Albums marquants de leur époque, lancements de séries devenues cultes ou simples curiosités oubliées, Rétrobulle sera la rubrique remettant à l’honneur des bandes dessinées à l’occasion de leurs anniversaires.
Chaque mois, nous reviendrons sur ces titres qui célèbrent leurs 10, 20, 30, 40, 50, 60, 70 ou même 80 ans d’existence. Souvenez-vous…
Chroniques d’une chair grillée
« J’ai voulu pointer du doigt le fait que cette société sécuritaire et autoritaire n’est pas la cause du mal de cette société mais, au contraire, elle en est la conséquence. » (© Bertrand, scénariste, dans une interview pour Le Quotidien en août 2009)
Il existe dans la bande dessinée dite indépendante des pépites méconnues et qu’il est toujours agréable pour un chroniqueur de mettre en valeur. Cet ouvrage paru en mars 2009 fait partie de cette catégorie. Véritable pamphlet contre une certaine évolution de notre société, cet ouvrage sorti il y a 10 ans reste ô combien d’actualité. Les auteurs y démontrent par l’absurde que toutes les velléités actuelles visant à tout régenter, classer, classifier, uniformiser et réglementer ne peuvent qu’aboutir au pire. Les médias et leur recherche du sensationnalisme en prennent aussi pour leurs grades.
L’histoire, soutenue par un dessin simple mais efficace dont la colorisation monochromatique renforce l’effet, nous conte les mésaventures de Louka Zöt qui se retrouve du jour au lendemain avec sur les bras un nourrisson. Hélas, la « Convention » de la société ne le permet pas. Aidé par son seul ami (nommé Maus Spiegelman, l’hommage n’est pas anodin), Louka et son fils vont aller de Charybde en Sylla…!
Si vous avez aimé la trilogie S.O.S Bonheur de Griffo et Van Hamme, si Black Mirror est une série télé qui vous a marqué, si les histoires déprimantes et l’humour noir ont votre faveur, alors vous ne pourrez qu’être emballés par cette Chronique d’une chair grillée.
Chroniques de la lune noire #1 Le signe des ténèbres
« C’est une série que j’ai commencée à 18 ans. A l’époque j’étais en contact avec Casus Belli pour faire des illustrations. Le scénariste François Froideval est quelqu’un qui comptait beaucoup dans le milieu du jeu de rôle à cette époque. C’est notre première BD à tous les deux, l’histoire est calquée sur une campagne de jeu de rôle que François avait écrit. » (© Olivier Ledroit, dessinateur, lors d’une interview pour la chaine youtube de MrEuromanga en 2015)
La fin des années 80 et le début des années 90 fut une période riche en création d’univers de BD heroic-fantasy. Auparavant, seuls Thorgal et la Quête de l’oiseau du temps émergeaient du lot. Puis vinrent les Légendes des Contrées oubliées et les Chroniques de la Lune Noire, suivis ensuite par la Complainte des Landes perdues, la Geste des Chevaliers-Dragons, Lanfeust de Troy…
Cet album marque les débuts d’un illustrateur dont le talent s’est étoffé et jamais démenti depuis : Olivier Ledroit. Misant sur un univers Dark fantasy, avec des combats épiques mettant en scène des armées parfois gigantesques, ce premier tome pose les bases de l’univers qui continue toujours d’exister aujourd’hui (20 tomes, sans compter la série dérivée). Manipulations par des forces puissantes et obscures, naïveté initiale du héros, humour (la scène où Pile-ou-face fait tourner Ghorghor en bourrique avec ses épées est devenue un classique du genre) et violence, le cocktail est bien dosé et ne peut que plaire aux amateurs du genre.
Même si on a fait bien mieux depuis au niveau scénario et si la série désormais s’étiole sans grand intérêt, les débuts étaient plutôt remarquables de la part de deux débutants dans le domaine de la bande dessinée.
Marc Lebut et son voisin #2 L’homme des vieux
« Maurice Tillieux est venu au scénario de bandes dessinées quelque peu par improvisation et sous la pression d’éléments extérieurs. Il était surtout passionné par la vie et tout ce qu’elle pouvait lui offrir : amitiés, découvertes, voyages, gags… Un type fabuleux sur le plan humain, mais qui attachait finalement assez peu d’importance à sa carrière professionnelle, du moment qu’il gagnait de quoi être libre de goûter aux joies de l’existence. (…) C’est ainsi que le dessinateur de Félix ou de Gil Jourdan va être amené à écrire les scénarios d’une nouvelle série humoristique que le dessinateur Francis Bertrand (qui signe de son seul prénom : Francis) aimerait créer pour le journal Spirou : ça sera Marc Lebut et son voisin qui fut connu, également, sous le nom de La Ford T et qui fut publiée à partir du no1452 du 10 février 1966. » (© Gilles Ratier en novembre 2012 pour le site Bdzoom.com)
Francis Bertand, dit Francis. L’un des grands oubliés de l’histoire de la BD franco-Belge. Pourtant, malgré son trait typique de l’école de Marcinelle et ses très nombreuses bandes dessinées il restera toujours dans l’ombre de ses pairs contemporains (Greg, Franquin, Peyo, Roba, Walthéry, Séron…). Pourtant, graphiquement le talent est là. Son trait dynamique est forcément quelque peu daté désormais mais reflète véritablement le syle du Journal de Spirou des années 50 à 70.
Marc Lebut est un héros plutôt original pour cette époque. Manipulant, voire martyrisant, son trop gentil voisin Goular il l’embarque avec lui dans des aventures où le voisin est le plus souvent son souffre-douleur. Scénarisées par Maurice Tillieux (un autre grand nom de l’époque qui, lui, a eu plus de reconnaissance avec notamment la série Gil Jourdain), les aventures de Marc Lebut, sa Fort T et son voisin ont débuté en histoires courtes de 6 planches. L’homme des vieux, première grande aventure complète des personnages, embarque les protagonistes jusqu’au fin fond de l’Himalaya, voyage au cours duquel les péripéties seront nombreuses. Il ne serait d’ailleurs guère surprenant que cette histoire ait été celle qui inspira l’Odyssée d’Astérix à Albert Uderzo.
Se terminant par une morale de bon aloi qu’il serait probablement surprenant de retrouver dans une bande dessinée moderne, le charme rétro de cette histoire a tout pour plaire à tous les afficionados de l’école de Marcinelle.
Lucky Luke #1 La mine d’or de Dick Digger
« Morris est une sorte de chaînon manquant improbable entre l’Homo dessinatus belgicus et l’Homo americanus comicus… C’est à ma connaissance le premier et le seul européen de l’après-guerre à s’être rendu aux States dans le but de travailler en studio et de s’imprégner du savoir-faire des dessinateurs de comics. Cinq années plus tard, à son retour, il a su imposer son style inimitable, si particulier. » (citation de Yann, extrait de son entretien avec Didier Pasamonik dans Lucky Luke, les dessous d’une création © Editions Atlas)
Le mois de mars 1949 est celui de la publication du premier tome broché d’un personnage devenu depuis l’un des plus populaires de la bande dessinée : Lucky Luke ! Préalablement publié dans Spirou dès 1947, ce cow-boy (pas si) solitaire est encore tout en rondeurs et ses aventures sont assez naïves et proches des classiques des westerns de cette époque.
N’hésitant pas à blesser ou tuer ses adversaires à ses débuts, Lucky Luke a néanmoins toujours été un savant mélange de western et d’humour. Ainsi, en huit albums Maurice de Bevere dit « Morris » posera les bases de l’univers de son cow-boy solitaire.
L’association avec René Goscinny dès le tome 9 –Des rails sur la prairie– rendra Lucky Luke plus humoristique et moins violent et propulsera logiquement la série vers les sommets. Si vous ne connaissez que le Lucky Luke période Goscinny ou post-Goscinny, prenez donc le temps de lire les premières histoires de Morris, plongez aux sources du personnage pour en comprendre sa genèse et encore mieux apprécier ensuite son évolution.
Rendez-vous le mois prochain pour de nouveaux anniversaires !
Christophe Van Houtte
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