- Titre(s) : Oken – Combats et rêveries d’un poète taïwanais
- Scénariste(s) - Dessinateur(s) - Coloriste(s) : Wu Shih-hung
- Editeur(s) : Le Lombard
- Parution : Février 2024
- Prix : 23,50 €
- EAN : 9782808206198
Suite à l’attaque lancée par l’armée japonaise sur la base navale de Pearl Harbor le 9 décembre 1941, les États-Unis entrent dans la Seconde Guerre Mondiale. Par ricochet, des villes occupées par le Japon, à l’image de Manille, sont libérées par les Américains et des frappes aériennes touchent des colonies de l’Empire du Soleil Levant comme Taïwan. Ainsi, au printemps 1945, des bombardements obligent Oken et sa famille à quitter la ville de Hualien et à partir sur les routes pour trouver refuge pour un temps dans les montagnes. Après la guerre, les Japonais se retirent totalement de Taïwan et c’est le gouvernement nationaliste dirigeant la Chine qui prend le contrôle du pays au nom des puissances alliées. Plus tard, en 1949 et pour une durée de 38 ans, ce même gouvernement se réfugie sur l’île et y impose la loi martiale après l’échec de la guerre civile contre le parti communiste de Mao Zedong. Dans ce contexte, où la haine nourrie par les nombreux émigrants chinois contre les communistes et les Japonais s’installe, Oken s’ouvre à l’Art. Marqué par ces traumatismes et ceux provoqués par les séismes, le jeune garçon devient un grand poète, connu dans le monde littéraire sous le nom de Yang Mu.
C’est fort de son expérience mais aussi de son talent connu et reconnu dans le monde de l’animation que Wu Shih-hung participe au concours annuel de l’Association Raymond-Leblanc en 2021. Sous la présidence de Loo Hui Phang (Oliphant), l’artiste taïwanais remporte les faveurs du jury, qui lui attribue le prix de la jeune création pour son roman graphique Oken – Combats et rêveries d’un poète taïwanais. Cette bande dessinée se veut une libre adaptation d’un recueil de poésie de Yang Mu intitulé Mountain Wind and Ocean Rain écrit entre 1984 et 1986 et plus particulièrement basée sur le dernier chapitre de l’œuvre, The First Stirrings of Poetry. Après deux ans de travail, le récit ayant bénéficié de l’expertise de Loo Hui Phang suite à l’invitation de l’éditeur original taïwanais Fisfisa Media à prendre part au projet en tant que “script doctor”, la version originale est passée de 90 à près de 200 pages. Le résultat est un pur concentré de poésie graphique amplifiée par celle des textes et inversement. Les différentes périodes de l’Histoire de Taïwan (guerre, décolonisation, tutelle nationaliste chinoise, loi martiale, séismes…) exposées au fil des pages permettent d’appréhender dans quel contexte et pourquoi l’éveil artistique s’opère chez le jeune Oken. C’est tout simplement fascinant et immersif, d’autant plus que l’imagerie présentée par Wu Shih-hung est d’une grâce, d’une légèreté et d’une puissance évocatrice incroyables, y compris dans les séquences oniriques. Comment ne pas être happé par la représentation sur deux planches du Mont Qilai (pages 16-17), digne des plus grands peintres d’Asie, ou saisi par l’expressivité des protagonistes à la hauteur de celle du style franco-belge. Espérons que wu Shih-hung ait envie de prolonger son expérience dans l’univers du 9e Art afin de nous emmener à nouveau dans son univers.
Un véritable chef d’œuvre !
Stéphane Girardot
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