- Titre(s) : Thomas Sankara, rebelle visionnaire
- Scénariste(s) : Françoise-Marie Santucci & Pierre Lepidi
- Dessinateur(s) - Coloriste(s) : Pat Masioni
- Editeur(s) : Marabout
- Collection : Marabulles
- Parution : Septembre 2023
- Prix : 23,95 €
- EAN : 9782501165822
« Che Guevara africain », « président des pauvres » ou encore « icône du panafricanisme », Thomas Sankara était un chef d’État qui ne laissait assurément pas indifférent. Parvenu au pouvoir dans un contexte chaotique, la Haute-Volta ayant subi plusieurs coups d’états successifs au début des années 1980, il n’aura été à sa tête que quatre ans avant d’être assassiné en octobre 1987, dans des circonstances qui restent troubles encore aujourd’hui. Lors de la 39e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 4 août 1984, un an après sa prise de pouvoir, Thomas Sankara évoque le refus pour son pays « d’être “l’arrière-monde d’un Occident repu” » et dévoile le nouveau nom de la patrie alors appelée Haute-Volta : le Burkina Faso. Cette démarche à elle seule pourrait résumer une bonne partie de son engagement : délaisser un nom colonial pour opter pour une nom de tradition africaine (mélange de moré et de dioula, les deux langues principales du pays) signifiant « patrie des hommes intègres ». Identité africaine et intégrité.
« La Haute-Volta, c’était une colonie française… C’est là-bas que sont nés tes grands-parents paternels, au cœur de l’Afrique… Après l’Indépendance, en 1960, la Haute-Volta a vécu dans une grande misère… Jusqu’à ce que Sankara prenne le pouvoir, porté par tout un pays qui en avait marre de la corruption, de la pauvreté… Et il avait une idée en tête, ce Thomas : tout changer !»
C’est cette histoire que racontent ici les journalistes Françoise-Marie Santucci et Pierre Lepidi, à travers les interrogations d’une jeune fille baptisée Léa-Thomas, en hommage à cette grande figure qui semble avoir accompagné la vie de sa famille plus qu’elle ne le soupçonne. Avec Pat Masioni au dessin, la vie de ce « Tom Sank » est intelligemment retracée, dans un ordre logique plus que chronologique, au fil de l’exploration de Léa-Thomas mais aussi du projet auquel s’attelle désormais son père : sa formation de militaire « par hasard », son engagement féministe « avant l’heure », la sobriété qu’il a imposée à son gouvernement en remplaçant par exemple les voitures de fonction luxueuses par les emblématiques R5, les nombreux chantiers qu’il a lancés et auxquels il participait même, ses démarches saluées internationalement – alphabétisation et vaccination, reforestation et nouveau modèle économique jusqu’à l’autosuffisance alimentaire. Les auteurs ne manquent pas d’aborder, lorsque Léa-Thomas se fait de plus en plus passionnée, les facettes plus sombres du personnage, « trop rigide, trop extrême avec les siens » et sa répression brutale de l’opposition. Facettes qui ont pu mener à sa perte : relations diplomatiques tendues et prise de distance avec son ami de toujours et « frère d’armes » Blaise Compaoré aux méthodes qui répondaient mieux aux (bas) instincts de certains… Comme l’a écrit Béchir Ben Yahmed après son assassinat, Thomas Sankara était « un révolutionnaire sincère et brouillon, trop jeune et trop pur pour trouver sa place en politique, y durer. Un jour ou l’autre, les crocodiles devaient l’avaler. » (« Un rêve brisé », Jeune Afrique (France), 28 octobre 1987, p. 4). S’il était évidemment impossible d’être exhaustif (l’arrivée en politique de Sankara aurait par exemple pu être explorée un peu plus en détail), les auteurs s’en sortent bien grâce aux nuances apportées ainsi qu’au découpage dynamique voire « flottant » et à la construction astucieuse, alternant entre présent et passé, mais aussi entre regard passionné de Léa-Thomas et quête plus intime de son père. Tout cela ne donne qu’une envie : se plonger plus profondément dans l’histoire passionnante de cet héritier de W.E.B. Du Bois, Malcolm X ou Patrice Lumumba.
Une biographie originale et réussie pour (re)découvrir ce « rebelle visionnaire ».
Chloé Lucidarme
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