- Titre(s) : Environnement toxique
- Scénariste(s) - Dessinatrice(s) - Coloriste(s) : Kate Beaton
- Editeur(s) : Casterman
- Parution : Mars 2023
- Prix : 29,95 €
- EAN : 9782203242234
Fraîchement diplômée d’une licence d’Histoire et d’Anthropologie, Kate Beaton décide du haut de ses 21 ans de partir en Alberta, à 5000 kilomètres de son île natale de Cap-Breton en Nouvelle-Écosse, pour travailler dans les mines de sables bitumeux, des gisements sableux d’où l’on extrait le pétrole. Ce n’est absolument pas ce qu’elle veut faire dans la vie mais il se trouve que c’est la meilleure solution pour elle afin de rembourser rapidement son prêt étudiant et ne plus avoir ce poids sur les épaules. Ainsi, elle arrive au camp de travailleurs de la société Syncrude où elle va faire ses premières armes alors qu’elle ne connaît rien au monde du travail. Pour commencer, ce n’est franchement pas l’idéal ! Non seulement le travail est dur physiquement mais c’est un milieu très particulier où il y a cinquante fois plus d’hommes que de femmes, un monde hyper-masculin et hostile où se faire des amis et exprimer ce que l’on ressent est très difficile. Malgré ce qu’elle endure pendant deux ans dans divers sites et entreprises du bassin pour lesquels elle travaille, Kate partage courageusement son expérience avec le plus grand nombre.
Si Environnement toxique est le roman graphique préféré de Barack Obama en 2022, ce n’est absolument pas étonnant. Nous avons là entre les mains une véritable étude sociologique objective qui a nécessité beaucoup de courage et de force à Kate Beaton dans sa réalisation. D’ailleurs, l’autrice a attendu 2016 avant de commencer à travailler sur le projet. Une prise de recul lui était nécessaire et à la lecture de l’album, l’évidence se fait jour. Ce qui est remarquable est le fait que l’autrice traite l’ensemble avec beaucoup d’empathie et un peu d’humour. Malgré les faits dramatiques, elle essaye de trouver des explications à ces actes et comportements. Elle expose à son lectorat qu’il s’agit des conséquences de la solitude, de la pénibilité du travail, de l’exploitation froide de l’être humain et de l’éloignement familial qui transforment les personnes/hommes n’ayant pas forcément au départ ce types d’attitudes sexistes et grivoises. Mais heureusement, Kate a aussi rencontré des hommes bien. Cet environnement est donc toxique pour les femmes mais aussi pour la nature et les peuples autochtones spoliés de leurs terres, un focus écologique qu’il était également nécessaire de faire. Cette œuvre personnelle, fleuve et marquante, se traduit par un pavé de plus de 430 planches pensées, réfléchies et dessinées avec les tripes pour briser le silence sur un monde à part, une niche professionnelle isolée, complexe et méconnue. Le trait de Kate Beaton est doux, très expressif et s’accorde parfaitement avec ses mots, tout comme la teinte monochrome bleu-gris de la mise en couleurs est en phase avec la toxicité ambiante globale.
Bravo et merci à Kate Beaton pour ce roman graphique saisissant et d’utilité publique. Une lecture essentielle !
Stéphane Girardot
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