
Loui © La Ribambulle 2025
Avec la sortie il y a quelques jours du deuxième tome de RedFlower et la venue de Loui au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême avec les éditions Glénat et avec son propre stand pour sa maison d’auto-édition, nous avons profité d’un petit moment pour lui poser quelques questions dans son weekend déjà bien chargé.

Loui © 2025 La Ribambulle
Bonjour Loui, merci d’avoir accepté cette interview. Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
En quelques mots, moi c’est Loui, dessinateur de manga, j’aime bien le mot conteur aussi, j’adore raconter des histoires. Ça fait cinq ans que je me suis lancé dans le manga, d’abord en auto-édition avec une série en 2 tomes, RedFlower Stories, des histoires courtes inspirées de contes et légendes de mon enfance. Et puis plus récemment aux éditions Glénat avec RedFlower, un conte initiatique au fond de la jungle avec toute mon enfance, tout mon vécu, qui est prévu en cinq tomes.
Comment s’est passée ton arrivée chez Glénat ? Est-ce que c’est toi qui as démarché des maisons d’édition ou est-ce que Glénat est tombé sur ce que tu avais fait et t’as démarché ?
On s’est un peu loupé à l’époque où je commençais à vouloir faire un projet plus ambitieux et forcément peut-être un peu plus long. Il y a plusieurs éditeurs qui se sont manifestés, dont Glénat, peut-être qu’ils avaient vu mon travail sur les réseaux, je ne sais pas trop comment les gens découvrent ce que je fais. Mais ils étaient intéressés, on avait commencé à en parler en 2019 et malheureusement le confinement est arrivé. Donc, ne voulant pas rester sans rien faire, j’avais enchaîné avec un deuxième tome de RedFlower Stories en financement participatif. Ce qui fait que quand Glénat est revenu vers moi à la sortie du confinement, je n’étais plus dispo, mais finalement j’ai pu retourner vers eux à la fin. Je leur ai renvoyé un dossier mis à jour pour leur dire un petit peu comment le projet avait évolué. Ils étaient toujours partants. Ils ont pris cinq tomes d’un coup et j’ai carte blanche pour l’univers parce que RedFlower n’est pas une réédition de mes Stories, c’est la suite. C’est une nouvelle histoire avec tous les mêmes personnages, mais qui est cette fois-ci sur cinq tomes plutôt que des histoires courtes en un chapitre.
Tu disais que c’est des histoires de ton enfance. Tu es originaire d’où ?
J’ai grandi au Ghana. J’ai passé une vingtaine d’années en Afrique de l’Ouest, donc Togo, Ghana. Et en fait, ça va être les contes que m’ont raconté mes grands-parents, des choses que moi-même j’ai vécues parce que j’ai mis beaucoup d’arts martiaux que j’ai pratiqués. J’ai mis la jungle que j’ai côtoyée, j’ai mis les baobabs géants, j’ai mis les proverbes africains, j’ai mis les sorciers vaudous. Tout ça, c’est des choses que j’ai vues et vécues. Mais il y a aussi des personnages que j’ai empruntés au folklore, qui ne m’appartiennent pas, mais que je fais jouer dans mes histoires, comme Anansi l’araignée. Ce n’est pas le mien, en fait il existe déjà. Grand-mère, c’est ma grand-mère. Aïcha, c’est ma petite sœur. Le roi Osei, c’est mon père, etc. Puis on retrouve des symboles, des motifs, des tissus, des graphismes d’Afrique de l’Ouest, même si, au final, RedFlower est quand même un univers imaginaire.
Il ne s’agit pas une vraie ethnie donc, c’est inventé ?
Le peuple Bao’ré, c’est un peuple imaginaire.
Quand on lit le manga, on pourrait presque croire que c’est un vrai peuple, avec les petites pages descriptives…
C’est un peu le jeu, en fait. Il y a un mix. Il y a un mix des deux et c’est mon jeu avec le lecteur, parce que du coup il y a une bonne dose de vrai, mais il y a une bonne dose d ‘imaginaire aussi. Et donc, à ceux qui sont intéressés, c’est à eux d’aller voir et de s’intéresser un peu à la culture et de voir ce qui est vrai, ce qui est faux et de faire le tri.
Ton histoire tient en cinq tomes, mais est-ce que, éventuellement, si ça fonctionne, tu as possibilité de continuer ou tu voudras passer à un autre projet ?
J’ai écrit l’histoire en cinq tomes. Je n’ai pas envie de continuer. Je suis arrivé au manga très tard, donc avec déjà beaucoup de recul, beaucoup de vécu et une des choses qui m’a frustré très vite, ce sont des histoires qui, à mon sens, ne finissaient pas quand elles auraient dû finir. Je construis mon projet un peu à contre-coup de ce que j’ai pu constater en tant que lecteur et pour plusieurs raisons. Le rythme de parution en France n’étant pas celui du Japon, si je voulais faire les 100 tomes de One Piece, ça me prendrait 100 ans, donc je préfère faire une histoire bien chargée, bien garnie. Cinq tomes, c’est ambitieux mais raisonnable.
Donc tu as depuis le départ le début et la fin. Mais tu travailles quand même chaque tome séparément, il y a des petites choses qui se modifient en cours de route ?
Exactement, j’ai ma trame narrative, j’ai les grandes lignes de l’histoire, j’ai les scènes clés que j’imagine mais je me laisse une marge de manœuvre. Parce que je suis inspiré au quotidien de nouvelles choses qui vont forcément faire évoluer le récit. Donc les cinq tomes ne sont pas prévus à la case près. L’avantage d’avoir fait les Stories avant qui ont bien marché à mon échelle, c’est que, si jamais il y a un personnage qui est bien aimé des lecteurs, ce qui est déjà le cas, je peux lui raconter une histoire supplémentaire plus tard dans un format que les lecteurs connaissent déjà. Sortir un tome 3 de RedFlower Stories, c’est déjà quelque chose qu’on me demande donc ça me permet de rester concentré sur mon récit sans me frustrer et me dire « ah j’ai pas pu raconter ça, c’est dommage. »
On va partir du principe que les gens qui liront l’interview auront lu les deux tomes de RedFlower, même si on ne dira pas tout du deuxième qui vient de sortir. A la fin du premier, il y a un gros cliffhanger avec l’arrivée de l’étrangère. C’était volontaire parce que tu as beaucoup de choses à raconter ?
Là, pour le coup, c’est clairement parce que j’ai cinq tomes donc pour moi c’est un apprentissage en fait, j’apprends à raconter. Donc je suis frustré aussi parce que j’aurais aimé qu’elle passe plus de temps avec les villageois. Il y a des thèmes que je voulais développer avec plusieurs scènes qu’au final je n’ai pas pu mettre dans l’intérêt d’aller un peu plus vite en fait. Donc là, oui ça m’a presque fait regretter de m’imposer les cinq tomes vu l’ampleur qu’a pris la série dès le tome 1 avec la sélection pour le prix jeunesse, etc. Je me suis dit « zut, je suis peut-être passé à côté de quelque chose, j’aurais peut-être du tenter en dix tomes ». Mais je me dis que non, le projet je l’ai construit, il ne faut pas que j’oublie pourquoi j’ai construit ce projet. C’est pour apprendre à raconter sur cinq tomes donc, si les lecteurs sont frustrés, je ferai des petits compléments par-ci par-là mais j’apprends à vraiment caser toute mon histoire en cinq tomes.
Ce n’est pas non plus une grosse frustration, on s’attendait à ce qu’elle y passe plus de temps mais en même temps ça permet aussi d’avoir un rythme qui est vraiment très soutenu. L’attente a été assez longue entre les deux tomes, peux-tu nous dire pourquoi ?
Alors j’ai eu un ralentissement dû à la santé qui n’avait pas un lien avec le dessin, c’était un problème articulaire lié à l’alimentation. Du coup, c’est la découverte de ce que c’est que le rythme d’un mangaka, quelles vont être les conséquences d’un point de vue santé en fait… le sommeil, bien entretenir le sport, les longues journées de 16 heures de dessin par jour sur la fin pour vraiment boucler le tome et tout. Donc le tome 2 a subi des retards, c’est l’apprentissage, encore une fois… ce que je fais sur ce tome, c’est comment m’organiser mieux pour le 3, comment gérer la charge dédicace parce que l’année dernière j’ai fait 71 festivals de BD, plus d’un par week-end…
Non seulement tu as du travail pour faire le tome mais en plus ça rajoute énormément !
Exactement, mais c’est moi qui l’ai voulu et c’est moi qui ai envie de rendre au lecteur ce qu’il me donne puisque je viens de l’auto-édition, donc j’ai beaucoup de mal à lâcher ce côté festival pour promouvoir mon œuvre. Donc voilà, le 2 a été ralenti à cause de ça mais on est en train de mettre en place des choses pour que ça soit différent sur le 3, c’est un apprentissage comme ça.
Tu travailles tout seul ?
Tout seul.
En France généralement c’est ça mais au Japon ce n’est pas le cas…
Ouais, c’est le rythme de parution, j’ai un pote qui m’a prêté main forte sur la fin du 2 pour me faire le remplissage bête et méchant des trames qui me prenaient quand même assez de temps mais sinon je dessine et j’écris seul.
En temps normal, tu estimes à combien de temps pour faire un tome ?
2400 heures de travail. C’est du 10 heures par planche, 240 pages et ça, ça ne compte pas le temps passé dans les échanges avec Glénat sur des trucs de maquettes, des discussions pour la promotion, je ne compte même pas mes heures dans les mails en fait, c’est la pure création.
Est-ce qu’il y a des choses que Glénat t’a demandé de modifier ? Est-ce qu’ils sont intervenus ou est-ce que vraiment tu as été libre de faire ce que tu voulais ?
Non, on m’a suggéré des idées et quand c’est bon je prends parce que je ne suis pas fermé aux bonnes idées. Donc une des choses que j’ai fait avec Glénat c’est que j’ai rajeuni mon personnage principal. Entre le moment où j’étais en auto-édition et le moment où je suis passé chez Glénat, le personnage vient plus jeune parce qu’ils n’étaient pas les seuls à me le faire remarquer. J’ai eu le retour de plusieurs lecteurs et d’autres éditeurs aussi, qu’en fait on sentirait mieux la relation entre lui et son grand frère, elle serait plus touchante pour le lecteur s’il était plus jeune. Parce que dans mes histoires, il est un peu plus âgé et donc on sent moins ce côté garçon qui veut prouver sa valeur, c’est plus un jeune adulte qui est un peu chiant au final. Donc voilà, ça c’était une des suggestions. Et puis après Benoît, mon éditeur, m’aide un petit peu au niveau des dialogues des fois, j’ai des maladresses au niveau du français parce que ce n’est pas ma langue natale non plus, donc des fois voilà, il s’assure de savoir « est-ce que ça c’est vraiment une particularité que tu voulais parce que ta tribu parle dans un espèce de dialecte un peu africanisé, ou est-ce que c’est toi qui t’es trompé ? »
Juste des petites interventions…
C’est ça. Puis après, même moi, dans la façon dont je fonctionne en fait, je réfléchis à l’oral, donc pour avancer mon scénario, je vais en parler à quelqu’un. Donc souvent j’ai un pote chez qui je vais, on prend le café, je lui balance mes idées et en lui balançant les idées, j’ai d’autres idées et je le fais aussi avec Benoît. Benoît aussi des fois me renvoie des messages, « ah et si dans ton tome 3 tu faisais ça ? » Des fois c’est bon à prendre, des fois je lui dis non. Et puis voilà.
C’est chouette comme échange, ça doit être plus facile de travailler comme ça.
C’est très sain et je pense que ça a été mis en place parce que j’étais tellement habitué à l’auto-édition que forcément il y avait déjà un lectorat, il y avait déjà une communauté basée, il y avait déjà quelque part la preuve que ces histoires marchaient et que ma narration était efficace et ainsi de suite. Donc je pense qu’ils me font confiance aussi, ils n’ont pas à s’inquiéter. Même si à la fin du tome 1 ils auraient pu se dire « mais attends, mais il va où ? ». Ils se sont dit « non, non, il a l’air de savoir ».
C’est vrai qu’à la fin du tome 1 effectivement, je pense que le lecteur qui ne connaît pas du tout est très surpris !
Mais les lecteurs qui me connaissaient depuis l’auto-édition ont été encore plus choqués, parce qu’eux ça faisait trois tomes qu’ils me connaissaient et il y en a beaucoup qui m’ont dit « mais attends, c’est Glénat qui t’a demandé de mettre ça à la fin ? »
L’arrivée d’Heidi n’est vraiment que pour RedFlower, ça n’apparaît pas du tout dans les Stories ?
Oui, ça arrive chez Glénat ! Donc ils étaient vraiment choqués pour le coup.
Comme tu fais beaucoup de festivals, les gens reviennent te voir. Mis à part ce choc-là, ils t’ont dit quoi sur l’arrivée chez Glénat, le fait que justement tu aies rajeuni le personnage, etc ?
Il y en a beaucoup qui étaient très contents pour moi, c’était drôle de voir à quel point être chez un éditeur reconnu change la perception de mon travail dans le sens où on me disait « ah finalement dans la cour des grands, c’est sérieux maintenant… » Mais moi j’ai toujours trouvé que mon travail était sérieux, même en auto-édition. J’essaie de faire les choses bien, mais c’est vrai qu’au niveau du lectorat, avoir le tampon Glénat donne beaucoup de visibilité et de légitimité au travail. Puis après il y a eu la sélection pour le Prix jeunesse à Angoulême, donc ça aide forcément la visibilité. Ça ce sont des choses que je n’aurais pas pu faire en tant qu’indépendant, donc forcément ça a changé la perception de mon travail, et j’ai eu beaucoup plus d’intérêt. Ils disent « ah mais c ‘est quelqu’un de très sérieux, il est chez Glénat, » et donc ça c’était très cool. Mais pour les lecteurs qui me connaissaient d’avant, rien n’a changé, je raconte toujours comme j’ai raconté, et c’est juste que maintenant il y a plus de gens qui vont facilement s’intéresser à mon travail. Parce que le format a changé, mes auto-éditions sont en A5. Il y avait toujours la question de « est-ce que c’est un vrai manga, ou est-ce que c’est un roman graphique, ou un truc indé ? » Chez Glénat, on a vraiment cette reconnaissance beaucoup plus facile d’un manga sérieux entre guillemets.
C’est le premier ou un des premiers mangas avec des personnages africains. Est-ce que tu te rends compte que ton lectorat est plus justement d’origine africaine parce qu’ils se reconnaissent, ou est-ce que tu as vraiment de tout et les gens sont curieux quoi qu’il arrive ?
Alors oui, si ce n’est pas le premier manga sur l’Afrique ou africain, dans le sens où je suis sûr que quelqu’un a déjà fait une histoire sur l’Afrique en manga, ça va être vraiment la première fois qu’on voit dans une grosse maison comme Glénat un récit centré sur l’Afrique, qu’on appelle Afrofantasy, avec au cœur de l’histoire les contes, les légendes, la culture, les proverbes de mon enfance en Afrique de l’Ouest. Par rapport à mes lecteurs, forcément il y a un gros engouement d’une communauté qui va essayer de renouer avec des racines, il y a une grande partie de mes lecteurs qui adorent ce côté culturel, ce côté héritage, ce côté représentation, malgré le fait que les personnages ne sont pas noirs noirs, et que ce sont des personnages qui sont à mon image, donc métisses. On y trouve quand même les valeurs les plus importantes et celles de culture. La deuxième partie de mon lectorat va être à la découverte d’une culture qui n’est pas la leur, ils sont très friands de ces histoires qu’on ne connaît pas en France, en Occident. Ce n’est pas un blâme, parce qu’en fait la culture africaine est largement orale, et personne n’a pris le temps de l’écrire. Aujourd’hui il y a des bouquins, de plus en plus, mais on ne les connaît pas forcément. Donc il y a des deux, mais c’est entièrement positif. J’ai eu une conversation intéressante avec Michel Ocelot, le réalisateur de Kirikou, qui m’a dit que les personnages ne sont pas noirs, ce n’est pas l’Afrique, et moi le discours que je lui ai tenu c’est que, pour moi, être noir ce n’est pas suffisant pour être africain, c’est une question de valeurs, de culture, d’idées, de plein de choses.
C’est marrant cette réflexion là…
Oui, c’était drôle, il y a un petit podcast qui pourrait t’intéresser si jamais sur mes réseaux on l’a partagé, une petite conversation entre lui et moi. Mais c’est un sujet qui revient, et je t’avoue que c’est un sujet que je ne pensais pas traiter, ou en tout cas pas directement au début, parce que moi j’ai toujours fait ce qui m’intéresse. Moi, je suis issu de métissage, donc forcément multiculturel, et la couleur de peau m’a très rarement intéressé de par mon enfance, mais d’avoir cette attente projetée sur moi de la part des lecteurs, au début je le vivais un peu avec appréhension, en mode ce n’est pas du tout mon sujet. Et après j’ai compris à quel point c’était important pour les autres aussi de se voir refléter. Les cheveux crépus de Aïcha, ça a plu à beaucoup de petites filles, les dreads, les personnages avec des teints de peau différentes, j’ai compris que c’était important, et donc aujourd’hui je le reçois avec beaucoup plus de gratitude qu’à l’époque où je disais « mais pourquoi vous mettez ça sur mon travail, moi j’ai juste envie de faire ce qui me plaît quoi ».
Même si ce n’était pas ton but au départ, finalement les gens s’identifient à tes personnages !
Moi je ne m’étais jamais posé la question, mais ça m’a amené à réfléchir sur la question de la représentation et son importance, d’où la conversation avec monsieur Ocelot sur Kirikou.
As-tu déjà commencé le tome 3 ?
Non. En fait, je suis un des premiers auteurs français en manga à refuser de faire du frigo en fait.

RedFlower © 2025 Loui / Éditions Glénat
C’est vrai que ça se fait beaucoup en France…
J’ai refusé directement, je me la suis jouée un peu à la Kéli en fait, jeune débutant qui débarque mais qui est impétueux et qui impose sa façon de bosser, je refuse de faire du frigo.
Pourquoi ?
Psychologiquement, je ne suis pas un auteur casanier, je ne suis pas du tout quelqu’un qui peut bosser seul pendant des mois sans contact avec les lecteurs. J’ai besoin de ma communauté pour avancer, parce que j’adore l’échange, ça me motive de savoir pour qui je raconte, pour moi qui vient de la culture orale d’Afrique où une histoire ne se raconte jamais seul en fait, on a un public, on appelle le public, le public répond. Et donc je ne peux pas écrire seul. J’ai aussi vu beaucoup de mes collègues faire trois tomes pendant trois ans tout seul, lancer la série vite vite… tome 1, tome 2, tome 3, et faire un échec commercial. J’ai dit à ces gens-là, qu’il y avait des erreurs dans le tome 1 et que si ils avaient attendu d’avoir le retour des lecteurs, ils auraient pu les corriger dans le 2 et potentiellement sauver la série. Mais là ils font les mêmes erreurs sur les trois tomes, à un moment je trouve ça assez bête.
C’est l’inconvénient du frigo, après ça a des avantages pour le lectorat parce que ça arrive plus vite, donc les gens peuvent plus facilement suivre…
Moi je trouve que non parce que, quand une série est bien accompagnée, les lecteurs sont patients, ils savent que les Français ne sont pas aussi rapides, ils nous attendent, ils sont généralement assez compréhensifs.
Tous les lecteurs de manga ne lisent pas de la BD, mais dans la BD on a un an d’attente entre chaque album, c’est quelque chose qui est connu quand même…
Les éditeurs vont le justifier par le fait que si on ne sort pas un tome tous les trois mois, les gens vont oublier, mais je trouve que non. La preuve, en auto-édition on a un lectorat qui nous suit. Moi je trouve que vraiment c’est un faux calcul de leur part et ça rend les séries moins fortes. Parce que le tome 2 a tellement changé comparé à ce que j’ai écrit il y a trois ans, suite au retour des lecteurs, et le tome 3, aujourd’hui j’ai des idées, en toute humilité, que je trouve incroyables, qui me sont venues grâce à toutes les conventions que j’ai faites entre-temps. Si j’étais resté chez moi, les trois tomes auraient été la somme totale de qui j’étais il y a trois ans, et je n’aurais pas du tout évolué. Là chaque tome évolue de manière assez remarquable, et donc moi je ne fais pas de frigo, je refuse, et puis après le lectorat a l’air de me suivre, et la contrepartie du coup est de faire une série courte.
Tu ne travailles actuellement que sur RedFlower ou tu as le temps de faire un peu autre chose, en auto-édition ?
Mon auto-édition prend beaucoup de temps, parce que je suis à la gestion de mon entreprise. Ma maison d’édition est indépendante, j’ai mes lecteurs, j’ai un auteur pour l’instant avec qui je bosse, sur un petit spin-off qu’on a fait sur le personnage du roi. Donc je suis à la logistique, je boucle les salons, j’organise les transports, je gère la distribution, les impressions, la compta, je fais tout, en plus de faire le tome chez Glénat. Donc ça me prend déjà tout mon temps, plus les 60 salons par an pour moi et 20 ou 30 salons pour mes équipes par ci par là, donc c’est déjà pas mal de travail. Pour la suite, je vais continuer d’écrire des scénarios pour des histoires courtes, avec lesquelles je me mettrai en partenariat avec d’autres artistes, j’ai envie de collaborer, j’ai envie de bosser avec d’autres gens qui vont pouvoir m’aider à élargir l’univers, je resterai toujours au scénario et à l’écriture parce que c’est ça qui me tient à cœur, c’est ma vraie passion. Par contre, le dessin… dès que je trouve quelqu’un dont j’aime le style, qui n’est pas forcément le mien, je ne leur demande pas de s’adapter à ce que je fais moi, mais qui m’aiderait à exprimer un autre côté de l’univers… C’est ce que j’ai fait avec Piko, le jeune artiste avec qui je bosse, avec beaucoup de succès. Cette histoire a beaucoup plu, donc ça va être ça plutôt la suite du projet en parallèle. Pour l’instant, je me concentre sur RedFlower, jusqu’à la fin des cinq tomes et après j’ai d’autres idées.
Tu travailles en numérique ?
Oui.
Et tu t’organises comment ? Tu fais d’abord un storyboard et ensuite tu fais tes planches ?
Oui, en général c’est mieux de faire un storyboard avant le dessin.
Ton storyboard est très détaillé ?
Non, je ne suis pas fan de dessin à la base, ce n’est pas du tout ma passion. Pour moi, c’est un outil de travail qui est en plus très chronophage, donc le moins je peux dessiner, le mieux je me porte. C »est à dire que mon storyboard c’est des bonhommes bâtons, des fois des cercles avec le nom de la personne sur la tête pour que je sache qui c’est. Parce que si je dois dessiner au storyboard, redessiner au crayonné, redessiner à l’encrage, j’ai l’impression de faire trois fois la même chose, donc le moins de dessins possibles, le mieux je me porte.
Merci beaucoup du temps que tu nous as accordé et pour toutes tes réponses !
Propos recueillis par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 2 février 2025
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