• Titre(s) : Le Ministre & La Joconde
• Scénariste(s) : Hervé Bourhis & Franck Bourgeron
• Dessinateur(s) : Hervé Tanquerelle
• Coloriste(s) : Isabelle Merlet
• Editeur(s) : Casterman
• Parution : Septembre 2022
• Prix : 20,00 €
• EAN : 9782203231627

Il y a foule, ce matin-là, au port du Havre. La presse s’est rendue en masse à l’embarquement d’André Malraux sur le France. Elle attend encore les déclarations du jovial personnage, ravi de monter sur le paquebot en même temps que la célèbre Joconde, transférée aux États-Unis quelque temps pour des raisons diplomatiques. Cette décision est loin de plaire à tout le monde et le ministre d’État sait qu’il joue sa réputation. Visiblement angoissé, il est à l’affut du moindre grain de sable pour le jeter par-dessus bord. Seule bizarrerie, car c’est en fait faux, on lit au dos de l’album : « Le fantasque ministre exige que le chef-d’œuvre fasse le voyage dans sa cabine. » Moralité : ne lisez pas la quatrième de couverture et faites confiance aux auteurs que vous aimez. Oui, c’est une remarque assez plate et naïve, pour prendre soin de vous : il s’agit d’équilibrer avec les discours un peu perchés du ministre.

Le Ministre & La Joconde forment assurément l’un des duos de l’année. Si la seconde reste fort logiquement assez muette, la figure de Malraux est délicieusement caricaturée ici. On lui trouve même des faux airs de Louis de Funès emperruqué. Par ses envolées lyriques, sa jalousie maladive, et les effets de son traitement expérimental, il devient sous la plume mordante d’Hervé Bourhis et Franck Bourgeron un parfait personnage de BD ! Hervé Tanquerelle, de son côté, amène sa patte « tintinesque », de la police d’écriture aux clins d’œil graphiques évidents. On se sent en terrain conquis à la lecture de ce huis-clos sur mer. Le trio se moque des conventions de manière jouissive et l’air blasé du personnel de bord vaut notamment le détour. Plus généralement, l’ambiance de cette traversée sur le France au début des années 60, grâce d’une part à une documentation riche et, de l’autre, aux talents du dessinateur et de la coloriste Isabelle Merlet, est admirablement bien rendue. Chaque instant se savoure comme un repas mondain sur le bateau.

Un bel hommage aux comédies burlesques des années 1960.

Nicolas Raduget