey
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
Parution : Février 2022
Prix : 24€
Bienvenue à la Baleine Heureuse ! Ce paradis thermal, selon la brochure, a été fondé par Peter et Tomas Stockmann, deux frères bien différents. Le premier joue parfaitement le rôle du maire puissant et hypocrite, avide de notoriété et qui vendrait son âme pour la maintenir au beau fixe auprès des touristes et de ses administrés. Le second, médecin, s’apprête à révéler le scandale sanitaire qu’il a découvert. Qui l’emportera dans l’opinion entre le notable qui en croque et son frère « lanceur d’alerte » ? Lequel des deux sera l’ennemi du peuple ?
La première chose qui frappe le lecteur est le caractère très contemporain de cette histoire, pourtant adaptée d’une pièce de l’auteur norvégien Henrik Ibsen pensée il y a 140 ans ! Si cette œuvre fait encore écho à l’actualité, c’est d’abord parce que son auteur y posait les bases d’une réflexion sur les dérives démocratiques. Certains commentateurs y ont aussi vu un plaidoyer qui annonçait les totalitarismes ultérieurs. Ensuite, c’est parce que l’adaptateur a parfaitement su s’en emparer pour l’ancrer dans notre histoire du temps présent. Ce n’est pas un copier-coller de l’original mais une revisite extrêmement bien construite, avec des petits changements opportuns dans le scénario, pour renforcer le côté universel du propos. Javi Rey, en découvrant cette pièce, a été frappé par la dénonciation du populisme et a très bien su reconstruire les réflexions sur la corruption, la manipulation de l’opinion publique par les médias et les intérêts privés. Graphiquement, le changement de support apporte aussi une fraîcheur salutaire : une ligne claire impeccable qui nous plonge dans une esthétique cinématographique voire picturale, avec un jeu de couleurs très réfléchi selon les lieux. Ce n’est pas qu’un album pour réfléchir mais un plaisir pour les yeux. Fallait-il considérer cette pièce comme un drame ou comme une comédie ? L’auteur avait finalement choisi la première solution. Le choix peut aussi se justifier ici à la différence heureuse qu’il subsiste lors du dénouement un soupçon d’optimisme.
Javi Rey nous fait chavirer avec son adaptation prenante et très actuelle d’une pièce de 1882 !
Nicolas Raduget
Réagissez !
Pas de réponses à “Un ennemi du peuple”