Après une première expérience sur un album des Nouvelles aventures du Petit Prince où elle était chargée de dessiner les personnages, Communardes ! – Les éléphants rouges est véritablement le premier album à mettre au crédit de Lucy Mazel. Présente au festival Quai des Bulles de Saint-Malo, nous avons saisi l’occasion pour revenir sur sa collaboration avec Wilfrid Lupano. Rencontre.
Bonjour Lucy, tout d’abord j’aimerais que tu nous parles de ta collaboration avec Wilfrid Lupano sur Communardes ! Comment as-tu rejoint le projet ?
Je suis entrée en contact avec Wilfrid via Facebook, je cherchais un scénariste et des copains m’ont conseillé Wilfrid car il est sympa et cool. J’y suis allée au culot, en sachant que je n’avais rien lu de lui, et j’ai tendance à faire confiance à mes amis donc je me suis lancée. Wilfrid m’a par la suite proposé de travailler sur Communardes !.
La Commune de Paris c’est un sujet/une époque qui t’intéressait de dessiner ?
C’est un sujet tellement survolé en cours d’Histoire que je n’en connaissais quasiment que le nom. La Commune de Paris je l’ai découverte avec Wilfrid quand il m’a proposé le projet et ce qui m’a beaucoup plu c’était les dialogues. Quand quelque chose me plaît je ne me pose pas trop de questions et je vois après ce qui se passe. Contrairement à Anthony Jean qui a beaucoup travaillé les décors, j’ai préféré me concentrer plus sur l’humain que le décor qui n’est là que pour servir l’histoire.
Wilfrid Lupano t’a-t-il guidé au niveau de la documentation pour tout ce qui concerne les décors et habits d’époque ?
Quand on a vraiment commencé le projet, il m’a passé une banque d’images et m’a conseillé de lire des livres sur la Commune. Ensuite j’ai pris de la documentation là où je pouvais en trouver, essentiellement via internet et des livres de photographes. J’ai utilisé beaucoup de documentation de 1900 parce qu’en 1870 la photographie n’en était encore qu’à ses prémices il me semble et les peintres de l’époque n’ont montré que quelques scènes ce qui ne permet pas de réaliser un album complet. J’ai donc utilisé des photos de rues et ruelles de Paris datant de 1900 parce que ça n’a pas forcément beaucoup changé. J’avais peur de me tromper mais je me suis vraiment concentrée sur cette époque en ce qui concerne les décors mais également les habits puisque la mode n’a pas évolué tant que ça. J’ai aussi regardé beaucoup de films pour m’aider et j’ai laissé travailler mon imagination vis-à-vis de toute cette documentation. Pour la petite histoire, Victorine change d’habit dans l’album, au début elle a une robe avec un tablier, tout ce qu’il y a de plus classique, et quand elle devient chef de bande je me suis dit qu’il fallait qu’elle ait un pantalon, finalement je lui ai mis une salopette. Je me suis quand même renseignée pour savoir si ça existait déjà et effectivement ça a été créé à Lyon 1850.
Sur ton blog l’essentiel de tes illustrations représentent des femmes, réaliser un album mettant en scène un personnage principal féministe sonne donc comme une évidence ?
Je ne me suis pas posée la question, c’est que dans le travail quand il y a quelque chose qui me plaît même si c’est un tout petit détail je vais y aller. Je ne voulais pas faire de BD avant et les dialogues écrits par Wilfrid m’ont beaucoup plus et on eu l’effet d’un déclic. La Commune est un sujet qui peut faire peur puisque c’est historique même si l’album sur lequel j’ai travaillé est un peu plus romancé. J’ai tellement aimé les dialogues que je voyais tout de suite les images, je voyais les pages, les personnages et je ne me suis pas posée la question.
Et maintenant que tu as dessiné ta première BD, cela te donne envie de poursuivre dans cette voie ?
Tout à fait, je vais continuer en bande dessinée. Je fonctionne beaucoup au feeling avec le scénariste avec qui je vais travailler ainsi que l’histoire qu’il me propose, il faut qu’il y ait un truc qui m’accroche forcément. Je ne veux pas faire un projet juste parce que c’est un tel ou un tel et qu’il est super connu, ça je m’en fiche. L’important est que l’on s’entende bien car on est un peu comme un couple donc autant que le courant passe bien. J’aime les tranches de vie et raconter quelque chose et pas forcément des batailles, du sang, des zombies, pour ça je vais au cinéma.
Que retiens-tu de ta collaboration avec Wilfrid Lupano ?
Déjà ma collaboration avec lui m’a fait comprendre plein de choses en BD parce qu’avant je ne souhaitais vraiment pas en faire. Finir un album était donc un défi, j’aime bien me lancer des challenges. Grâce à Wilfrid j’ai appris la patience ainsi qu’à faire des décors. En effet avant Communardes ! je ne dessinais pas de décors, je n’utilisais pas Photoshop, j’ai tout appris avec cet album. Wilfrid a été très diplomate, il a trouvé les mots justes et il avait forcément toujours raison, c’est d’ailleurs très énervant (rires). Au final c’était une super expérience qui m’a permis de surpasser ma peur de la BD car c’est un travail de longue haleine et cela ne m’encourageait pas vraiment à me lancer auparavant. Le fait de raconter quelque chose de vrai, qui peut toucher les gens et de m’être beaucoup attachée aux personnages tout en ayant vécu cette collaboration géniale, cela me donne envie d’en refaire plein.
Cela te donne envie de renouveler l’expérience sur un autre album ou série avec lui ?
Oui nous avons envie de retravailler ensemble mais pas dans l’immédiat puisque je suis déjà partie sur un autre projet. On s’entend bien et on veut prendre le temps de faire quelque chose de bien, ce sera dans deux ans, dans trois ans mais ça se fera.
Dans ta biographie, j’ai lu que tu privilégiais les techniques traditionnelles mais que tu maîtrisais également les techniques numériques. Quelle a été ta façon de travailler sur Communardes ! ?
Du fait que je vienne du milieu de l’illustration j’ai travaillé sur grand format et plus précisément au format raisin. Travailler des petites cases d’un coup ça me faisait peur au démarrage mais j’ai réduit le format au fur et à mesure que j’ai avancé sur l’album vu que je me sentais plus à l’aise et que je connaissais bien mes personnages. Au niveau de la technique je n’ai pas souhaité faire du 100% Photoshop parce que personnellement je trouve cela un peu trop froid donc j’ai travaillé beaucoup au crayon et la couleur sous Photoshop. En ce qui concerne la couverture elle a été réalisée à 90% de manière traditionnelle, il n’y a que le drapeau et les couleurs qui sont réalisés sous Photoshop. Idem pour la quatrième de couverture, j’ai réalisé le dessin au stylo Bic, cela permet d’obtenir des dégradés comme au crayon avec un encrage que je peux gommer derrière. Habituellement, la technique que j’ai c’est que je fais un bleu et je fais l’encrage avec le même crayon donc je ne peux pas gommer ce qui est dessous. Pour mon prochain album au niveau de la technique traditionnelle je vais faire l’encrage au Bic comme j’ai fait là en gardant le même style et je vais faire une partie de la couleur à l’aquarelle, j’utiliserais Photoshop pour les ambiances que je ne maîtrise pas totalement. J’aime bien ne jamais faire la même chose techniquement parlant mais rester visuellement sur le même rendu.
Tu nous as annoncé avoir un nouveau projet, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Je travaille avec Cédric Mayen sur un album qui sera édité chez Vents d’Ouest et qui s’appellera Edelweiss. Il s’agira d’une tranche de vie, un peu comme Communardes ! J’aime bien raconter des choses qui peuvent toucher les gens. Je le commence tout juste, je dois finir les planches pour 2017. Sinon j’ai préparé également un portfolio qui va sortir prochainement chez les Sculpteurs de Bulles et qui s’intitule Rouquines.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 23 octobre 2015.
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