- Titre(s) : Destination le Tchad
- Scénariste(s) - Dessinateur(s) - Coloriste(s) : Florent Kassaï
- Editeur(s) : L’Harmattan
- Parution : Juin 2023
- Prix : 14,90 €
- EAN : 9782140319228
Le 5 décembre 2013, de terribles affrontements se déroulent au « PK5 », un quartier animé et marchand au cœur de Bangui, la capitale centrafricaine. Déjà meurtri par deux guerres civiles et de multiples exactions ayant terriblement réduit les activités, le quartier devient un lieu martyr où la population subit le conflit entre les séléka musulmans soutenant le gouvernement et les rebelles antibalaka chrétiens. Puisque rien n’incite à l’optimisme chez un peuple soumis à la guerre depuis des décennies et que tout vient à manquer, des colonnes se forment pour évacuer en direction du Tchad. Avec sa mère, sa sœur et son neveu, la jeune Zénabou monte à bord d’un des camions qui vont tenter de rallier le pays voisin en évitant les groupes armés…
« Tu ne vois pas que la situation est intenable? Depuis trois semaines que nous n’avons ni eau courante ni électricité, sans parler des attaques incessantes des antibalaka.
– Je n’ai pas dit que j’avais envie de rester, mais j’ai peur. »
Membre émérite de l’exceptionnelle famille Kassaï aux côtés de ses frères Didier (auteur de Tempête sur Bangui), Frédéric et Francky, tous actifs dans le domaine du dessin et de l’illustration, Florent Kassaï avait déjà abordé cette troisième guerre civile en Centrafrique à travers l’album Moi, antibalaka en 2022. Chez le même éditeur, il poursuit, avec son graphisme parfois un peu naïf et de très belles couleurs à l’aquarelle (dont on peut regretter que certaines ressortent un peu floues), cette plongée dans l’horreur des combats fratricides dans un nouvel opus bouleversant. Sans fioritures et avec un ton simple et juste, il fait vivre ces événements par les yeux d’une jeune femme entrainée dans un conflit politique, ethnique et religieux qui la dépasse. L’auteur parvient surtout à ne pas opposer un camp à l’autre, puisque les deux sont coupables d’exactions et égaux dans la destruction d’un pays qui n’a jamais vraiment réussi à trouver de la stabilité depuis son indépendance. Malgré tout, à l’image de la paisible Zénabou et du courageux Aubino, mais aussi de ces artistes témoignant avec sincérité et talent, il reste toujours de l’espoir.
Un très beau récit ayant valeur de documentaire sur un pays rongé par les dissensions et dans lequel s’illustre actuellement le sinistre groupe de mercenaires russes Wagner.
Arnaud Gueury
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