- Titre(s) : Paraiso
- Scénariste(s) - Dessinateur(s) : Suehiro Maruo
- Editeur(s) : Casterman
- Collection : Sakka
- Parution : Janvier 2023
- Prix : 18,00 €
- EAN : 9782203243873
1945. Le Japon est défait et, dans ses ruines fumantes, des enfants tentent de survivre. Certains, comme Michio et Sayo, sont accueillis dans des établissements d’éducation pour les orphelins de guerre. Malheureusement pour eux, le directeur de l’orphelinat est un Maléfique pédophile qui pousse Sayo à fuir pour ne plus subir ses outrages, elle qui se travestissait en garçon par sécurité lorsqu’avec son ami Michio ils n’étaient que des Vagabonds de guerre. Maintenant, elle est à Nagasaki où elle a suivi un prêtre tandis que Michio est témoin de la noirceur de l’âme humaine comme peut l’être Dodo la monstrueuse qui déambule dans les rues avec son bébé mort dans les bras. Sur son passage résonnent les paroles Dodo, l’enfant do. Masaru se souvient du père Kolbe qui est rentré en Pologne et se retrouve désormais dans le camp de concentration d’Auschwitz. Masaru l’appelait Monsieur le Hollandais. Il meurt là-bas en martyr, en se sacrifiant pour un autre. L’auteur de bandes dessinées Tadeusz, témoin silencieux de son trépas, lui avait offert un petit portrait de La Vierge Marie qui l’a accompagné jusqu’à la fin. Guidé par l’attitude de l’homme de Dieu, le mangaka reçoit la grâce au cœur même de l’horreur !
Deux ans après Tomino la maudite, Suehiro Maruo nous revient dans la collection Sakka avec ce recueil de cinq histoires publiées au Japon entre décembre 2019 et décembre 2020 dans le magazine Comic Beam pour quatre d’entre elles (Diabolique, Vagabonds de guerre, Dodo, l’enfant do et La Vierge Marie) et dans le numéro 24 de Morning (Monsieur le Hollandais). Présentés comme étant indépendants, les trois premiers chapitres sont toutefois liés et ont comme personnage central Michio, tout comme les deux derniers sont axés sur le père Kolbe. Le recueil en lui-même est sorti en décembre 2020 au Japon à l’occasion des 40 années en tant que mangaka de l’auteur. Si chaque récit décrit les horreurs qui se déroulent lors de la Seconde Guerre Mondiale en dehors des combats à travers des orphelins prêts à tout pour survivre (vol, travestissement ou prostitution), la religion, et plus particulièrement le catholicisme, est aussi très présente. Suehiro Maruo l’utilise à la fois comme vecteur d’abjection mais aussi comme lumière salvatrice. Ainsi, la figure du prêtre bienveillant véhiculée par les pères Kolbe et Zenon l’emporte malgré tout sur celle plus maléfique du père Schreck. Il y est également question des 26 martyrs de Nagasaki du 5 février 1597 et par extension des 52 de 1622 qui font écho avec celui du père Kolbe dans le camp de concentration. De plus, le choix des trois lieux où se situent les actions est très important dans l’espace-temps exploré. Tokyo, Nagasaki et Auschwitz sont les théâtres où l’artiste met en exergue tout le côté obscur de l’être humain et offrent toute la crédibilité nécessaire à ses projections. Cependant, une petite lueur vient éclaircir tout ce marasme : la foi. Ce qui est assez inhabituel chez Suehiro Maruo. Sans surprise, l’ensemble est sublimé par le trait fin et précis du maître de l’ero-guro, si élégant que le contraste avec l’ignominie des propos en est plus que saisissant. Sous sa plume, ce Paraiso (Paradis en espagnol) s’apparente à l’enfer !
Du très grand art !
Stéphane Girardot
Réagissez !
Pas de réponses à “Paraiso”