Titre : Patria
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Toni Fejzula
Éditeur : Ankama
Parution : Mars 2021
Prix : 26,90€
31 juillet 1959. L’ETA (« Euskadi Ta Aksatasuna ») est créée. 10 janvier 2011. Cessez-le-feu définitif, l’ETA arrête la lutte armée. Près de cinquante-deux ans de lutte armée, une Espagne divisée, et le destin de deux familles bouleversé. Celle de Bittori, dont le mari a été tué par l’ETA, et celle de Miren, mère d’un terroriste de l’ETA. Et si c’était Joxe Mari, le fils de Miren, qui avait tué Txato, le mari de Bittori ? C’est justement pour le savoir que Bittori revient dans son village, et ça ne plaît pas à tout le monde…
« Ma vie, ils me l’ont prise il y a déjà longtemps. Dis à la personne qui t’a envoyé que je ne partirai pas sans connaître le vérité. »
Quelle gageure que d’adapter le roman choral de Fernando Aramburu. Huit narrateurs issus des deux familles, des sauts dans le temps, des flashbacks… D’autant que Toni Fejzula saute d’une époque à une autre et d’un personnage à un autre sans transition. C’est déroutant de prime abord mais, une fois entré dans l’histoire, on s’y fait. Le marque-page qui indique le code couleur de la personne qui parle en voix off est d’ailleurs fort bienvenu. Les détails (walkman par exemple) permettent de dater le époques si le lecteur est un peu perdu. Les convictions d’un peuple, le peuple basque, sa langue, sa culture, tout cela est bien exprimé dans ce roman graphique de l’auteur serbo-espagnol. La guerre en ex-Yougoslavie dans les années 90 faisant écho à la guerre civile de l’ETA pour le dessinateur, c’est aussi pour cela qu’il a choisi de faire cette adaptation. Le dessin quand à lui est magnifique, mais inconstant. Un coup avec les contours appuyés ou au contraire en aquarelles, au crayon de couleur ou au crayon gras, mais sans que cela soit spécifique à une époque. C’et dommage, car il y avait la possibilité de dater les époques avec un style graphique. Dans les pages bonus en fin d’album, l’auteur précise que c’était selon son humeur du moment. En 277 pages, faites en ordre pas du tout chronologique, il lui a fallu du temps et donc pas mal de changements d’humeur. Cela donne au lecteur l’impression d’une œuvre inconstante, ou alors dessinée par plusieurs personnes. Néanmoins, on se laisse emporter par l’histoire, on cherche à savoir si Joxe Mari est le coupable, si Miren et Bittori, amies d’enfance, vont se réconcilier, comme le peuple espagnol tout entier. On suit aussi les amours compliqués de Xabier et Néréa, enfants de Bittori, et les déboires d’Arantxa, Gorka et Joxe Mari, les enfants de Miren. Sans compter Joxian, le mari de Miren, qui n’a jamais vraiment eu le courage de contredire sa femme. Une œuvre forte, à lire et relire pour apprendre et comprendre à quel point l’ETA a marqué les esprits en Espagne.
Une œuvre de référence sur le conflit de l’ETA, le devoir de mémoire et la nécessité du pardon.
Christophe Van Houtte
Réagissez !
Une réponse à “Patria”