Titre : Idiss
Scénariste : Richard Malka
Dessinateur – Coloriste : Fred Bernard
Éditeur : Rue de Sèvres
Parution : Mars 2021
Prix : 20€
1890, en Bessarabie, tout près de la frontière roumaine. Idiss Rosenberg doit s’occuper seule de ses deux fils et de ses beaux-parents, son mari Schulim ayant été réquisitionné par l’armée du Tsar. Alors que le temps passe et que la situation est extrêmement difficile, la jeune épouse accepte de participer à un petit trafic de cigarettes pour nourrir les siens. Repérée par la police, qui la laisse faire grâce à un surprenant arrangement, voit ensuite le retour tant attendu de son mari. Mais les pogroms, qui voient les Juifs se faire assassiner par leurs voisins, la naissance de la petite Chifra et les dettes de jeu de Schulim forcent la famille à penser à un départ à l’étranger. Pour Idiss, ce sera la France, en 1912, après que ses fils s’y soient installés pour ouvrir un atelier de confection à Paris…
« On travaille de l’aube au crépuscule et papa est un excellent vendeur! C’est une location, bien sûr, mais dans ce pays, si tu travailles dur, tu peux vivre bien…
– Le quartier entier parle yiddish! Tu vas aimer cette vie, Idiss. »
Après une exceptionnelle carrière d’avocat et d’homme politique, et un combat farouche contre la peine de mort et l’antisémitisme, Robert Badinter a attendu longtemps pour raconter l’histoire de sa famille, et notamment celle de cette grand-mère tant aimée. Cette adaptation du roman Idiss, paru en 2018, est formidable de sensibilité et la lecture de ce récit empli d’amour ne devrait pas manquer d’émouvoir voire de tirer une larme. On ne peut en effet pas rester de marbre face à ce destin bouleversant d’une femme qui a toujours tout fait pour les siens, se heurtant face à la montée de la haine en Europe de l’Est puis jusqu’en France avec la seconde guerre mondiale. L’injustice de sa fin de vie, séparée de ceux qu’elle aimait et notamment de ce petit-fils si proche d’elle et dont elle ne verra jamais la réussite, le sacrifice de ceux qui l’ont veillée plutôt que de partir à l’abri, après tant d’efforts et de renoncements, ne peut qu’étreindre le cœur. Si Richard Malka s’attache au récit couché sur papier par l’ancien Garde des Sceaux, Fred Bernard en fait une interprétation « libre » sur les conseils de l’écrivain, afin que l’album relate une histoire universelle à laquelle chacun peut se lier. Près de 70 ans après les faits, les témoignages ne cessent pas et, avec une telle qualité et un tel humanisme, c’est évidemment essentiel, quelle que soit sa croyance ou ses racines.
L’adaptation touchante et sensible d’un témoignage bouleversant.
Arnaud Gueury
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