Titre : Pereira prétend
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Pierre-Henry Gomont
Éditeur : Sarbacane
Parution : Septembre 2016
Prix : 24€
Le bon Doutor Pereira tient la rubrique culturelle d’un journal lisboète. Pour noyer la disparition précoce de son épouse, à qui il continue de parler quotidiennement, il passe ses journées à traduire les romanciers français qu’il affectionne et à se gaver d’omelettes et de thé trop sucré. Un bon moyen d’oublier aussi que la guerre menace en Europe et que le gouvernement de Salazar étend son ombre menaçante sur les dissidents. En plein questionnement sur la mort, Pereira découvre un article sur un étudiant. En le rencontrant, lui et son amie Marta, le journaliste sait que ces jeunes révoltés vont lui attirer des ennuis. Sans s’en rendre compte, Pereira quitte la torpeur qui l’habitait…
Cette adaptation très réussie d’un roman de l’auteur italien Antonio Tabucchi est à la fois une peinture assez rare de la dictature salazariste et le portrait étonnant d’un personnage simple et universel. Car le placide Pereira ressemble à cette multitude de gens fermant les yeux tant que les drames restent au perron de leur maison et ne développant aucune conscience politique face au totalitarisme. Cette histoire pourrait donc se passer dans bien des pays à bien des époques, mais Pierre-Henry Gomont, qui s’est documenté sur place comme en témoigne le carnet de croquis en fin d’album, retranscrit la beauté d’un pays et d’une ville trop méconnus malgré leur charme. Pour accentuer la sourde oppression, l’auteur utilise d’habiles jeux d’ombres et de silhouettes, et fait apparaître la conscience du héros traduisant ses remords. Outre son trait vif et personnel, la palette des couleurs retenues permet de s’immerger dans ce récit à la fois léger et puissant, terrible et pourtant porteur d’optimisme.
Un somptueux album à lire et partager.
Arnaud Gueury
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