Titre : Le Pink Clover
Scénariste : Crisse
Dessinateur – Coloriste : Christian Paty
Éditeur : Soleil
Parution : Mars 2021
Prix : 14,50€
Le curé du petit village irlandais de Killkenny se désespère une fois encore du peu d’intérêt de ses ouailles pour les préceptes de son église, certains d’entre eux s’arrêtant au pub Pink Clover bâti sur le flanc même de l’édifice religieux, une particularité unique due à une vieille histoire rocambolesque. En s’épanchant chaque jour auprès des moutons du pré voisin. Ceux-ci, nourris de friandises chaque jour, le prennent pour Dieu. Aussi, lorsque le vieil homme cesse de venir les voir, c’est la panique. Dieu les a-t-il abandonnés ? Après avoir espéré son retour, le bélier Cornélius prend les choses en main et rejette la faute sur le bouc, dont l’espèce est connue pour ses diaboliques origines, et les chèvres arrivés depuis peu sur leur terrain…
« Les humains sont très agités… Ils étaient prêts à se battre… comme les moutons! Que faut-il faire? »
Quelle malicieuse histoire ! A travers ce scénario amusant et léger en apparence, Crisse brocarde gentiment de nombreux travers de notre société, de la foi aveugle de certains religieux fervents aux migrants brocardés pour tous les maux du monde. Tout est réalisé dans un contexte clair – un minuscule village reculé en Irlande dans les années 30 ou 40 – mais le propos est universel. Plus étonnant, si le contexte reste grave et le fond sérieux, l’album est traité avec bonne humeur et un recul nécessaire qui transparait dans les scènes finales et les relations entre les animaux ou les humains. Crisse choisit en effet de diviser son intrigue en deux, avec d’un côté l’agression du curé et cette présence incongrue du Pink Clover qui divise les paroissiens, de l’autre l’incompréhension des bêtes face à la disparition de leur « Dieu ». Bêtise et ignorance sont parfaitement expliquées, seuls quelques personnages comme le curé ou l’écureuil – tiens, les sons aussi se rapprochent – échappant à de basses considérations. Aussi habile pour faire évoluer les uns comme les autres, d’un côté de la barrière ou de l’autre, Christian Paty dévoile une nouvelle facette de son talent en s’essayant à un nouveau style graphique à des années-lumière de celui des Blondes ou de l’heroic fantasy qui l’a fait connaître. En assurant qui plus est la colorisation, formidable de douceur, il réussit la délicate combinaison de rendre les animaux réalistes et expressifs à la fois, appuyant leurs regards ou leurs mimiques à merveille. Les trognes du bélier et du bouc, ou celles des habitants bourrus de Killkenny, l’air ahuri des moutons, tout est une vraie et belle réussite. Bravo !
Une épatante chronique campagnarde semi-animalière qui surprend et amuse par la justesse de son ton.
Arnaud Gueury
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Une réponse à “Pré derrière l’église (Le) #1”