A l’occasion du festival Quai des bulles, les éditions Akileos ont fait venir plusieurs auteurs étrangers. C’est ainsi que Stephen McCranie est venu en France pour la première fois à la rencontre des lecteurs de son comics Space Boy. Nous avons sauté sur l’occasion de le rencontrer et de lui poser toutes sortes de questions sur son parcours mais surtout sur cette série.
Bonjour Stephen, pour commencer, pourrais-tu te présenter ? Qu’as tu fait avant Space Boy ? Et pourquoi avoir choisi de faire des comics ?
Mon nom est Stephen McCranie et je dessine des comics depuis avant même de savoir écrire. J’avais à peu près 4 ou 5 ans, je faisais les dessins et ma mère ajoutait les bulles. J’ai toujours aimé les comics et mes parents m’ont encouragé à dessiner en grandissant. Alors que j’étais à l’université, j’ai publié un strip dans le journal de l’école qui s’appelait Mal and Chad, assez similaire à Calvin et Hobbes, à propos d’un petit génie et de son chien parlant. J’ai ensuite publié ce comics sur internet, un éditeur l’a vu et m’a dit « hey, on devrait faire un livre avec ça ! ». Et donc, aussitôt après l’université, j’ai publié ma première série de livres, appelée Mal and Chad, publiée par Penguin. C’est comme ça que j’ai commencé à faire des comics. Pendant un moment cependant, il n’était pas évident que je pourrai en vivre. Et j’ai publié en auto-édition un livre appelé Brick by Brick. C’est un comics sur comment être un créateur.
On peut le voir sur ton Instagram.
Oui. Après ça, j’étais au bout de ce que j’avais sur mon compte en banque et je me demandais si je pourrais être un dessinateur. Et j’ai vu sur internet qu’une nouvelle compagnie appelée WebToon était sur le point de lancer une version américaine de leur application. Il y avait un concours. Le premier prix était de 30 000 dollars. Je me suis demandé « mais pourquoi paieraient-ils autant pour des webcomics ? Les webcomics ne valent pas autant. Soit c’est une arnaque, ou quelque chose de différent est en train de se produire ». J’ai donc fait des recherches et j’ai vu que WebToon était vraiment important en Corée du Sud. Donc j’ai décidé de me lancer dans le concours et j’ai dessiné les 100 premières pages de Space Boy, que j’ai envoyées. J’ai gagné le concours et donc j’ai eu un contrat avec WebToon. Et donc je dessine pour WebToon depuis six ans maintenant.
Comment as-tu fini par être publié en France ?
Je publiais Space Boy sur WebToon et je suis allé à une convention. J’y ai rencontré un éditeur appelé Dark Horse Comics. Et ils m’ont demandé s’ils pouvaient publier une version papier de Space Boy. Je ne sais pas si c’est Akileos qui les a contactés ou eux qui ont contacté Akileos.
Donc tu n’as pas démarché la France en fait ?
Non, c’est bien quelqu’un de chez Dark Horse qui l’a fait.
Ce n’était donc pas ton but de publier en France ?
Non, pas vraiment. Mais c’est génial ! Et je ne peux pas y croire. Je suis choqué quand je pense que dessiner ces 100 premières pages de Space Boy… J’étais content d’avoir gagné le concours avec ces pages. Et ensuite j’étais content de pouvoir commencer un WebToon grâce à ces pages. Et j’étais encore plus content de pouvoir utiliser ces pages pour imprimer un livre. Mais ensuite de penser que ces pages sont aussi traduites en français… je ne peux juste pas y croire. Je n’aurais jamais pu imaginer que ça irait si loin.
Et est ce que Space Boy est publié dans d’autres pays ?
Il y a un éditeur espagnol qui était intéressé mais je n’en ai plus entendu parler. Peut-être un jour. J’espère.
Pour revenir à la création de Space Boy, d’où t’est venue l’idée ? Est-ce que c’est quelque chose que tu avais en tête depuis longtemps ou juste pour le concours ?
J’ai commencé le comics il y a six ans. Mais je pense que j’ai l’idée depuis douze ou treize ans peut-être. Donc ça couve depuis un long moment. Je pense que tout a commencé avec la solitude de l’espace. L’espace est un endroit solitaire et les Hommes se sont toujours demandés : est ce qu’on est seuls dans l’univers ? Est ce qu’il y a des extraterrestres ? Donc un grand sujet avec une perspective global. Mais dans une perspective plus personnelle, nous sommes aussi seuls ces jours-ci, et donc c’est venu en quelque sorte de la solitude. L’idée de se demander : est-ce que je suis seul dans l’univers ? Est-ce que je suis seul chez moi ? Et de là découlent beaucoup de thèmes. L’autre chose qui s’est produite, c’est que je pense que j’avais cette histoire en moi depuis longtemps, grandissant, maturant, mais comme je devais faire une histoire très rapidement pour le concours de WebToon, j’ai été obligé de laisser mon cœur aller là où il avait envie d’aller. J’ai été obligé de juste écrire ce que je ressentais, sans éditeur ou quoi que ce soit d’autre pour modifier ou changer quoi que ce soit. Et donc je pense que c’est aussi pour cela qu’il y a autant de thèmes dans Space Boy. Parce que si je n’avais fait qu’un roman graphique, il n’y aurait qu’un thème. Mais comme c’est long, je n’arrête pas d’y mettre ce que j’expérimente. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de thèmes différents.
En France, Akileos a édité huit albums déjà. Combien y en a-t-il aux Etats-Unis ?
Il y a treize livres. Sur WebToon, je pense que j’en ai terminé vingt et j’espère conclure Space Boy dans les deux ou trois prochaines années. D’ici la fin, il y aura probablement trente livres.
Est-ce que tu connais déjà la fin ?
Oui.
Depuis le début ou seulement depuis quelques années ?
Quasiment depuis le début, oui.
Pensais-tu dès le départ que ce serait un si gros WebToon ?
Non, je ne pensais pas que ce serait si important. Je ne l’avais pas prévu si important. Mais maintenant que c’est lancé dans les airs, je dois faire une bonne fin, je ne peux pas juste l’abandonner, même si je suis impatient de travailler sur de nouvelles choses.
Arrives-tu à vivre de Space Boy maintenant ?
Oui. WebToon paie pour les droits digitaux. Et Dark Horse et Akileos paient pour les droits des livres. Donc oui ça fonctionne. Si c’était juste WebToon, je ne pourrais pas en vivre.
Est-ce que c’est la première fois que tu viens en France ?
Oui.
Est-ce que ça te plait ?
Oh oui !
Tu as fait quelques séances de dédicaces à Paris ces derniers jours. Est-ce que beaucoup de gens sont venus pour te voir ?
Oui, j’ai fait trois séances de dédicaces. Deux ont eu beaucoup de monde. La troisième un peu moins. Mais j’ai pu rencontrer un dessinateur français et discuter avec lui. Donc c’était une bonne expérience.
Space Boy a l’air d’avoir de nombreux fans en France aussi.
Je pense que Space Boy n’a peut-être pas beaucoup de fans, mais que ces fans tiennent vraiment à l’histoire et sont prêts à prendre le métro pour venir me rencontrer.
Quand on commence à le lire, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. Il y a tellement d’émotions, qu’on ne veut pas attendre pour lire la suite.
Oh merci ! Pour moi, parler avec toi aujourd’hui est quelque chose. J’ai toujours admiré l’industrie de la bande dessinée en France. Je pense que la France fait les plus belles bandes dessinées du monde. L’idée qu’ils m’invitent ici ? C’était un peu « Mais il y a tellement de bons dessinateurs ? Pourquoi ils me feraient venir moi ici ? » Donc c’est vraiment un grand honneur pour moi aussi de te parler aujourd’hui.
Dans la série, Amy est capable de ressentir les saveurs des gens qui l’entourent. D’où vient cette idée ?
Je ne sais pas d’où ça vient… Je pense qu’il y a beaucoup de façons différentes d’écrire des histoires. Mais que les outils les plus puissants pour un auteur est un personnage qui a une perspective vraiment unique. Parce que ce personnage pourra regarder quelque chose qui est ennuyeux et le faire devenir riche et magnifique juste à cause de la façon dont il le regarde. Et donc un personnage qui peut sentir les émotions des autres et sentir la saveur de ces émotions a vraiment une perspective unique. Et les lecteurs seront « wahh ! ». Je peux avoir des choses simples, comme des lycéens qui ont des amourettes, des gens mangeant leur déjeuner ou faisant des choses de tous les jours. Mais si la perspective est unique, ça pourra être une bonne expérience de lecture. Je pense que c’est pour ça qu’elle peut sentir la saveur des gens.
Pourquoi ce titre ? Car c’est plutôt l’histoire d’Amy… Peut-être que pour toi Oliver est le personnage principal ?
Non c’est bien Amy. Je pense les volumes 9 et 10 expliqueront cela. Mais je pense que Oliver est le nœud de l’histoire. Toutes les souffrances sont en Oliver. Amy est là pour l’aider, le sauver, lui donner de l’espoir. Nous suivons donc la perspective d’Amy mais il est celui qui est le centre de l’histoire.
Pourquoi avoir choisi un personnage féminin pour être le sauveur ? Ce n’est pas très commun…
Oh, je ne sais pas.
D’habitude ce sont plutôt les garçons qui sauvent les filles…
Je ne connais pas la réponse à cette question. Je pourrais inventer quelque chose mais non je ne sais pas…
Merci beaucoup Stephen pour avoir accepté cette interview et pour avoir répondu à toutes nos questions.
Propos recueillis et traduits par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 7 Octobre 2022
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