Titre : L’Homme gribouillé
Scénariste : Serge Lehman
Dessinateur – Coloriste : Frederik Peeters
Éditeur : Delcourt
Parution : Janvier 2018
Prix : 29,95€
Souvent sujette à des crises d’aphasie, Betty Couvreur est à nouveau dans l’incapacité de parler alors qu’elle doit aller voir un désagréable auteur pour le compte de l’éditeur chez qui elle travaille. Alors qu’elle retrouve tout juste l’usage de la parole, sa fille reçoit l’étrange visite d’un homme inquiétant lui réclamant un paquet au moment même où elle découvre que sa grand-mère est victime d’un nouvel AVC. L’inquiétude domine mais un cauchemar de Betty la pousse à aller demander quelques renseignements au malsain Pierre Inféri. Celui-ci, surpris, l’informe alors du mythe de Max Corbeau, le protecteur imaginaire d’un faussaire juif qui réclame son dû…
Pas de doute, les auteurs ont fourni un travail colossal pour venir à bout de cet album dense de 326 pages, dans lequel les personnages, les mythes et les rebondissements sont nombreux. Parfois même un peu trop, même s’ils concourent tous au bon déroulement d’une intrigue particulièrement originale et travaillée par Serge Lehman (Metropolis). Le scénariste part d’un contexte très réaliste, renforcée par une ambiance pluvieuse et morne sur Paris et des tranches de vie ordinaires, puis fait brutalement basculer son récit vers le fantastique, l’ésotérique et même l’horreur, avec quelques scènes violentes inattendues. La quête de Betty et de sa fille, sur les traces du passé et des non-dits, nourrit toute la suite de l’album, jusqu’à une conclusion surprenante qui risque de diviser les lecteurs. Car tout s’embrouille un peu autour de deux points, l’inquiétant Max Corbeau et le secret de la famille Couvreur. Ce mélange de diverses croyances est bien sûr la grande force de cette bande dessinée remarquable mais elle est aussi peut-être un peu trop alambiquée. Rien de grave toutefois, quand en plus on retrouve l’excellent Frederik Peeters (Aâma) pour mettre tout cela en forme. Le dessinateur suisse fournit des planches somptueuses, en noir et blanc et trames de gris, et met en scène la vie quotidienne et les passages grandiloquents avec la même aisance. Ses héros, tous admirablement expressifs et attachants, bénéficient d’un grand soin pour les caractériser et leur trouver une personnalité propre, tandis que la pagination lui permet d’apporter de nombreuses respirations centrées sur des décors et des paysages saisissants de réalisme.
Une oeuvre magique qui ne plaira pas à tous mais sort du lot par sa maestria.
Arnaud Gueury
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