Titre : Le Triskel volé
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Miguelanxo Prado
Éditeur : Casterman
Parution : Janvier 2020
Prix : 20€
Artur Rego, un doctorant boursier, retrouve par hasard les notes d’un ancien professeur intitulées De la survivance de l’ordre magique, un sujet qui l’intéresse malgré le rationalisme scientifique installé à la Faculté. D’autant plus que son frère et ses enfants constatent l’apparition d’anneaux de runes sur l’écorce des vieux chênes de la Lubre, la forêt sacrée. Due à l’agitation des ailes d’un lucane cerf-volant sur un arbre ou à une formule prononcée par les visiteurs ? Quoi qu’il en soit, c’est un signe annonciateur du réveil de forces surnaturelles et de la fin du pacte de léthargie qui maintenait endormis anges et démons depuis des millénaires. De fait, la fée Eirgren, Griam, un pur, et malheureusement Xamaín, un démon, se retrouvent. La fin de la race humaine est inéluctable car elle a rompu ses engagements de vie en harmonie avec Gaïa. Avant cela, il faut réveiller les autres. Une chose impossible pour le moment car le triskel a été volé. Ainsi, chacun le cherche de son côté. Artur, associé à Áurea et Gabriel Mascato, enquête auprès du professeur Ancares Díaz alors que Elathan Pedrafita utilise une autre approche. Sans surprise, l’avidité humaine est au cœur de cette disparition. Ce qui ne fait que conforter l’envie de Xamaín de tous les éliminer.
Miguelanxo Prado change de registre après Ardalén et Proies faciles en proposant Le Triskel volé, un récit fantastique et étrange où mythe et réalité cohabitent afin d’aborder un sujet on ne peut plus d’actualité. En effet, si l’approche parait assez excentrique, il n’en est pas moins que la question posée par l’auteur est très sérieuse : en regard de ce que l’Homme a fait à la Terre, mérite-t-il encore de vivre ou bien doit-il être éliminé ? Une intrigue bien menée sur un peu plus de 100 pages où le méprisant et arrogant aristocrate Faustino Traba (un Faust en puissance !) et l’opportuniste et magouilleur professeur Figueira Chao imagent la part négative de l’Homme en opposition à Artur, toujours affable et ouvert au merveilleux. La recherche du fameux triskel, qui révèle où se trouvent les purs et les démons, se déroule avec la participation d’un trio d’êtres surnaturels : la fée Eirgren, le pur Griam (qui prend les traits de Gabriel, référence à l’Ange) et le démon Xamaín (parallèle avec le Samain), un des méchants de l’histoire dont les arguments ne sont pas infondés car l’Homme vole, viole, ment, ne respecte pas la planète, est orgueilleux, etc. Un très bon divertissement qui pousse donc à la réflexion. Toutes les inquiétudes de l’auteur sont magnifiquement portées par un dessin expressif, voire expressionniste, et une mise en couleurs directe des plus immersives. Où l’on (re)découvre avec bonheur l’alchimie entre la matière du trait réduit ici à l’essentiel de l’auteur galicien et l’aquarelle.
Un très, très bel album où la thématique écologique, complètement dans l’air du temps, est traitée avec originalité.
Stéphane Girardot
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