Titre : Les Déracinés
Scénariste : Catherine Bardon
Dessinateur : Winoc
Coloriste : Sébastien Bouët
Éditeur : Philéas
Parution : Janvier 2021
Prix : 18,90€
Autriche, 1935. Tout à la joie de leur mariage, Almah et Wilhelm ne peuvent empêcher les discussions sur l’actualité politique, l’ascension du parti nazi d’Adolf Hitler et la recrudescence des actes anti-juifs laissant craindre un sombre avenir. Et le jeune couple constate très vite les agressions et les insultes dont les leurs sont victimes, poussant la sœur de Wil et son mari à partir pour New York. Par amour de leur pays et de leur métier, eux choisissent de rester. Jusqu’à l’inévitable. Malgré les sacrifices, il est alors trop tard pour rejoindre les Etats-Unis, qui ont stoppé les visas. Direction la Suisse, pour une attente de plusieurs mois. Puis une nouvelle inattendue : la République Dominicaine ouvre ses portes aux réfugiés. Toute une communauté pourra s’y installer et créer l’équivalent d’un kibboutz à Sosúa…
« Nous avez-vous réellement dit toute la vérité sur ce qui nous attend dans cette île paradisiaque? Nous avez-vous parlé des mygales, des fièvres tropicales, des Haïtiens maintenus en esclavage et du fils de Trujillo, 11 ans et déjà colonel dans l’armée? »
Formidable saga familiale et historique, Les Déracinés verra prochainement sortir, en avril 2021, son quatrième et dernier volume, toujours écrit par la romancière Catherine Bardon. Pour diriger cette adaptation en bande dessinée, c’est d’ailleurs elle qui en prend les commandes, avec beaucoup de justesse. Sans doute aidée par son complice Winoc (De mémoire), le découpage est ainsi très rythmé, sans temps mort, mais également sans ellipse qui obligerait ceux qui n’ont pas lu le roman à devoir combler les vides. Le scénario, très dense puisqu’il relate une histoire s’étalant sur plus de vingt-cinq ans, est pourtant très aéré et fluide. On se plonge littéralement dans cette aventure humaine forte en drames qui voit pourtant ses personnages rebondir après chaque coup dur. Catherine Bardon étant une spécialiste de la République Dominicaine, un état au centre de sa saga, on découvre subtilement ses heures les plus noires et les plus incroyables à travers la dictature de « Son Excellence le généralissime docteur Rafael Leonidas Trujillo Molina, Honorable Président de la République, Bienfaiteur de la Patrie et Reconstructeur de l’Indépendance Financière ». Pour autant, toute la première partie du récit, concentré sur la vie de Almah et Wilhelm en Autriche, puis en exil, est passionnante et émouvante. D’un bout à l’autre de l’album, la précision historique du contexte et l’intrigue sentimentale de héros fictifs se mêlent avec beaucoup de justesse, Winoc se chargeant de mettre tout cela en images avec finesse et sobriété. Une parfaite représentation qui met le fond en valeur et lui donne de l’épaisseur.
Touchante et surprenante, instructive et romanesque, cette saga prend aux tripes en même temps qu’elle nous fait découvrir des événements incroyables. On attend la suite, forcément !
Arnaud Gueury
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