Cette année, la Ribambulle a reçu une invitation pour le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême de la part de la SNCF, dans le cadre du prix Fauve Polar SNCF. Je fus donc gentiment désignée pour représenter notre association.
Ce fut une journée formidable, l’encadrement de la SNCF a été d’un niveau d’accueil et de convivialité exceptionnel. Tout au long de la journée, nous avons été suivis, conseillés, bichonnés par leur équipe, sans aucune fausse note. Durant le trajet en train, nous avons eu à disposition les BD de cette sélection Polar 2015. J’ai pu en lire 3 : Gotham Central, Fatale et Moi Assassin, tout en prenant un copieux petit-déjeuner.
Gotham Central, au cœur de Gotham City
Gotham Central, le premier ouvrage que j’ai lu, se passe dans l’univers de Batman à Gotham City. Les personnages principaux font partie des équipes de police chargées de prendre la relève de l’œuvre du commissaire Gordon. Le dessin est à la hauteur des styles des comics, les couleurs respectent l’univers sombre de Gotham et la mise en scène est très dynamique. Actions, réactions, échanges d’informations entre les policiers, au fil de la lecture nous apprenons de plus en plus sur le caractère et la vie privée des personnages, le tout directement lié à leurs enquêtes. Un très bon livre et une aventure plus humaine dans un univers connu pour ses super-héros.
Fatale, une femme bien sûre
Ma deuxième lecture, Fatale, est l’histoire d’une femme tueuse à gage et le thème donne une BD au ton un peu plus adulte. L’histoire suit le quotidien de son héroïne. Elle se déplace dans la ville, prend un café, un bain, bouquin, etc, bref, elle vit sa vie. Le style de narration crée une redondance entre les visuels et le textuel, rappelant ainsi qu’il est l’adaptation d’un roman au format de la bande dessinée. Techniquement, les visuels sont très travaillés, assez réalistes pour les dessins des femmes contrairement aux hommes qui sont plus caricaturaux. Après un début très descriptif, nous rentrons dans le vif du sujet à partir du milieu de l’album, et à partir de là, l’histoire monte crescendo, ce qui donne une dynamique scénaristique assez intéressante.
Moi Assassin en 3 couleurs, Noir, Blanc et Rouge
Moi Assassin, le 3ème ouvrage que je n’ai eu le temps que de feuilleter, puisqu’on arrivait déjà à Angoulême, est l’histoire d’un médecin qui considère ses actes de tueur en série comme une œuvre d’art. Les dessins sont des aplats de noir et de blanc avec une esthétique très particulière : les jeux de lumières sont très contrastés, sans nuances de gris ni de dégradé. Parfois, une touche de rouge vient marquer la violence ou le détail d’une scène. Graphiquement, l’effet est bien choisi et sert autant le fond que la forme de l’histoire. Par contre, je vous laisserai découvrir l’histoire par vous même.
La grande exposition d’Angoulême
Arrivés à Angoulême, nous avons été conduits directement à la grande exposition du festival : « Jirô Taniguchi, l’homme qui rêve ». Tout au long du trajet, j’ai découvert la ville, extraordinaire, à l’image de l’univers de son festival. Les boutiques sont décorées à l’effigie de la BD et certains commerçant vont jusqu’à afficher des planches dans leur vitrine, les transformant en autant de petits musées. Mêmes les noms de rue sont issus de la BD, tout comme l’inspiration des graffs qui les habillent. La ville d’Angoulême transpire la BD et on s’y sent bien, même si le plan Vigipirate est à l’honneur cette année.
Grâce au partenariat entre l’organisation du festival d’Angoulême et la SNCF, nous avions un accès privilégié aux expositions et nous avions la chance d’avoir un super guide qui nous a conté les histoires des auteurs exposés, qui nous a fait voyager à travers les visuels présentés et qui nous a fait faire connaissance avec la ville.
La première exposition visitée présente le travail mémorable et dense de Jirô Taniguchi sur les sujets qui lui tiennent à cœur comme la contemplation, l’introspection et la mémoire. Taniguchi est un auteur japonais qui a commencé tardivement dans l’univers du manga et son style graphique est assez éloigné des traditionnels shojo et shojen. Il ne dessine pas ses personnages avec de grands yeux, il a un style influencé par les BD européennes et américaines. Il a gardé du style japonais des mangas, les paysages, les effets de tramages, l’encrage et le sens aigu du détail. Il aime particulièrement dessiner la nature, les animaux et les paysages et on comprend mieux pourquoi il aime aborder le thème de la contemplation.
Dans ses œuvres, il accompagne le lecteur et rythme sa lecture, un passage de l’histoire de l’alpiniste est assez représentatif de cet effet. On peut voir durant la chute du personnage principal, très peu de bulles, de nombreuses cases très étroites, avec de belles perspectives et quand la chute se termine, le rythme ralenti avec l’augmentation de la quantité de texte et de moins en moins de cases de plus en plus allongées. D’après le guide, quand on lit des œuvres de Taniguchi , on se sent reposé. Grâce à sa techniques, son sens de la scénarisation et à sa poésie, il transporte le lecteur et lui fait partager ses émotions.
Le QG de la SNCF : un moment de détente
Après une exposition riche d’émotions, d’histoires et de poésie, l’équipe SNCF nous amena à leur QG. Une grande salle au centre ville, bien chauffée, aux couleurs de la SNCF, avec un coin lecture aménagé de poufs et de petites tables, un coin photo pour repartir avec des souvenirs, des murs représentant les sélections Polar et une scène pour débattre et échanger avec le jury. Dans l’arrière-scène, une petite pièce nous était réservée pour se détendre et se reposer, avec un service pour se restaurer et boire tout au long de la journée. Des BD y étaient également toujours à notre disposition, un vrai bonheur.
Promenade dans les rues de la ville
En attendant la visite de l’exposition suivante, le guide nous a emmené dans les rues d’Angoulême. Nous sommes allés au Musée des Beaux-arts puis au stand des petits éditeurs, aménagé comme un long couloir infini. Nous avions très peu de temps pour tout voir mais c’était génial. Riche de nouveautés, de créativités et d’une foule de dessinateurs, un vrai paradis pour un renouveau et une fraicheur illustrative. J’ai même revu l’auteur de Prolongations que j’avais déjà rencontré lors du festival de Vigneux-sur-Seine. J’ai découvert une petite BD pas très onéreuse qui s’appelle Bande de Rats, ce sont des petits strips avec un humour bien trempé. J’ai pu aussi m’acheter un des badges du festival avec les couleurs de Calvin et Hobbes.
Calvin et Hobbes, une leçon pour les dessinateurs de BD
Justement, c’était l’exposition où nous nous rendions, un régal ! J’en ai pris plein les yeux, tout un tas d’originaux, c’était fantastique. Comme toujours, le guide nous raconta l’histoire de l’auteur Bill Watterson et de son unique œuvre, Calvin et Hobbes. L’exposition était divisée en 3 parties : les inspirations de Bill Watterson comme Peanuts, Mafalda et Snoopy, les saisons de Calvin et Hobbes et enfin la présentation des personnages.
Calvin et Hobbes est un comic strip américain qui parle d’un petit garçon, Calvin, et son tigre en peluche, Hobbes, qui s’anime en dehors de la présence d’adulte et redevient un peluche réaliste quand les adultes apparaissent. Bill Watterson est quelqu’un de très discret sur sa vie privée et ce n’est pas un homme qui aime être sous les projecteurs. Il faut savoir qu’il a démarré sa carrière de dessinateur difficilement, il a d’abord étudié science po et a créé des illustrations politiques pour des journaux qui n’ont pas fonctionné et qui manquaient énormément d’humour. Il a eu pas mal de refus de la part d’éditeurs, dont témoignait une lettre pour Calvin et Hobbes stipulant qu’ils avaient déjà des comics sur les animaux.
La première version de Calvin avait les cheveux sur le visage cachant ses yeux, mais une rencontre entre un éditeur et Bill a permis de faire évoluer le dessin du personnage en lui ôtant les cheveux des yeux. Heureusement car aujourd’hui, nous pouvons dire que Bill a le talent de faire comprendre ses personnages sans les faire parler grâce à l’expression de leur regard.
L’auteur a dessiné pendant 10 ans avec un strip par jour du lundi au samedi et une planche le dimanche. Au bout de 10 ans, il a arrêté car il n’avait plus rien à dire sur le sujet. Depuis, il n’a pas créé d’autres œuvres de ce genre.
Pour une dessinatrice amatrice comme moi, cette exposition fut une leçon de vie, techniquement, humainement, scénaristiquement. Bill Watterson, comme tous les auteurs de comic strip, avait le talent de retranscrire tout un tas d’émotions et d’informations en très peu de cases.
Une journée mémorable : Merci à la SNCF !
Après cette exposition enrichissante, nous sommes retournés au QG de la SNCF. J’ai pu me reposer et découvrir un autre ouvrage de la sélection POLAR celui de Petites coupures à Shioguni de Florent Chavouet, présent au QG qui a remporté le prix Polar. Cette œuvre est conçue comme un rapport de police avec des documents, des croquis des personnes rencontrées et des annexes. Très coloré et amusant, l’auteur a su donner à ce polar un côté énergique et burlesque, tout en jouant sur la forme. Il nous propose ainsi un album atypique et audacieux. Une jolie découverte en écoutant le concert proposé par la SNCF et quelques minutes avant de reprendre le train du retour.
Je tiens à remercier La Ribambulle et l’équipe de la SCNF pour cette belle journée passionnante, enrichissante où on y rencontre des gens vraiment atypiques et intéressants.
Laëtitia Mouloud
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