
© 2021 Casterman
Titre : Le Don de Rachel
Scénariste : Anne-Caroline Pandolfo
Dessinateur – Coloriste : Terkel Risbjerg
Éditeur : Casterman
Parution : Mars 2021
Prix : 24,50€
Paris, 1848. Page est stupéfait car Rachel a retranscrit dans la nuit un poème de Victor Hugo qu’il n’écrira lui-même qu’en 1858. Comment fait-elle cela ? Tout simplement grâce à son don. Depuis toute petite, elle peut lire le passé et l’avenir à travers les gens et les choses. Ce don, elle voudrait le partager avec la société mais cette dernière n’en veut pas, par manque d’imagination ou parce qu’elle n’est pas prête ? Ainsi, elle sera condamnée comme sorcière puis exhibée comme un phénomène de foire lors de réunions où elle rencontre de nombreuses personnalités telle que la famille royale, Alexandre Dumas ou encore Robert-Houdin. Malgré cette « gloire », elle est rendue invisible et personne ne se soucie d’elle en tant que personne. Elle ne trouve pas sa place. Lasse de tout cela, Rachel Archer disparaît un jour sans laisser de trace. Restent comme uniques témoins de son passage un livre, Le Don de Rachel, que la jeune chorégraphe danoise Liv Nexø choisit d’adapter alors qu’elle doit faire ses preuves au Théâtre Royal de Copenhague en 1980, et un daguerréotype qui influencera l’approche professionnelle de la photographe Virginia Day, installée à Londres, ainsi que sa vie personnelle. Trois femmes, trois époques et trois villes différentes mais un seul lien tangible et éternel qui les unit.
Anne-Caroline Pandolfo propose un récit tout à fait fascinant où le réel est petit à petit supplanté par la magie et le fantastique. Ce très beau roman graphique de près de 200 pages est articulé en quatre parties dont les deux premières sont consacrées à la vie de Rachel Archer et mettent en évidence toutes les difficultés qu’elle a à faire sa place dans une société patriarcale où la science et la raison ont force de loi. Le lecteur y partage ses états d’âme et ses émotions avec Page, le poète qui l’accompagne au quotidien et la soutient inconditionnellement. Puis viennent deux autres chapitres à la pagination moins importante où l’on découvre, tout en avançant dans le temps, pourquoi et comment Liv Nexø puis Victoria Day sont connectées à Rachel. L’enchaînement entre les différentes phases se fait tout naturellement. C’est extrêmement bien écrit et il y a de nombreux éléments de connexion en plus du livre (qui l’a écrit, Page ou Rachel ?) pour Liv et le daguerréotype pour Victoria. Ainsi, l’acteur Frédérick Lemaître, qui défend Rachel dans un théâtre à Paris, brise le quatrième mur pour s’adresser à la chorégraphe et l’aider alors qu’elle regarde Les Enfants du paradis. Autre exemple, l’exposition de Victoria se déroule dans la Galerie Page ! Ce qui est encore plus surprenant, ce sont les confidences de la scénariste en fin d’album sur des événements ou lectures qui ont directement influencé l’écriture de cette bande dessinée. Bien sûr, la retranscription graphique de ce conte par Terkel Risbjerg est tout à fait saisissante. À commencer par le regard profond de Rachel qui trouve un écho incroyable dans la dernière planche qui ferme l’œuvre ou bien ouvre une nouvelle porte. Les scènes où se superposent plusieurs réalités sont remarquables de poésie et de fluidité. Tout comme les couleurs qui jaillissent des aplats de noir sont lumineuses.
Un excellent moment de lecture que nous vous recommandons chaudement !
Stéphane Girardot
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