
Ludwig Alizon nous avait déjà beaucoup amusés en dynamitant les codes de l’heroic fantasy à travers la série humoristique Barbeük et Biaphynn avec son complice Cédric Le Roy, et sa participation à Ogres a monté d’un cran sa maîtrise du genre dans un style un peu plus réaliste. Sa venue au Salon du Livre de Paris nous a permis de le rencontrer et de constater que le dessinateur projetait de retourner à un format de gags qu’il affectionne et lui permet de s’éclater graphiquement.
Bonjour Ludwig ! Voici donc enfin la conclusion d’Ogres ?
Oui, il faut bien que les choses se finissent. Je pense que trois tomes, c’est bien. En terme de durée, ça me paraît déjà pas mal. Plus, ça aurait été trop, on tombe dans des séries à rallonge qui peuvent décevoir.
Est-ce que tu t’es fait plaisir sur cette série ?
Moi, quand je dessine, je me fais toujours plaisir ! (rires) J’ai pu tester quelque chose de moins cartoon. A l’avenir, je vais quand même essayer de revenir sur quelque chose de plus cartoon, mais c’était très agréable à faire.
Le style plus humoristique te convient mieux, c’est pour ça que tu as proposé quelques idées ?
Oui, j’y prends un peu plus de plaisir. Ogres m’a permis de me rendre compte que je voulais souvent aller à un trait plus stylisé. Même si dans l’heroic fantasy, on ne recherche pas spécialement la crédibilité dans les situations, sinon on aurait vite des problèmes avec les bateaux volants, la magie… Mon argument pour imposer des bustiers aux héroïnes, c’est aussi qu’à l’époque des Spartiates ou des Romains, ils combattaient en jupes et en sandales et ils n’étaient pas pour autant délicats sur les champs de bataille. Ce n’était pas vraiment une volonté d’aller vers ça mais, dans les designs que je proposais, ça me plaisait bien. C’est juste que je « milite » pour qu’on n’aille pas vers une crédibilité à toute épreuve dans ce type de récit. Je pense même qu’on y perdrait quelque chose.
Tu étais donc assez libre pour faire ces propositions ?
Je soumettais en fonction du scénario et les scénaristes disposaient de ça en fonction de ce qu’ils voulaient faire ensuite. Après, j’aurais aimé aller vers quelque chose d’encore plus cartoon mais ce n’est pas vraiment ce qu’ils souhaitaient au lancement du projet. Ceci dit, on est arrivé à un univers entre mon style à moi qui serait plus stylisé que ça encore et leurs attentes. C’est une aventure qui a un souffle et un ton assez décalé qui tord le cou à certains contes classiques. C’était rigolo à faire et il fallait que ce soit aussi amusant à lire.
C’est une des dernières séries – en dehors des mondes de Troy – à posséder cet « esprit Soleil » de fantasy déjantée.
Peut-être, mais j’avoue que je ne connais pas assez le catalogue pour le dire, même si je sais qu’il y a pas mal de séries de fantasy. Peut-être aussi qu’il y a maintenant tellement de choix et de lecteurs du genre qu’on ne passe plus par ce décalage humoristique. On garde probablement un angle plus direct qui plaît à certaines personnes qui vivent ces univers-là pleinement et qui n’ont pas besoin qu’on leur apporte de l’humour ou de la dérision en plus. Pour Ogres, on voulait que ce ne soit pas totalement sérieux, bien qu’il y ait une structure et une histoire bien racontée qui a son intérêt. Mais c’est truffé de clins d’œil et de petites blagues.
Où en es-tu de la suite à donner à ton travail ?
J’ai terminé cet album à la fin de l’année 2014. En ce moment, on monte des dossiers sur de nouveaux projets, davantage gags et cartoon que ça. J’avais pris beaucoup de plaisir à faire Barbeük et Biaphynn, qu’on n’a pas pu continuer. On me dit souvent que c’est dommage d’avoir dû arrêter… Mais ça fait partie de problèmes actuels, on n’a pas été énormément défendu par l’éditeur, ça n’a pas trouvé son public. C’est une alchimie qui n’est pas toujours facile à obtenir. Pourtant, des lecteurs continuent à découvrir la série alors qu’elle n’est plus disponible et que c’est très compliqué de trouver les deux tomes car ils ne sont pas réédités. Hélas, ça fait partie du jeu de l’édition.
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Malgré cela, tu veux retourner vers ce style ?
Oui, parce que ce ne sera pas forcément avec le même éditeur, certains sont peut-être plus à même de vendre ce type de parution parce que leur lectorat est plus apte à recevoir ce style de BD. Un projet notamment est scénarisé par Dav, qui lui aussi aime beaucoup faire de la blague.
Y a-t-il une petite ouverture chez Bamboo ?
Ça reste de l’heroic fantasy, alors Bamboo… je pense que c’est quelque chose qui ne leur correspond pas beaucoup. Ce sera sans doute chez un autre éditeur. Ce sera aussi beaucoup plus enfantin, pour un public plus jeune qu’avec Barbeük et Biaphynn où on avait des clins d’œil lourdement appuyés vers des choses plus adultes ! (rires) Dav sait faire des projets jeunesse sans que ce soit neuneu, j’aime bien son petit côté méchant. Il modernise ce qu’on peut trouver généralement. Mais on verra, car ce n’est pour l’instant qu’en discussion.
Pas question de revenir vers du réaliste ou de la SF comme lors de ta participation à Travis ?
C’était vraiment mes débuts et on ne pouvait pas partir sur du cartoon avec Travis. Il y avait bien des possibilités sur les histoires courtes parus chez Série B, quelques trucs très cartoon avaient été apportés et ça fonctionnait bien, mais le ton de la série ne s’y prêtait pas. Moi je débutais, j’ai donc essayé de faire avec mes armes du moment. Mais plus ça va, plus j’essaie d’affirmer mes propres goûts. Mon envie actuelle est vraiment de styliser les choses, pas de chercher le réalisme. Quand je lis des BD, ce n’est pas ce qui me plaît graphiquement.
Pour découvrir ton style, il y a aussi un artbook chez Trinquette (NDR: disponible via son blog) ?
Oui, c’est un album de pin-ups qui a été sympa à préparer. A la base, ce sont des illustrations que je postais régulièrement sur Facebook, et j’ai été contacté par un éditeur qui a voulu les rassembler dans un livre. L’occasion était trop belle, en plus c’est un très bel objet.
Merci beaucoup, bonne chance pour tes futurs projets !
Propos recueillis par Arnaud Gueury
Interview réalisée le 21 mars 2015.
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