© 2016 Editions Delcourt

Titre : Morgane
Scénariste : Simon Kansara
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Stéphane Fert
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Parution : Avril 2016
Prix : 17,95€

Alors que Merlin lui avait promis un fils, le roi Gorlais de Tintagel voit arriver une fille. Qu’importe, le souverain l’élève comme un héritier et lui prodigue tout son amour. Mais le côté farouche et entier de la jeune Morgane affole la cour, tout comme ses pouvoirs. Jusqu’au jour où le château est attaqué par le sournois et stupide Uther Pendragon, soutenu par Merlin. Alors que le roi est assassiné et sa femme dupée, Morgane est recueillie par l’enchanteur, qui se met en quête de l’éduquer et lui promet de l’aider à se venger. Mais lorsque Arthur, son demi-frère, brandit Excalibur et se voit offrir le trône à sa place, l’ambitieuse jeune femme s’estime à nouveau trahie. Elle décide alors de faire tomber tous ceux qui devraient être à ses pieds, Arthur, Guenièvre, Merlin et les chevaliers de la table ronde…

Simon Kansara propose dans ce magnifique album de revisiter la légende arthurienne du point de vue de Morgane, femme trompée nourrissant une ambition féroce et une haine tout aussi rageuse. Il l’oppose donc à une société d’hommes ne faisant que peu de cas d’une femme, aussi puissante et avisée soit-elle. Les mâles ne sont en effet pas à l’honneur, d’un Arthur offert à la tentation à un Lancelot bellâtre stupide, en passant par des chevaliers avides de gloire et ridicules ou un Merlin trompeur et sournois. Ce point de vue presque féministe remet Morgane à une place vitale dans l’histoire, sans atténuer ses défauts, qui font de ce récit une oeuvre sombre, forte et exemplaire. Le style de Stéphane Fert, venu de l’animation et de l’illustration, est merveilleux. En plus de présenter une Morgane vénéneuse et sensuelle à souhait, il donne à l’album des couleurs extraordinaires. A travers ses yeux, on ressent instantanément la puissance et la dangerosité de l’héroïne. Ses planches montrent un style à la fois simple et terriblement soigné, qui parviennent à garder l’impact visuel d’une illustration avec l’efficacité et la fluidité d’une bande dessinée. Pour une première, c’est impressionnant !

Un one shot qui s’approprie la légende avec respect et (immense) talent.

Arnaud Gueury