
© 2019 Casterman
Titre : Solo
Scénariste – Dessinateur : Gilles Rochier
Coloriste : Philippe Ory
Éditeur : Casterman
Parution : Septembre 2019
Prix : 17€
Nouveau passe-temps ou contrecoup post-traumatique ? Au lendemain des attentats du Bataclan le 13 novembre 2015, Gilles Rochier s’achète une trompette sur Le Bon Coin. Il ne parle plus et ne s’exprime plus qu’au travers de l’instrument à vent dont il ne sait même pas jouer. Il crée ainsi une mélodie cacophonique qui tantôt énerve, tantôt questionne. Que ce soit sa famille, ses amis ou encore ses voisins. Ne pouvant plus jouer chez lui, il trouve refuge sur le toit de son immeuble pour arroser de ses « pouets » incontrôlés l’ensemble de son quartier. Comment exprimer sa tristesse quand on est sous le choc, quand on n’a plus les mots, quand on se perd dans sa douleur ? La trompette, c’est finalement pas mal comme moyen selon le psy ! Mais Gilles peut surtout compter sur son meilleur ami Kader qui va essayer par tous les moyens de le sortir de son mutisme. Ou de sa fixation, c’est selon. De monologues en rencontres – parfois ratées – avec des musiciens, son pote reste à ses côtés malgré tout ce que cela lui coûte. Jusqu’au jour où Kader décide de prendre l’air et de laisser Gilles en plan. C’est alors que les « pouets » se transforment en « Kaderrrrrrr » !
Loin des œuvres immédiates, de Catherine Meurisse ou Luz, post-Charlie, Gilles Rochier (TMLP, En roue libre) se fait – près de quatre ans après – le témoin d’un événement qui a laissé la France entière le souffle coupé : les attentats du Bataclan. Dans ce récit autobiographique, l’auteur raconte comment il s’est coupé du monde pour ne pas être envahi et pollué par toutes les informations déversées via les médias et autres réseaux sociaux, comme cela avait été le cas précédemment pour Charlie. Comment avec sa trompette, il s’est tenu à distance pour se préserver tout en faisant « chier » son entourage. D’ailleurs, c’est très intelligemment que l’horreur n’est pas citée de suite. On est dans le suggestif. Le lecteur rigole de voir le héros qui essaye de jouer de sa trompette avant de saisir la gravité du pourquoi de la chose. Mais il y est également question d’amitié forte, celle de Kader, l’ami fidèle qui tient tant qu’il peut afin de venir en aide à son pote. Un concentré d’émotions mis en scène à travers de multiples saynètes où les mots sont justes et les dialogues finement composés. Le trait de Gilles Rochier y est, comme à son habitude, brut et vif. Et toute cette cacophonie aux « pouets » omniprésents évolue dans une bichromie cuivrée, en référence à l’instrument bien évidemment, jouée dans le tempo par Philippe Ory. De plus, signe du destin ou hommage éditorial, l’album sort un 11 septembre.
Solo est à la fois un devoir de mémoire, un exutoire et une ode à l’amitié qui nous cueille par sa singularité et son originalité.
Stéphane Girardot
Réagissez !
Une réponse to “Solo”
25 février 2022
Zaï Zaï Zaï Zaï Attitude - Une exposition BD Aix 2022[…] et ami(e)s : Émilie Plateau (L’épopée infernale), Tanx (Attembre) et Gilles Rochier (Solo). Fabrice Erre (Mal Dominant – One Man Show), fidèle complice de l’auteur est ici […]