Titre : Monsieur Coucou
Scénariste : Joseph Safieddine
Dessinateur : Kyung Eun Park
Coloristes : Céline Badaroux & Loïc Guyon
Éditeur : Le Lombard
Parution : Février 2018
Prix : 17,95€
Thésée est dans la phase terminale de sa maladie et vit chez une de ses filles, Prune, dont le mari, Allan, a une très grande affection pour elle. Avec Lucie et Audrey, les deux sœurs de Prune, ils veillent sur elle mais envisagent également le pire quant à la suite. De plus, Allan est sans cesse relancé téléphoniquement par les membres de sa famille à propos d’une histoire de terrain. Et Prune fait le tampon car il ne veut pas leur parler et a rompu tout lien avec ce qui pouvait le relier à ses racines orientales. Il a même changé son prénom. Avant son arrivée en France, Allan s’appelait Abel. Et cela lui a plutôt réussi puisque son intégration à la société occidentale est un succès. Pour lui qui a fui son pays déchiré par la guerre, c’était une manière de faire une croix sur son passé et de commencer une nouvelle vie. Cependant, pour Thésée, il va retourner au Liban afin de se procurer une pommade auprès d’Hussein, une sorte de guérisseur. Un voyage qu’il redoute car il n’éprouve plus que de la haine envers ce pays et ses proches, et n’a aucune envie de s’occuper de la vente des terrains familiaux. Il s’aperçoit très vite que cette rancœur est réciproque et que c’est l’heure des règlements de comptes.
Joseph Safieddine (Les Lumières de Tyr) nous offre avec Monsieur Coucou un énorme concentré émotionnel, varié et en deux temps. La première partie de l’histoire, qui se déroule sur un tiers de l’album, présente Abel, alias Allan dans la vie occidentale qu’il a choisie, et durant un moment douloureux qu’est la fin de vie – à la maison – suite à un cancer d’un être cher, sa belle-mère Thésée. Une première phase qui me touche personnellement pour l’avoir vécu dans des conditions quasi-similaires et qui est traité avec beaucoup d’empathie, d’amour et de respect. Bien que la mise en scène en soit plus édulcorée (il n’y a pas tout le matériel médical présent dans ce genre de situation), les sentiments et les ambiances qui émanent du récit, eux, sont justes. Et paradoxalement, la première planche – pleine page – d’introduction est très… drôle ! Les deux autres tiers sont consacrés au retour d’Allan dans son pays d’origine, le Liban, où il va retrouver sa famille, son pays, ses amis, les amis de son père. Une joie des retrouvailles qui est contrebalancée par les rancœurs des uns et des autres et les reproches des uns envers les autres. Déchirement, émigration, déracinement, déni des racines, désolation de la guerre sont autant de thèmes subtilement abordés – en connaissance de cause – par Joseph Safieddine à travers son personnage principal. Kyung Eun Park, qui a déjà travaillé avec le scénariste pour Yallah Bye !, réalise ici une prestation graphique dans une veine réaliste des plus réussies et des plus appropriées. Le trait épais du dessinateur coréen donne du corps à tous ces personnages à l’image de leurs caractères… de sacrés caractères. L’ensemble de son travail est parfaitement rehaussé par une mise en couleurs à quatre mains de Céline Badaroux et Loïc Guyon, dont les sensibilités chromatiques siéent on ne peut mieux à toutes les atmosphères et décors ce très surprenant one shot d’un peu plus de cent pages.
Émotionnellement et graphiquement très fort !
Stéphane Girardot
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3 Responses à “Monsieur Coucou”