Albums marquants de leur époque, lancements de séries devenues cultes ou simples curiosités oubliées, Rétrobulle est la rubrique remettant à l’honneur des bandes dessinées à l’occasion de leurs anniversaires.
Régulièrement, nous revenons sur ces titres qui célèbrent leurs 10, 20, 30, 40, 50, 60, 70, 80 ou même 90, voire 100 ans d’existence. Souvenez-vous…
3″
« J’avais une idée d’histoire avec un zoom. J’avais l’idée d’une image explorée à l’infini. Je me suis demandé, est-ce qu’on pourrait raconter une histoire avec ça ? » (Marc-Antoine Mathieu dans « Entrée Libre » sur France 3 en 2015)
Toujours prompt à chercher les limites du medium BD, Marc-Antoine Mathieu sort en 2011 chez Delcourt ce livre carré de 28 cm, nommé 3’’ (trois secondes). Chaque planche est un gaufrier de 9 cases carrées de format identique, chaque case étant un zoom de la précédente. Plusieurs histoires s‘entremêlent dans 3’’ pour le plus grand plaisir des neurones du lecteur. Le code dans le livre permet de voir sur le site web l’album entier en version numérique de trois minutes (trois secondes étant bien trop rapide pour que l’œil humain détecte les détails). Entièrement fait avec les cases de l’album, comme si elles étaient posées les unes sur les autres sur le principe du « flip-book », cette vidéo permet de voir, plus encore que la BD elle-même, certains détails. Et si vous trouvez que les noms de tous les personnages sont des anagrammes d’Eric Cantona, sachez que c’est fait exprès. 3’’, une lecture qui vous prendra bien plus de temps pour en percer tous les mystères.
Le Regard de l’Apocalypse
Juste avant de commencer La Caste des méta-barons, Juan Giménez est encore presque un inconnu en France. Le premier tome du Quatrième pouvoir est pourtant déjà sorti, mais reste confidentiel. C’est à ce moment que sort Le Regard de l’Apocalypse. De la jungle du Vietnam aux explosions dans Chinatown, le scénario est certes prévisible mais le dessin magnifie cet album. La réédition de 2005 est encore meilleure, avec sa couverture intrigante (un œil ensanglanté qui vole à travers la couverture) et son cahier graphique en fin d’album. Le Regard de l’Apocalypse, une œuvre qui sort de l’ordinaire des intrigues purement SF auxquelles était habitué Juan Giménez à l’époque.
Tintin au pays des Soviets (fac-similé N&B)
« Ses premières aventures se sont déroulées en Russie, en URSS. J’avais lu à cette époque-là le livre d’un consul belge, Joseph Douillet, Moscou sans voiles. Alors évidemment ce livre dénonçait toutes les turpitudes du régime naissant, et je m’en suis inspiré à ce moment-là. Et j’ai mangé du Bolchévique chaque semaine grâce à Tintin. » (Hergé interviewé dans « Cinq colonnes à la une » en 1960)
La première aventure de Tintin, celle qui n’a jamais été refaite par les studios Hergé, étant devenue introuvable, Casterman avait édité Les Archives Hergé au début des années 70. Devenues elle aussi introuvables, c’est donc en 2001 que Tintin au pays des Soviets est réédité, avant la dispensable version couleur de 2017. Le trait maladroit des débuts, les propos anti-communistes primaires, tout pourrait concourir à faire un bide à l’heure actuelle. Mais il faut remettre cet album dans son contexte. En 1929, point de mixité, point de relations entre hommes et femmes, d’ailleurs pas une seule femme ou presque dans Tintin, à l’exception de Bianca Castafiore. A noter que la houppette de Tintin vient d’un passage de cet album, quand Tintin roule en trombe dans sa Mercedes Torpedo. Voulant rendre compte simplement de la vitesse, Hergé relève la houppette de Tintin au vent. Elle restera à jamais ainsi. Ce Tintin est l’histoire de la bande dessinée et notamment du style « ligne claire » inventé par Hergé. C’est à lire au moins une fois dans sa vie, pour comprendre la genèse d’un mythe.
XIII contre I
« Aux États-Unis tout est possible, y compris l’impossible ! Je vois mal raconter l’histoire de XIII en Belgique » (Jean Van Hamme dans « Entrée Libre » sur France 3 en 2018)
Qui ne connait pas XIII, l’amnésique le plus connu de la bande dessinée franco-belge ? Un homme poursuivi par des tueurs, surentrainé et à la recherche de son identité. Avec un fil rouge : la conspiration des XX. Après une hécatombe dans les XX lors du cinquième tome, Rouge Total, ce huitième tome poursuit dans ce sens et se présente comme un tournant dans l’histoire. C’est dans ce tome qu’Irina fait son apparition et que XIII se fait un puissant ennemi : le numéro I. Cette conspiration trouvera son dénouement dans le douzième tome, Le Jugement. Par la suite, les aventures de XIII s’égareront quelque peu dans des méandres dispensables, mais à cette époque elles consacrent le scénariste belge au rang des plus grands, avec un succès mérité, tant avec XIII qu’avec Largo Winch. Il ne lui manquera plus qu’à scénariser Blake et Mortimer pour faire de lui un monument de la bande dessinée… ce sera fait cinq ans plus tard.
Le Groupe W
« Largo Winch c’est le prince moderne, mais pas facile à manipuler car on se méfie de l’argent. Les gens riches, les gens n’aiment pas trop. Donc rendre sympathique un mec qui est bourré de fric, c’était assez difficile à mettre en scène. » (Jean Van Hamme dans « Entrée Libre » sur France 3 en 2018)
La fin de ce premier diptyque est symptomatique de ce que seront tous les épisodes à suivre de Largo Winch. Un premier tome dans lequel Largo passe de Charybde en Scylla, et un second tome où tout s’arrange, avec parfois un ou deux décès au passage. Inspiré par ses romans de gare (édulcorés des scènes de sexe les plus explicites), un diptyque en BD représentant un livre, Jean van Hamme a su faire d’un milliardaire un héros. Pour cela, il a intelligemment présenté Largo en baroudeur sans le sou dans le premier tome avant de le montrer en milliardaire dans le second, distillant des éléments de sa jeunesse au passage. Le succès fut immédiat et ne se dément pas depuis, malgré une baisse de niveau scénaristique après les premiers albums et une évolution graphique de Philippe Francq discutable, ses personnages étant de plus en plus maigres. Restent d’excellents albums, les trois premiers diptyques étant les meilleurs. Si vous ne connaissez pas Largo Winch, il est plus que temps de vous y mettre !
Rendez-vous prochainement pour de nouveaux anniversaires !
Christophe Van Houtte
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