Titre : New York Cannibals
Scénariste : Jérôme Charyn
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : François Boucq
Coloristes : Alexandre Boucq & Denis Béchu
Éditeur : Le Lombard
Collection : Signé
Parution : Septembre 2020
Prix : 24,50€
New York, 1990. Si Paul/Pavel poursuit ses activités de tatoueur et de portraitiste pour la police, Azami Tanaka est devenue Sergent dans les forces de l’ordre et a quelque peu pris de l’envergure grâce à la musculation mais surtout aux stéroïdes. D’ailleurs, son gynécologue lui apprend que la prise de ces substances a annihilé sa capacité à procréer, chose qui l’affecte fortement. Signe du destin, après avoir assisté aux funérailles d’un collègue, elle prend en chasse un voleur à la tire qui la mène dans une ruelle sordide où elle trouve un nouveau-né dans un carton près d’une poubelle. Comme Paul l’a fait pour elle autrefois, elle décide d’adopter l’enfant. Un énorme changement dans leur vie qu’ils doivent réorganiser. D’autant plus que les fantômes de la Kolyma refont surface. Nadya, dont Little Tulip a vu le corps inerte sous la glace sibérienne, réapparaît comme par magie car l’agence gouvernementale pour laquelle elle travaille a besoin de ses talents. Et elle n’hésitera pas à faire pression sur sa famille pour arriver à ses fins. Le travail s’avère vite très dangereux car Anna-la-Hyène, la chamane cannibale du goulag, est elle aussi de la partie !
Parti d’une idée de François Boucq (une culturiste qui ne peut pas avoir d’enfant et trouve un bébé), ce nouveau récit imaginé avec le romancier Jérôme Charyn s’est assez rapidement transformé en une suite de Little Tulip. L’association de ces deux monstres sacrés de la bande dessinée n’a rien perdu de sa verve. L’ensemble est redoutable d’efficacité. La nouvelle est en elle-même très prenante avec cette enquête menée par Azami, à la suite du décès de son collègue, où les acteurs de la Kolyma sont au premier plan. Sans oublier ceux de la rue comme l’Albatros, un cul de jatte, et Mama Paradis, une sorte de Mère Teresa aux dons de voyance spéciaux qui agit depuis les sous-sols de la ville (ce qui donne de la verticalité au récit, notion que l’on retrouve dans Face de Lune). Bien sûr, il y a toujours ce côté mystique et poétique qui est bien présent avec le pouvoir du tatouage qui prend vie et la présence de la chamane. Mais ce qui marque et reste lorsque l’on referme l’album de 140 planches, c’est l’allégorie qui est faite des sociétés modernes où les riches vampirisent, saignent (dans New York Cannibals au sens propre) les pauvres. Les auteurs se sont inspirés du système existant aux Etats-Unis qui rémunère les donneurs sang et les rend pour certains accros à ce moyen de survie. Ils ont poussé le vice à le faire avec de la fausse monnaie pour enfoncer un peu plus le clou. L’image est juste même si elle est dérangeante et choquante. Graphiquement, François Boucq donne corps à cette histoire de façon magistrale. Son style reconnaissable entre tous est des plus immersifs et replonge le lecteur avec délectation dans le dur et violent univers des rues de la Grande Pomme chère à Jérôme Charyn. La mise en couleurs réalisée à six mains par le dessinateur en compagnie d’Alexandre Boucq et Denis Béchu est parfaitement au diapason des diverses ambiances. Pour parachever l’oeuvre, un dossier de six pages propose des illustrations et des croquis de recherche. Pour info, une édition en noir & blanc est disponible en librairie depuis le 28 août.
Du très grand art, sans aucun doute une des meilleures sorties de la rentrée !
Stéphane Girardot
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2 Responses à “New York Cannibals”