- Titre(s) : Joseph Kessel, l’indomptable
- Scénariste(s) : Judith Cohen-Solal & Jonathan Hayoun
- Dessinateur(s) : Nicolas Otero
- Coloriste(s) : 1ver2ânes
- Editeur(s) : Steinkis
- Parution : Septembre 2023
- Prix : 20,00 €
- EAN : 9782368465523
Avernes, 1975. Contraint et forcé par sa mère, Jean-Marie Baron se rend chez Joseph Kessel, son parrain et grand ami de feu son père. L’illustre écrivain décide alors de lui raconter ses livres qui s’inspirent directement des « aventures » de sa vie et lui propose d’enregistrer ses confidences sur un dictaphone. Dans un premier temps, il évoque la rencontre de ses parents en France, tous deux Russes juifs de milieux sociaux différents, fuyant l’antisémitisme en Amérique du Sud et en Russie pour finalement revenir en France. Puis il aborde son enfance et adolescence à Nice et Paris. Joseph, qui se distingue en remportant des prix d’excellence, veut écrire comme Alexandre Dumas. Tel D’Artagnan, il a très tôt « le goût de l’aventure, le sens du courage, la vertu de la parole donnée ». En 1914, il part à la guerre et sera aviateur : à son retour, il est confronté au décès de son frère Lazare, dont il était extrêmement proche. Cette épreuve constitue un tournant dans sa vie puisqu’il décide de « se rendre au plus près de la guerre ». Grand reporter, il couvre la guerre d’indépendance irlandaise, la montée du nazisme en Allemagne, la guerre d’Espagne durant laquelle il rencontre Ernest Hemingway, l’opération Dynamo à Dunkerque, le procès de Pétain et le conflit d’indépendance du Kenya en 1953 pendant son voyage de noces. Journaliste, il écrit des articles sur les truands de Montmartre qu’il interviewe. Écrivain, il obtient le Grand Prix du roman de l’Académie française avec Les Captifs et rédige des biographies. Très engagé, il témoigne au procès de Samuel Schwartzbard, meurtrier d’un colonel russe antisémite, qui sera finalement acquitté. Résistant, chef des opérations radio pendant la Seconde Guerre mondiale, il rejoint Londres en 1943 et écrit, avec son neveu Maurice Druon, Le Chant des partisans, l’hymne de la Résistance française.
« J’ai écrit ce que j’ai vu ; ce que j’ai vécu, ce que je ressentais. Les aventures, la vie. »
Esthétiquement magnifique, cet album livre un témoignage absolument captivant de la vie de Joseph Kessel vue par Joseph Kessel grâce à ses confidences quasi testamentaires. Les scénaristes Judith Cohen-Solal et Jonathan Hayoun ont eu accès aux derniers entretiens que Joseph, témoin des événements clefs du XXe siècle, a accordés à son filleul. Si le scénario dense mais fluide relate avec brio son parcours personnel et professionnel, il montre aussi que son destin est marqué par la mort qu’il découvre, côtoie, affronte sur différents continents tout comme l’antisémitisme : « être juif c’est être un survivant et braver la mort ». Sa (sur)vie est intrinsèquement liée à la guerre, ce qui amène son filleul à l’interpeller : « Vous me racontez les guerres mais pas votre vie ! » ; ce à quoi rétorque Kessel : « C’était ça ma vie » en confiant également qu’il lui fallait « survivre, se battre avec la mort pour garder le goût de la vie ». Nicolas Otero démontre une fois de plus son talent graphique en croquant à merveille les lieux emblématiques, les décors d’époque, les expressions et les attitudes de personnages historiques immédiatement reconnaissables. Le dessin est tout simplement saisissant de réalisme. La reproduction d’articles de journaux, de couvertures de livres et d’affiches de films apportent des informations complémentaires au récit. La mise en couleurs de 1ver2ânes joue un rôle très important puisqu’elle met en évidence les objets et les événements significatifs de la vie de Joseph Kessel. En définitive, cet album donne envie de se plonger dans ses romans parmi lesquels on peut citer Nuits de Montmartre, L’Armée des ombres ou Belle de jour.
Un roman graphique instructif et passionnant sur les mille et une vies d’un homme qui, par son histoire singulière, a marqué l’Histoire.
Marie Chicaud
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