
© 2019 Petit à Petit
Titre : Derrick – Je ne survivrai pas à la mort
Scénariste : Gaet’s
Dessinateur – Coloriste : Julien Monier
Éditeur : Petit à petit
Parution : Septembre 2018
Prix : 16,90€
Des gens meurent parfois dans la plus grande indifférence. Sans famille, sans amis, mais pas forcément sans argent. Certains mettent parfois des années avant que quelqu’un s’aperçoive qu’ils sont morts. C’est là que Derrick et ses compagnons d’infortune interviennent. Dans l’équipe, en plus de Derrick, il y a Maurice le vieux taciturne, Eugène le gros dur, Albert le maigrichon, Mike le lourdingue et Ahmed le petit nouveau. Mandatés par des rapaces en col blanc qui revendent ensuite les biens aux enchères, la fine équipe est là pour faire place nette et récupérer tout ce qui peut se revendre. Sans rien pouvoir garder pour eux à part quelques conserves, et pour un salaire de misère. Mais la tentation est grande. Lorsqu’un jour Derrick subtilise une bague de grande valeur, les choses dégénèrent. Tout le monde soupçonne tout le monde, et rien ne se passe comme prévu. C’est l’effet papillon : petite cause, grandes conséquences. Mais dans cette histoire, il y a en fait plus d’un papillon…
« Je voulais faire le plus beau métier du monde dans cette chiotte de vie et voilà que je me tape le pire. Et encore, appeler ça un métier… c’est un euphémisme. »
Premier tome d’un récit stéréoscopique qui en comptera six, la première moitié de l’histoire plante le décor par les mots de Derrick. Glauque, déprimant et noir, l’univers de RIP (repose en paix en français) risque de prime abord de rebuter plus d’un lecteur. Et pourtant, ce serait passer à côté des intrigues entremêlées de chaque protagoniste qui font basculer la seconde partie de l’histoire dans un polar bien ficelé. Ne vous laissez pas non plus tromper par son petit format, chaque tome fera malgré tout plus de cent pages et prendra le point de vue d’un des personnages. C’est le principe de tout récit stéréoscopique (tel que Berceuse Assassine par exemple). Nous ne voyons donc ici que la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire uniquement le point de vue de Derrick. L’encrage de Julien Monier s’est affiné en comparaison de ses productions précédentes (Fatalitas, Gant blanc/Gant noir…) et ses mises en couleurs rendent parfaitement l’horreur de chaque scène de découverte de cadavres. Mention spéciale pour les « collés » qui sont du plus bel effet. A la vue de certaines scènes, il serait presque possible d’en sentir les odeurs. C’est morbide, mais bluffant. Le découpage des planches est très travaillé avec de bons effets cinématographiques au niveau des changements de plans et d’angles. Se suffisant à lui-même, ce tome peut donc se lire seul, mais il ne répond pas, loin s’en faut, à toutes les questions. Par exemple, qui est donc le cousin de Mike dont on ne voit pas le visage ? Et pourquoi prévoir un tome sur Fanette, la patronne du bar ? A l’instar de la scène frappante – dans tous les sens du terme – où les personnages sont masqués, le scénario nous montre uniquement sa face visible aux yeux de Derrick. A chaque prochain tome, les masques tomberont, petit à petit. Tel Platon dans son allégorie de la caverne, Gaet’s et Julien Monier ne nous dévoilent donc qu’une vision incomplète, tout à la fois réduite et déformée par le point de vue du narrateur, de l’ensemble de cette histoire. Ou plutôt, de ces histoires. Néanmoins, une lecture attentive permet de distinguer quelques petits indices. Certains sont évidents, le DVD que tient Maurice par exemple. Il y a fort à parier qu’il y en a bien d’autres mieux dissimulés qui ne se révéleront qu’à la relecture. Relecture qui sera évidemment à faire après la sortie progressive de chacun des cinq prochains tomes prévus chaque année à l’automne. Il y a fort à parier que cette série saura au fil des ans trouver de plus en plus d’amateurs au gré de la sortie de chacun des tomes suivants, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Une série à découvrir d’urgence. Sachez passer outre son ambiance glauque et mortifère si vous ne voulez pas passer à côté d’une très bonne histoire.
Christophe Van Houtte
[slideshow_deploy id=’84058′]
Réagissez !
Une réponse à “RIP #1”