
Le vendredi 8 avril 2022, le « Banana Sioule Tour » faisait une escale à Aix-en-Provence. En effet, le bus de la tournée déposait Michaël Sanlaville à La Bédérie pour une fort sympathique séance de dédicaces à laquelle votre serviteur s’est rendu. Après un échange plaisir avec plusieurs autres personnes venues le voir, nous avons convenu avec Michaël d’un échange plus formel par la voie électronique afin que vous puissiez profiter vous aussi chers lecteurs des quelques révélations faites au cours de la rencontre à propos de Banana Sioule entre autres. Attachez vos ceintures, c’est parti !

© 2022 Glénat
Pour commencer Michaël, comment est venue l’idée de la sioule, ce sport extrêmement violent qui emprunte autant à la soule qu’au rollerball ?
L’idée n’est pas de moi, c’est même un sport médiéval qui est encore pratiqué aujourd’hui. Personnellement, j’y jouais quand j’étais boy-scout et, même si je n’avais pas le physique de l’emploi, j’étais fasciné par ce sport « défouloir » ou garçons et filles, enfants et adultes, jouaient librement dans un esprit joyeux et festif. C’est ce bel état d’esprit qui a guidé l’écriture de l’album. Depuis, j’ai toujours été attiré par cette façon de se défouler, que ce soit dans les mangas (Cobra, Gunmm), dans le jeu vidéo (Destruction Derby, Streets of Rage) mais aussi à la télé (Jackass).
La sioule n’est qu’un prétexte, comme tu me l’as confié lors de notre rencontre à Aix-en-Provence, pour raconter autre chose. Une histoire d’amitié et bien d’autres choses encore…
Bien sûr ! La sioule, c’est la vitrine qui permet toutes les folies possibles et qui donne envie de s’intéresser à Héléna. Tout repose sur elle et sa bande d’amis. L’amitié est une des thématiques que je vais travailler tout au long du récit, thématique propre au shōnen mais développé avec ma « French touch » !

© 2022 La Ribambulle
On comprend pourquoi tes personnages sont si bien définis et immédiatement attachants car ce sont les alter-ego de tes propres amis d’enfance.
Tout à fait. J’aurais pu les inventer mais ça n’aurait pas été pareil. Je les connais par cœur, ça rend les choses évidentes et tout leur petit univers tient debout car le nôtre était construit de la même façon. Après, j’ai dû m’en affranchir un peu pour qu’ils vivent tout seul dans l’album. Je leur ai inventé à chacun des parcours légèrement différents de celui de mes vrais potes. Plus en lien avec l’univers de l’album.
Cette nouvelle série reflète ton amour pour le shōnen comme tu as pu le faire précédemment avec celui pour les romans de San-Antonio chez Casterman. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Je suis addict au shōnen, depuis tout jeune. De par les animés d’abord et ensuite les mangas. Au même titre que les San-Antonio que je lisais à la même époque et en même temps. Il faut dire que les rayons de mangas n’étaient pas aussi pleins dans les années 90 qu’aujourd’hui. J’avais du temps pour lire d’autres choses… L’univers de San-Antonio m’a fasciné tout autant que celui de Dragon Ball.

San-Antonio #2 © 2020 Casterman
D’ailleurs, as-tu un autre San-Antonio sur le feu ?
Non, pas pour l’instant. J’aimerais y revenir plus tard avec plus de recul pour proposer une version plus sombre peut-être…
Banana Sioule dégage une énergie folle qui fait écho à Lastman, une co-création avec Balak et Bastien Vivès. Tout autant que le graphisme. Une évidence pour toi ? (Les lecteurs attentifs auront remarqué le masque de Cristo Canyon sur le mur de la chambre de Manille)
Bien vu ! J’adore glisser ce genre d’easter egg dans mes albums. Parce que tout est lié et nous ne faisons QUE de la BD. Je ne veux pas perdre cet amusement de vue comme nous avons veillé à ça sur Lastman. Les bonus de Balak étaient là pour rappeler au lecteur que nous n’étions que trois grands gamins derrière nos écrans. Rien de plus. Avec le recul, je suis persuadé que c’est une des clefs de la réussite (de manière générale). Banana Sioule s’inscrit dans la même lignée, ça n’a rien à voir mais j’utilise les mêmes outils que sur Lastman. Ce serait dommage de s’en priver. Mon histoire s’inscrit dans le temps long, sur petit format, comme Lastman. La question du rendu n’est donc plus un problème, il ne me reste plus qu’à me concentrer sur l’histoire et mes personnages.

Lastman #1 © 2013 Casterman
Je rebondis sur Lastman. La deuxième saison de l’animé est sur le point d’arriver sur nos écrans. Où se situe-t-elle dans la chronologie de l’univers ? Quel sera le format des épisodes ? Qu’en penses-tu ?
La saison 2 se situera entre la saison 1 et la bande dessinée. Avec un format différent : 6 moyens métrages cette fois. C’est une très bonne chose ! Depuis le début, nous essayons d’enrichir cet univers avant de l’adapter bêtement. Je n’ai rien contre les adaptations, qui peuvent être très personnelles, mais quand Jérémie Perrin a accepté de réaliser la saison 1, nous lui avons donné carte blanche pour qu’il puisse s’amuser autant que nous.
Pourquoi retrouve-t-on Banana Sioule chez Glénat ?
Je travaille depuis 2008 pour Casterman – et je leur dois beaucoup – mais j’avais besoin de voir ailleurs. Même si Casterman est une grosse maison d’édition, elle reste « familiale » là où Glénat est une plus grosse machine qui travaille le manga depuis très longtemps. Comme je me retrouvais seul au début de Banana, j’ai eu envie de me tourner vers ceux qui en font le plus.

Banana Sioule #1 – Case 1 page 5 © 2022 Glénat
Pour en revenir à l’histoire en elle-même, elle est prévue en trois tomes. Le second va donc être haut en couleur en regard de la séquence finale sur le père d’Héléna et son intégration à l’École Supérieure de Sioule ! Quelques indices pour les lecteurs sans trop spoiler ?
Évidemment, la suite va exploser ! Ce premier tome est quasiment un tome d’exposition et, à partir de là, l’histoire va réellement commencer au tome 2. Le twist final en dit long mais les choses vont arriver crescendo… En réalité, mon histoire est prévue pour une dizaine de tomes mais pour l’instant nous communiquons sur trois tomes. Encore une fois, je suis seul aux commandes et je ne peux pas tenir un rythme de mangaka. Donc, il faut « gérer » l’attente des lecteurs de façon à ne pas trop les frustrer. Si la série connait un franc succès, alors je pourrai travailler sur le temps long et ne pas dévoiler trop vite les tenants et aboutissants de l’histoire.

Banana Sioule #1 – Page 130 © 2022 Glénat
Pourquoi avoir choisi un personnage féminin comme personnage central ?
Je voulais dessiner un personnage élégant et charismatique. Fort de Lastman, il se peut que les personnages de Marianne et Elorna aient un peu guidé mon choix. Mais aussi parce que le héros classique du shōnen « nekketsu » est toujours un garçon adolescent. Je ne suis pas japonais et, plutôt que de reprendre exactement leurs codes, autant m’en affranchir et assumer mes influences multiples. Donc tordre les codes du genre pour sortir du lot et livrer un récit très personnel.
Techniquement, as-tu travaillé de la même manière que sur Lastman, c’est-à-dire numériquement ?
Exactement ! Même s’il existe 40 planches originales sur les 2400 que comptent Lastman. C’est plus efficace pour travailler des personnages en profondeur !
Merci Michaël d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
Merci à toi et au plaisir de te recroiser !
Propos recueillis par Stéphane Girardot
Interview réalisée le 13 avril 2022
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