Maxe L’Hermenier, scénariste prolifique et directeur de la collection Jungle Pépites qui adapte en bande dessinée des romans classiques ou populaires, était présent au festival Quai des bulles avec plusieurs de ses auteurs. Nous avons choisi de l’interviewer en compagnie du dessinateur Thomas Labourot pour leur œuvre Nevermoor. Mais nous en avons également profité pour parler en détails de la collection qui vient de fêter ses cinq ans.
Bonjour Maxe et Thomas. Pour commencer cette interview, avant de parler de votre dernier album Nevermoor, on va parler de la collection Jungle Pépites qui vient de fêter ses 5 ans ! Maxe, peux tu nous dire comment est née cette collection qui consiste en l’adaptation de grandes œuvres ?
Maxe L’Hermenier : Oui ce sont des grandes œuvres qui sont généralement recommandées par l’Education nationale. En fait, c’est suite à un constat, qui est que malheureusement les documentalistes et les professeurs en général avaient de plus en plus de mal à attirer les petits lecteurs. Il y a toute une tranche d’enfants, d’ados, qui, lorsqu’ils se retrouvent face à un roman, le repoussent. Ils ne le découvrent pas. Il ne veulent pas y entrer, alors que l’histoire est magnifique. C’est le côté pagination, le côté objet du roman qui repousse certains lecteurs. On s’est rendu compte, grâce aussi à mon épouse qui est professeur documentaliste, que la BD ouvre une porte, elle aide ce type de lecteur. Du coup on est parti du constat de se dire “et si on adaptait le roman aux bandes dessinées en respectant l’œuvre pour créer finalement cette passerelle ?” Le but de Pépites est qu’un lecteur de roman et un lecteur de bande dessinée aient le même discours. Qu’il y ait cette rencontre, cette passerelle, qu’ils puissent lire la même œuvre et puissent échanger sur la même œuvre aussi. On a démarré sur La Rivière à l’envers, parce que pour moi c’est une madeleine de Proust, je l’ai adoré et, lorsque je l’ai proposé à Jungle, on m’a dit banco et on est parti dessus. On a eu de la chance que cela ait tout de suite cartonné. Moïse Kissous, le patron de jungle, m’a dit bingo, on lance une collection, et Pépites est née. Ca fait cinq ans depuis quelques jours et ça fait du bien. On a semé des petites graines et là ça prend vraiment son ampleur.
Est-ce que vous avez des retours sur ceux qui lisent les bandes dessinées, vont-ils lire le roman après ou pas?
MLH : Oui, eh bien justement, en dédicaces, tout à l’heure, on a eu ce genre de réflexion où un enfant, justement sur La Rivière à l’envers, m’a expliqué qu’il avait découvert le tome 1 et qu’il l’a relu en roman pour essayer de comparer. C’est rigolo parce qu’il y a vraiment cet échange et j’ai souvent aussi de l’autre côté des gens qui ont lu aussi le roman et après qui vont sur la bande dessinée.
En règle générale, ils sont contents ?
MLH : Ah oui, ils sont contents, et on a des fois des petits mots, surtout sur Instagram. Tout doucement, il y a une communauté Pépites qui se crée avec beaucoup de professeurs évidemment. Le point d’orgue de tout ça, c’est le partenariat avec Belin Education. Parce que nos albums, dont La Ferme des animaux, avec Thomas, Les Misérables, La Rivière à l’envers, L’Enfant Océan vont être distribués maintenant dans les écoles. Belin a décidé de réduire le format, un petit format souple à 5,90€, et ça permet d’aider aussi les professeurs à acheter en gros lot et de travailler sur l’œuvre. Donc là, on est parti encore sur une nouvelle passerelle, c’est bien. Les élèves, lorsqu’ils ont eu un coup de cœur, rachètent la version luxe, on va dire, qui est un peu plus chère, cartonnée. Il y a quelque chose qui est en train de se créer et c’est vraiment une communauté.
Comment sont choisis les titres qui intègrent la collection ? Et notamment Nevermoor ?
MLH : Je suis un gros, gros lecteur de romans. J’en reçois beaucoup, mais j’en achète énormément. Déjà la couverture du roman m’avait attiré. Et j’ai eu un coup de cœur en le lisant, je me suis dit qu’il fallait l’adapter. Il n’est pas recommandé par l’Education nationale, mais il est beaucoup travaillé dans les CDI et je l’ai présenté à Moïse qui a rapidement récupéré les droits. C’est une romancière australienne qui ne connaît rien à la bande dessinée et elle nous a fait confiance. Et là, justement, on a des petits mots. C’est super, parce qu’elle est heureuse. Elle n’imaginait pas ces personnages ainsi, elle les trouve géniaux et elle nous envoie des petits smileys. Dans les cinq années à venir, j’ai envie d’élargir aussi sur le côté pédagogique-Education nationale, mais aussi sur des romans qui ont énormément de potentiel, surtout pour les échanges dans les écoles et qu’on puisse travailler aussi dessus.
Pourquoi est-ce Thomas qui a été choisi pour illustrer Nevermoor ? Est-ce que c’est toi qui choisis quel dessinateur va avec quel roman?
MLH : Alors en fait c’est complexe. Avec Thomas, on se connaît depuis longtemps. Et là on venait de finir Un chant de Noël.
Qui est génial et dont le dessin est magnifique !
MLH : Oui, on ressent, je pense, notre passion pour Noël. Pour la petite histoire, c’est Thomas qui voulait le faire parce qu’il voulait offrir un album à sa fille. Il a été bercé par les Disney et compagnie. Donc on a réussi à convaincre Moïse de le faire. Et ça se sent, tu as a pris un plaisir énorme à le faire !
Thomas Labourot : Oui c’est vrai et j’essaie aussi à chaque album d’avoir un traitement, de trouver techniquement quelque chose d’intéressant et qui se colle à l’histoire. Je n’ai pas forcément un style super prédéfini quand je commence un projet, alors ça peut être assez déroutant. L’avantage là-dessus, par contre, c’est que Moïse nous fait confiance avec Maxe quand on parle d’un projet parce que moi, graphiquement, ça arrive quand je le commence vraiment. Par exemple, le prochain qu’on fera après ne ressemblera sûrement pas à Nevermoor, j’ai envie d’autre chose parce que ça correspond à l’histoire, ça m’aide à me sortir d’autres choses et de tester d’autres techniques. Et ça devient une récréation de faire les Pépites. C’est ça qui est vachement bien. Il n’y a pas une pression de dingue pour faire un style précis.
Du coup tu t’amuses aussi quand tu fais un nouvel album…
TL : On ne nous impose pas un style, on ne nous impose pas grand chose en fait, donc ça permet d’avoir des récréations.
MLH : Oui, puis tout doucement, en cinq ans, on a créé une bande de copains aussi. Il y a Djet, évidemment, il y a Stedho, il y a Thomas, on est devenu une bande et à chaque fin d’album, finalement, on se dit, allez on repart sur un nouvel album ! Et là, après Scrooge, Thomas voulait se lancer sur une série. Je connais aussi ses goûts et je lui ai dit “Mais il faut partir sur Nevermoor !”.
Thomas, tu connaissais l’histoire ? Tu as lu le roman ?
TL : Alors je l’ai écouté parce que j’ai beaucoup de trucs à faire, Maxe m’avait passé la version audio donc je l’écoutais en bossant. Je l’ai écouté plusieurs fois en bossant et oui, l’univers me correspond. Je suis ouvert à beaucoup de choses. J’essaie d’avoir un spectre le plus large possible et de ne pas me freiner. Mais après je fais aussi confiance à Maxe, s’il me donne un projet c’est qu’il me connaît. Et je lui ai dit « Moi, j’aimerais bien faire comme ça, j’aimerais bien tester telle technique de dessin ».
MLH : Et puis même avec d’autres copains dessinateurs, je sais ce qu’ils regardent à la télé, ce qu’ils lisent, ce qu’ils aiment dessiner…
TL : Je suis très peu lecteur de roman moi.
MLH : Oui, mais tu as beaucoup de références de jeux vidéo et beaucoup d’émissions, de séries télé. Et je vois ce que Thomas aime en général. Quand j’ai eu Nevermoor et qu’on avait récupéré les droits, je me suis dit “C’est Thomas” tout de suite. Evidemment il a fait les premières recherches et il a tapé dans le mille directement. Puis on a eu la couverture, elle est dynamique et c’est l’univers du roman, c’est ça qui est fou. Ca marche vraiment au coup de cœur. Cette collection marche au coup de cœur avec le soutien de l’éditeur qui nous fait entièrement confiance. Là, Moïse, ça fait cinq ans maintenant qu’il m’a complètement lâché. Vraiment, je peux faire ce que je veux et ça se ressent peut-être aussi dans les albums, on se fait plaisir. Ce n’est pas une commande et c’est vraiment important. Si ça devenait une commande, j’arrêterais. J’ai ce côté où je suis aux manettes parce que je m’amuse. Et justement, j’essaye des fois de passer le flambeau au copain dessinateur coloriste également et ça fait du bien de voir que ça fonctionne. Pour la petite histoire, Nevermoor réimprime déjà.
Mais il vient juste de sortir !
MLH : En fait, on l’a réimprimé avant la sortie parce qu’il y a eu une demande tellement forte que les stocks ont été épuisés directement. Je fais une parenthèse parce que là on est avec Thomas, mais je vois qu’il y a Clément Lefèvre, juste à côté, L’Île du Crâne en est déjà à la deuxième réimpression. On s’est amusés et, encore une fois, ce n’est pas une commande. Clément l’a abordé comme un travail plaisir, ce qui peut peut-être pousser les lecteurs à ressentir ce plaisir et acheter l’album. Et je reviens sur Jungle qui nous a donné le feu vert sur la fabrication, c’est assez rare du côté éditeur BD. Parce qu’on a des beaux albums, on a des signets, on a du vernis et toujours en restant sur un coût raisonnable. Et ça, ça peut aider aussi les lecteurs à nous faire confiance.
C’est toujours toi qui choisis les romans ou des dessinateurs t’en ont proposés ?
MLH : Thomas sur le Scrooge…
TL : C’est un échange, en fait. Pour mon cas personnel, comme je ne lis pratiquement pas de romans jeunesse, j’ai surtout des références connues par tout le monde qui m’intéresseraient plus par l’univers. On en a deux ou trois en stock qu’on va faire sûrement dans les années à venir. Mais sur ce qui est moderne et contemporain, c’est Maxe. Je ne suis pas du tout un lecteur de roman, pas parce que je n’aime pas, mais ce n’est pas forcément ce qui m’attire le plus. Et puis je n’ai pas le temps en fait, je fais beaucoup trop d’autre choses.
MLH : Alors que moi c’est le contraire. Là j’ai beaucoup de mal à lire de la bande dessinée, ça fait quelques années, parce ce que j’ai l’œil et je vois les petits détails. Je vois comment le scénariste a découpé, comment le dessinateur a travaillé. Du coup, moi je ne lis plus que du roman pratiquement, j’ai des piles de romans chez moi, j’ai une table de nuit, sans rire, qui doit avoir à peu près deux mètres de hauteur de livres. Et le soir, mon plaisir est de décrocher, de prendre un roman et de le lire. Si au bout de 20 ou 30 minutes, je suis accroché, ça veut dire que c’est bien parti. J’ai de la chance aussi d’avoir une épouse qui est Prof Doc, qui me ramène énormément de romans et qui me donne aussi ses coups de cœur du moment. A force, on arrive à faire aussi un binôme.
Thomas, tu n’interviens pas du tout dans le scénario ou tu donnes des indications par rapport à toi, comment tu imagines le dessin…
TL : Non, quand Maxe me propose son scénario, après moi je fais le storyboard, plus ou moins détaillé en fonction des projets, mais en général, après, je suis assez libre de faire comme j’ai envie. Alors les coupes et tout ça, je lui laisse parce que pour moi c’est trop compliqué de gérer ça. Par contre scénaristiquement, je dis n’importe quoi mais quand il met six ou sept cases et que moi il m’en faut neuf ou il ne m’en faut que trois, je vais modifier. C’est ma partie, j’estime que c’est mon travail. Et puis j’y vais directement et il voit après si ça va ou pas. Il y a qu’une chose que j’essaie toujours de respecter, c’est le texte. Sauf si je me dis qu’une bulle me parait un peu bizarre, mais très souvent je ne me sens pas à la hauteur de toucher à ça, donc je lui laisse, c’est lui qui gère cette partie. Mais la mise en scène, on va dire qu’on la fait tous les deux par le board. Moi j’ai fait une proposition et il rebondira dessus. Très souvent il n’y a pas grand chose à dire, pas parce que je suis meilleur ou quoi, mais que c’est très très proche de ce qu’il a écrit. Et souvent je lui précise quand j’ai vraiment modifié un truc. Je lui dis peut-être des fois en amont quand on a le temps de voir en amont.
MLH : On se parle beaucoup, beaucoup, lors de la création de l’album avec Thomas !
TL : Trop !
MLH : Oui, trop. Je pense que nos épouses le confirmeraient ! On discute beaucoup beaucoup, ça permet de gagner aussi du temps. Mais surtout, on se connaît par cœur maintenant, professionnellement parlant. Donc là vous gagnez un temps fou. Et ce qui est rigolo avec Thomas, c’est que je sais aussi quel clin d’œil mettre dans mon découpage. Je sais comment il va réagir. Je peux lui donner des références que je connais et qu’il connaîtra et on gagne du temps.
Finalement, tu adaptes vraiment tes scénarios aux dessinateurs avec lesquels tu vas travailler.
MLH : C’est pour ça que sur Pépites il y a beaucoup de dessinateurs qui reviennent souvent. C’est parce que je les connais par cœur, ils me font confiance, je leur fais confiance et on arrive à toujours avoir ce petit délire, ce petit truc en plus qui fait que à chaque fois les lecteurs rigolent parce qu’ils voient un clin d’œil, mais je respecte toujours l’œuvre !
TL : C’est chacun qui s’adapte à l’autre parce que, quand je reçois le scénar comme je disais tout à l’heure, mon dessin s’adapte à l’histoire qu’on veut proposer. Je n’arrive pas en apposant tout de suite mon style. Je pense que les visions qu’on a dès le départ correspondent. On s’y retrouve tout de suite. Parce qu’on a réfléchi avant. Là on a un futur projet, j’ai envie de l’essayer autrement et je sais ce que ça va être. Et Maxe va me faire confiance. Mais si ça ne le fait pas, on va tout de suite changer. Je pense que c’est chacun qui s’adapte au fur et à mesure et on avance comme ça.
Tu travailles aussi avec d’autres scénaristes et tu t’adaptes ?
TL : Oui, c’est pareil en fait. C’est comme Maxe avec tous ses dessinateurs.
Combien de temps il faut pour faire un album comme Nevermoor ?
MLH : Thomas gagne beaucoup de temps parce qu’il réfléchit beaucoup en amont. Il lit mon découpage et il se met à cogiter, cogiter, cogiter. Tu arrives à travailler un peu dans ta tête finalement.
TL : Oui, il y a beaucoup qui se passe dans ma tête. Je suis fou-fou dans ma tête. Et donc, dès que j’attaque une page, elle est abattue vite, mais je fais de toute façon ça sur n’importe quel projet. Je veux faire une page par jour quand je l’attaque. Alors ça peut être des journées de 30 heures, ça peut être des journées de 2 ou 3 h, ça dépend de la page. Mais j’essaie de m’astreindre à ça. Par contre, il y a la partie réflexion qui est beaucoup plus longue en amont, le storyboard. Quand j’ai ton scénar c’est mieux, mais même quand j’ai des séquences, je lis plusieurs fois les séquences. Quand je travaille sur une page, pour moi, le dessin c’est technique, pas besoin de réfléchir. Je peux regarder des séries en même temps, je peux faire plein de trucs. Et très souvent, quand je suis en train de faire une tache, je pense aux suivantes, je pense au découpage suivant, je pense même à d’autres projets.
Pour toi, la partie dessin se fait toute seule en fait !
TL : Oui, parce que j’ai tout prévu en amont déjà. J’ai une grosse réflexion. Faire des storyboards détaillés, c’est une partie technique qui ne me plait pas forcément. Mais faire mes propres boards – qui sont des machins qui ne ressemblent pas à grand chose, des gribouillis si je les montre, je pense que personne ne saurait les lire – c’est vraiment mes placements et j’adore ça, réfléchir à l’histoire, et me dire qu’il faut une case de telle forme parce qu’il va se passer telle chose dedans.
Tu passes plus de temps finalement sur cette partie là ?
TL : Pour moi, là c’est vraiment pour moi. J’estime qu’une bande dessinée, ce ne sont pas des beaux dessins, c’est une “belle” narration avec des guillemets sur belle. C’est à dire qu’avant tout on est là pour raconter une histoire, pas pour montrer des beaux dessins. Un tableau, ça raconte des histoires, mais c’est des histoires sur l’émotion. La BD, c’est un petit peu différent. Effectivement le dessin va entrer en jeu quand le lecteur va choisir d’acheter, mais je pars du principe que le lecteur, une fois qu’il est entré dans le dessin, il s’en va. En fait, il oublie le dessin et il lit quelque chose. Si on s’arrête à chaque case, parce qu’on ne comprend pas ce qui se passe, pour moi ce n’est pas possible. Donc, avant toute chose, c’est ce qu’on dit quand on a des étudiants, des stagiaires, c’est la narration, ce qu’on raconte, on est là pour ça. On est des conteurs d’histoires, on n’est pas des dessinateurs. Je suis raconteur d’histoires, mon outil c’est le dessin. Mais si je savais super bien écrire, je ferais l’écriture. Si je savais faire de l’animation, je ferais surement de l’animation. Mais là je me débrouille en dessin, donc c’est pour ça que je vais là-dedans. Dans le média de la bande dessinée, je trouve que c’est une belle forme pour conter les histoires. Mais, avant tout, on est là pour raconter des histoires. La partie la plus importante, c’est le storyboard, la mise en scène. Quand je faisais du théâtre, c’était ça. En fait, je ne cherchais pas forcément à avoir les bons acteurs ou je ne sais quoi, mais je voulais avant tout que l’histoire soit bien racontée, que ça soit limpide pour les personnes. Pour la BD, je pense que c’est pareil, quand on la referme il faut qu’on ait tout compris. On peut tout critiquer, mais il faut que notre proposition soit comprise.
En même temps, il y a tellement de sorties que si la couverture ne donne pas un minimum envie, l’album peut faire un flop alors que c’est un super album…
MLH : C’est aussi pour ça que, sur Pépites, on essaie de soigner les couvertures. Et ça on y passe du temps. Je pense que la couverture de Nevermoor était peut-être le plus gros casse-tête qu’on ait eu. Jusqu’aux derniers instants avant que ça parte chez l’imprimeur, on était encore en train de la retravailler.
TL : Oui, jusque très tard. Ca n’a pas forcément plu encore une fois aux personnes qui vivent avec nous…
MLH : Mais on a voulu vraiment donner ce côté peps, ce côté magie et on ne l’avait pas encore. On tournait autour de quelque chose. Et on a réussi quand même à faire quelque chose qui nous a plu.
TL : Et puis on essaie d’avoir aussi des livres qui soient beaux. Moi, j’aime l’objet livre. C’est aussi important que le reste, le toucher, le caresser. Le toucher est tellement important. Avant même de commencer, la sensation quand on le prend… Pour Nevermoor, c’est l’un des points qu’on changera pour la suite, pour aller plus loin que le livre qu’on a actuellement. C’est vrai que le toucher est hyper important et Pépites donne l’occasion de faire ce genre de choses.
MLH : Il y a très peu d’éditeurs qui le font. Parce que ça coûte quand même. Et ça, on a de la chance justement chez Jungle. Donc du coup, finalement, c’est vraiment donnant donnant. En terme d’exclu, pour le prochain festival qui sera Montreuil, on va faire une jaquette exclusive, on va essayer de jouer avec les lecteurs et lectrices de Nevermoor.
TL : Oui, faire un petit collector.
MLH : On va faire quelque chose, il y aura le collector. Et puis, dans les sorties futures, il y a le tome 2. On essaye d’avoir une cadence qui permette aux lecteurs de ne pas être étouffés justement, mais de ne pas non plus oublier l’œuvre. C’est vraiment le juste milieu. Le but de Pépites n’est pas de faire quinze albums par an mais d’en faire peut-être cinq, mais comme il faut, et respecter les lecteurs.
Combien de tomes sont prévus ?
MLH : On part sur deux tomes de BD pour un tome de roman. Actuellement, il y a trois tomes sortis, donc on a signé pour six tomes.
C’est signé, c’est acté, c’est sûr, ça se fera ?
TL : Ce n’est jamais sûr en BD…
MLH : Mais l’éditeur est très content, la romancière est très contente… Parce que la romancière a toujours son droit de véto. Jusqu’au dernier moment, elle pouvait dire “on ne le sort pas”. Pour la petite histoire, elle est actuellement en train d’écrire la fin de son tome 4, donc elle est dans sa bulle créative et on a eu du mal parce qu’on attendait justement son retour jusqu’à la fin. Elle nous a donné un message qui est vraiment adorable où elle dit “wow, c’est magnifique, je n’aurais jamais cru, allez-y”. Pour nous, c’est génial ! En plus, elle est contente de notre travail. Donc actuellement on part sur six et puis on verra.
C’est déjà super !
TL : Oui, c’est un peu de travail…
MLH : C’est surtout qu’avec Thomas on va faire un album qui s’appelle L’Appel de la forêt.
TL : Forcément, quand Maxe m’a parlé de Pépites, j’ai eu envie de faire des classiques, qui bercent l’enfance, d’essayer de retranscrire ce que gamin j’avais pu ressentir à la lecture de certains livres ou à la vision de certains films ou certains dessins animés. J’ai plein de titres que maintenant j’ai envie de faire.
Sur un titre comme L’Appel de la forêt, il y a déjà eu des adaptations en BD, non ?
MLH : Oui, mais le petit plus de Pépites est qu’on essaie de faire des dessins qui plaisent aux ados et jeunes adultes.
TL : Ca ne sera pas un livre ultra réaliste, adulte. C’est du tout public.
MLH : Il y a eu beaucoup d’adaptations très classiques, ou alors des adaptations libres qui ne respectent pas le roman. On a trouvé le juste milieu sur Pépites et on continue. On a eu beaucoup de demandes sur L’Appel de la forêt, dont Belin d’ailleurs. Donc c’est vraiment notre challenge avec Thomas. Et ce sera notre récréation, certainement, après le tome 2, on se fera une petite parenthèse sur L’Appel de la forêt, pour reprendre ensuite sur le tome 3.
Même s’il y a déjà eu des adaptations, ça ne t’arrête pas…
TL : Par exemple, Scrooge, quand il est sorti, Jose Luis Munuera en a sorti un aussi. On l’a appris très vite au début. J’ai contacté Jose Luis, que je connais très bien, je lui ai montré mes dessins et il m’a montré les siens. D’un commun accord, on s’est dit que ce n’était pas la même chose. Je lui ai dit comment on le traitait puis il m’a expliqué comment il le traitait. Ces deux bouquins peuvent être l’un à côté de l’autre parce que Jose Luis s’adresse à un autre public, à des gens qui aiment la BD, qui sont déjà versés dedans. Nous, avec Pépites, c’est comme ça que je le vois, j’essaie de m’adresser aux gens qui ne lisent pas forcément de la BD. C’est ce que Maxe veut avec cette collection, amener un gamin, une gamine, un ado, un adulte qui ne lit pas de BD à dire “oh tiens, ça a l’air marrant”, feuilleter et se mettre à le lire. Les BD plus classiques ou plus adultes, c’est compliqué de rentrer dedans parce qu’on a déjà l’impression qu’on fait partie d’un clan, de quelque chose de fermé, et c’est super dur d’accessibilité. Je le vois avec ma mère par exemple, elle ne lit absolument jamais de BD. Si je lui donne une BD adulte ou très réaliste, elle va être freinée, ça va vraiment la bloquer. C’est aussi pour ça que les romans graphiques marchent bien aujourd’hui, parce qu’ils traitent des sujets de société et parce que graphiquement c’est plus lâché, ça fait moins élitiste. Moi je pars sur du tout public et j’essaie de faire en sorte qu’un petit puisse le lire, qu’un grand puisse le lire et que chacun trouve du plaisir à lire simplement.
Donc on l’a compris, il y le tome 2 de Nevermoor, puis L’Appel de la forêt, puis retour à Nevermoor. Et il y a encore d’autres projets ensemble après ça ?
MLH : On en a toujours plein. On est en train de créer une liste… Là, on va essayer de se concentrer sur Nevermoor. On veut la récréation de L’Appel de la forêt parce que ça va nous faire du bien, parce que personnellement j’ai eu aussi un rythme assez soutenu, sur Néo par exemple. On sortait deux albums par an, ce qui était très compliqué parce que Djet à un moment a craqué et je ne veux pas renouveler cela. Avoir des petites récréations, c’est bien. On va peut-être partir sur des cycles de deux tomes de Nevermoor plus un autre album à côté.
TL : Mais pas en un an, hein !
MLH : Ah bon ? Tu as lu ton contrat ? (rires)
TL : Non sérieusement, moi je cible toujours trois albums sur deux ans.
MLH : Ce qui est déjà pas mal. Parce que Thomas fait sa couleur.
TL : Oui, et très souvent j’ai aussi d’autres projets à côté. Donc en gros je fais à peu près deux albums par an, mais pour Jungle je leur ai dit que trois albums tous les deux ans, ça peut être envisagé. Après, s’il y avait un gros coup de dingue sur Nevermoor et que ça explose, qu’on nous dise que, pour le bien de l’album, de la série, peut-être qu’on pourrait accélérer, on accélérera. Mais après, accélérer, rattraper les romans, c’est un peu débile. Parce que l’autrice met longtemps à écrire…
MLH : Actuellement, sur le tome 4, elle met beaucoup beaucoup de temps. Et puis il ne faut pas que Thomas soit étouffé par Nevermoor sinon on va perdre son côté plaisir.
TL : J’aime bien faire plein de choses en même temps. Et avec Maxe on a des idées aussi, de plein de trucs. Je travaille avec Séverine Gauthier régulièrement. Et c’est vrai qu’on a aussi des envies, pas tout de suite mais dans le futur, de monter des projets. Bref, j’ai envie de tellement de choses et l’âge passe aussi. La santé doit être préservée.
MLH : On n’est plus tout jeunes.
TL : C’est épuisant, c’est assez stressant malgré tout. Quand on dit ça, je sais que c’est pas comme quelqu’un qui travaille à l’usine. Mais ce sont des métiers stressants, sur certains points, et fatigants sur d’autres points. C’est vrai que maintenant on n’est plus tout jeunes et ça devient de plus en plus étouffant avec des rythmes de dingue.
Quels autres albums y aura-t-il chez Pépites ?
MLH : Pour l’année prochaine, on part sur L’Île du crâne tome 2 qui sortira fin août. Il y a, pour fin septembre-début octobre, Nevermoor tome 2. On est en train de préparer aussi, avec Hélène Canac, Le Magicien d’Oz. Je connais Hélène parce que je travaillais aussi pour Ankama dans l’animation et on s’est connus à cette époque. On s’est toujours dit qu’on allait travailler dans la BD ensemble et on a eu la rencontre sur Le Magicien d’Oz. Donc j’ai hâte ! Puis on a L’Appel de la forêt qui risque d’arriver plutôt en 2025…
TL : Début 2025…
MLH : Peut-être pour Angoulême, c’est à calculer. Et on a peut-être une bonne nouvelle, une exclu pour les 5 ans de Pépites, c’est que Anthony Horowitz va certainement nous écrire une œuvre inédite, suite de L’Île du Crâne. Il faut savoir qu’il avait voulu tout arrêter suite au succès de Harry Potter...
Oui, ça a dû être tellement frustrant pour lui quand même…
MLH : Il peut se le permettre parce qu’il avait des succès ailleurs, mais là il a été regonflé par L’Île du Crâne et il ouvre vraiment son carnet. Donc, si Anthony nous écrit une œuvre inédite, il y aura un tome 3, je pense que ce sera pour 2025 également. Septembre-octobre 2025 si tout va bien.
Pour les romans contemporains, tu prends contact systématiquement avec l’écrivain?
MLH : Oui, j’essaie de pousser un peu les agents pour avoir l’adresse directement, ce qui s’est passé avec Jean-Claude Mourlevat finalement. Je lui ai envoyé un petit mail et il m’a dit “voici mon numéro de téléphone, tu m’appelles”. Je l’ai appelé, on a eu un ping-pong et j’ai vite vu qu’il était angoissé au départ. Il m’a dit “Mais qu’est ce que vous allez faire avec La Rivière à l’envers ?” Lorsqu’il a vu les dessins, les premières pages, là il a dit “je vous fais confiance, allez-y”. En général, j’aime beaucoup échanger. Je ne veux pas les trahir. Et c’est normal de les voir aussi investis dans l’œuvre parce que du coup ils sont contents du résultat et ils font la promo également, ils peuvent le dédicacer. La meilleure récompense que j’ai pu avoir, c’est de voir Jean-Claude Mourlevat dédicacer La Rivière à l’envers, ça voulait dire qu’il était content, qu’il approuvait complètement. Là, on a hâte que la romancière vienne d’Australie, normalement c’est prévu. Pour son tome 4, il y aura une tournée en Europe, dont la France, et on a hâte de la rencontrer et de dédicacer à ses côtés parce que ça va être génial !
TL : Surtout avec mon accent anglais.
Merci beaucoup Maxe et Thomas pour cet échange très sympathique !
Propos recueillis par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 28 octobre 2023
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