Titre : Sangoma – Les Damnés de Cape Town
Scénariste : Caryl Férey
Dessinateur – Coloriste : Corentin Rouge
Coloriste : Alexandre Boucq
Éditeur : Glénat
Parution : Novembre 2021
Prix : 25€
Malgré la fin de l’Apartheid, l’Afrique du Sud reste brisée par des années de ségrégation raciale qui continuent d’opposer les communautés et les politiciens. Dans la droite ligne de Nelson Mandela, Mark Savela tente de maintenir la réconciliation nationale mais les extrémistes lui mènent la vie dure. Sa propre fille entretient d’ailleurs une relation cachée avec à la fois le leader des Blancs conservateurs et un lieutenant de police à qui l’on confie une délicate enquête, propre à enflammer les tensions autour d’un ranch. Entre hypocrisie, manigances politiques et secrets bien enterrés, Shane Shepperd va devoir la jouer fine pour ne rien aggraver…
« C’est déjà la foire d’empoigne au Parlement avec la redistribution des terres! Il faut résoudre cette affaire au plus vite avant qu’on nous taxe de laxisme sous prétexte que cet ouvrier est noir! »
Grand voyageur, Caryl Férey s’est fait un nom dans le monde du polar avec des titres tels que Utu, Mapuche ou Zulu, qui traitait déjà avec clairvoyance de l’état de l’Afrique du Sud. En s’attelant au scénario d’une bande dessinée, le romancier revient donc sur ces terres brûlantes où la question raciale reste toujours aussi épineuse plus de trente ans après la fin officielle de l’Apartheid. Sans manichéisme et avec justesse, il oppose les deux extrêmes, d’un côté les Blancs minoritaires gardant la plupart des exploitations et pouvoirs et de l’autre les Noirs de plus en plus éduqués mais cantonnés pour beaucoup dans des bidonvilles infames. Coincé dans cette poudrière, le héros de l’album évolue autant comme un témoin de cette situation intenable que comme un acteur d’un possible changement. Particulièrement bien écrit, le scénario est un petit bijou qui n’omet rien du drame sud-africain et de ses inégalités mais laisse entrevoir un espoir. La réussite est telle qu’on aimerait bien retrouver le lieutenant Shepperd dans une nouvelle enquête en compagnie de l’imposante et attachante Jessica Cole, dont l’arrivée dans le récit est tardive mais marquante. Surtout, ce serait l’occasion de contempler une fois de plus l’exceptionnelle virtuosité de Corentin Rouge, un jeune dessinateur qui repousse ses limites à chaque nouvelle œuvre. Sa propension à nous plonger dans les décors typique du pays est une merveille et concourt sans conteste à la qualité de ce polar fabuleux.
Un album tout bonnement excellent, fruit d’une parfaite collaboration entre deux grands talents.
Arnaud Gueury
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