
© Dupuis, 2020
Titre : Spirou chez les Soviets
Scénariste : Fred Neidhardt
Dessinateur – Coloriste : Fabrice Tarrin
Éditeur : Dupuis
Collection : Tous publics
Parution : Septembre 2020
Prix : 12,50€
Événement dans le petit monde de la BD franco-belge ! Plus de 90 ans après Tintin, Spirou et Fantasio se rendent aussi chez les Soviets ! Il était temps ! Bon, en réalité, l’album se déroulant au début des années 1960, ils n’ont qu’une trentaine d’années de retard et ont le mérite d’être un peu mieux documentés, Tintin y étant allé dans sa prime jeunesse avec quelques a priori dans ses valises (Spirou et Fantasio sont aussi retournés en Russie en 1990 dans Spirou à Moscou de Tome et Janry pour ceux qui s’intéressent à ce thème, à toutes les époques, ainsi qu’aux auteurs de qualité, ce qui est le cas si vous lisez ces lignes à moins que vous ne soyez qu’un simple curieux ou une simple curieuse, quoi qu’il en soit bienvenue dans tous les cas, et zut j’ai encore fait une parenthèse trop longue, ne partez pas le résumé arrive et notre avis aussi s’il vous reste assez d’énergie, ça vaut le coup on vous le recommande vraiment vous allez voir, encore quelques mots et le record de la phrase sans fin est battu voilà ça y est vous pouvez respirer). Tout commence au château de Champignac où le comte est enlevé par deux vilains du KGB. Ses connaissances en mycologie seront très utiles au savant Lyssenko dont le projet vise à répandre le gène du communisme dans le monde entier ! Spirou et Fantasio partent à son secours équipés de gadgets en tous genres et d’une carte de presse de Vaillant-Pif Gadget pour passer inaperçus en terrain ami. Réussiront-ils à ne pas finir au Goulag et à libérer leur ami avant qu’il ne soit trop tard ? Vous le saurez après avoir rencontré plusieurs personnages captivants, notamment féminins, et vécu avec nos héros des péripéties empreintes d’une belgitude d’autant plus amusante que les auteurs ne sont pas belges.
La patience des lecteurs est enfin récompensée. Repoussée en raison des circonstances sanitaires, la sortie de cet album était très attendue des amateurs du Spirou « classique », tant les auteurs avouent leur penchant pour Franquin et les auteurs de l’âge d’or de Dupuis (en même temps, avouer l’inverse serait un peu suicidaire). La prépublication de l’album fut aussi très étalée – mais volontairement cette fois – dans le journal Spirou, visiblement conscient, et à raison, de tenir là une pépite à valoriser. Sans tomber dans la nostalgie pure, le duo Neidhardt et Tarrin a bien réussi son pari de combiner l’ancien et le moderne. L’album se déroule en pleine guerre froide, au début des années 1960, juste après des épisodes fameux qui les a inspirés (La Mauvaise Tête, Le Repaire de la Murène…). Graphiquement, on s’y retrouve, Fabrice Tarrin réussissant parfaitement à se fondre dans le moule de l’époque sans perdre totalement sa patte (ce qui serait embêtant pour un dessinateur). Le résultat est convaincant, comme il l’était déjà dans son autre « one-shot », encore dans un autre style hybride et cette fois avec Yann, l’excellent Tombeau des Champignac. Quant au scénario, il est très malin. Il reprend les codes des histoires d’espionnage de l’époque tout en parsemant l’épisode de réflexions très actuelles sur la société. On ne compte plus les bonnes trouvailles et on pourra même trouver l’album drôle sans comprendre toutes les références aux personnages historiques (réels ou de bande dessinée), qui sont légion mais ne font pas entrave au récit. Même s’ils se défendent de faire de la parodie, les provocateurs Tarrin et Neidhart (ce dernier ayant déjà commis Spouri et Fantaziz), y tendent naturellement, ne serait-ce que dans le titre, mais ce n’est pas un mal, au contraire. Cette collection des albums parallèles, devenue tellement foutraque de par son ampleur, ses styles et ses présentations, garde le mérite de permettre cet exercice de style. Remarquons pour terminer cette chronique beaucoup trop longue que l’intrigue est également très rythmée et, sauf erreur, n’est ralentie par aucun récitatif, ce qui est assez rare. Si vous n’aimez pas Blake et Mortimer, c’est une faute de goût mais cet album est pour vous !
À bien des égards, le séjour de Spirou chez les Soviets permettra au lecteur de mauvaise foi d’affirmer la supériorité du groom sur la houppette.
Nicolas Raduget
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