Alors que son dernier album, Bons baisers d’Iran, vient de sortir dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre, nous avons profité de la présence de Lénaïc Vilain au dernier festival BD de Saint-Malo pour aller lui poser quelques questions sur cet album mais également sur ses projets à venir. Rencontre.
Bonjour Lénaïc. Avec Bons baisers d’Iran, tu redores un peu le blason de ce pays et mets à mal les préjugés vis-à-vis de ce dernier. On peut donc dire qu’avec cet album tu te fais ambassadeur de l’Iran ?
Ce serait un peu trop prétentieux de dire ça. Il est vrai que je suis content parce que les premières réactions des gens sont souvent « Ah ? Pourquoi vous avez fait ça ? », je leur explique et du coup ça les intéresse et ils achètent l’album. Je me dis que je suis content d’avoir cet album pour ça car ça leur permet de découvrir un pays qu’ils ne connaissent absolument pas. De là à dire que je suis un ambassadeur de l’Iran… non, car ce n’est ni un livre touristique ni un bouquin d’ethnologie, c’est d’abord une histoire qui raconte un voyage.
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué en Iran ?
Beaucoup de choses, à commencer par la façon dont sont appréhendées les relations hommes-femmes qui est assez amusante. En effet, quand on se rend à un hôtel, il faut être marié pour avoir droit à une chambre avec un lit double. Ce qui m’a marqué également c’est la télévision avec des dessins animés de propagande anti-israélienne pour enfants. Beaucoup de choses absurdes drôles et pas drôles à la fois par rapport à la religion, aux relations hommes-femmes mais aussi hommes-hommes. D’ailleurs, pour ce dernier point concernant l’homosexualité, pour les Iraniens ce n’est pas que c’est interdit mais cela n’existe pas, un homme qui aime un autre homme en fait c’est une femme et dans ce cas on lui propose l’opération afin d’en devenir une. Quelque part ils sont hyper progressistes libéraux. Je tourne toutes ces situations en dérision.
Bien que tu tordes le coup à certains clichés, il n’en reste pas moins que la religion est très présente dans le pays du fait du régime qui le gouverne. Tu emploies l’humour avec justesse, c’est une façon de dédramatiser certaines situations dont tu as été témoin ?
Oui, cela m’a permis de parler de la prostitution et du fonctionnement dans le pays. Il y a un contrat de mariage temporaire de 24 heures signé qui permet d’être en accord avec Dieu et de pouvoir aller voir des prostituées. Je me souviens également du passage où nous avons visité un mausolée et où un monsieur nous a interpellé en nous demandant à la fois très gentiment et gêné pourquoi nous étions là et si nous étions musulmans. Il ne comprenait pas que nous n’étions là que pour visiter un monument uniquement parce que c’est joli. C’était marrant car il ne comprenait vraiment pas, ce n’était pas logique que nous soyons là mais il ne nous interdisait pas pourtant l’accès au mausolée.
Ton retour en France t’a-t-il réellement poussé à réaliser ce livre ou est-ce que l’idée avait germé dans ton esprit avant même d’accomplir ce voyage ?
Ça ne s’est pas réellement passé comme ça, c’était pour le livre que j’ai décidé de le raconter ainsi même si ça n’est pas loin de la vérité. C’est juste que j’exagère toujours pas mal les choses pour le besoin de la caricature. Pour tout vous dire ça s’est passé à l’envers, les coups de fil de mes proches me demandant ce que je vais faire là-bas, je les ai reçu avant mon départ. Quand je suis arrivé à Téhéran je n’avais pas prévu de faire de bouquin là-dessus, j’aime bien voyager, j’aime bien le Moyen-Orient. Dès le passage à la douane c’était déjà drôle, je me suis dit que j’allais quand même prendre des notes et, au bout de trois jours, j’avais déjà une vingtaine de pages de notes. Je me suis alors dit qu’il y avait matière à faire un bouquin. Pour revenir à la question initiale, c’était plus pour l’architecture du livre que ça m’arrangeait que ça se passe à la fin.
Bons baisers d’Iran est particulièrement soigné dans sa conception. As-tu participé en faisant des suggestions à l’éditeur ou lui as-tu laissé gérer cet aspect-là ?
Il s’agit d’un travail commun mais j’ai malgré tout fait énormément confiance aux éditions Vraoum qui font toujours de super beaux bouquins en général. C’est Wandrille qui s’occupe de cela, il est très talentueux et au final je n’ai pas été déçu, il m’a fait un super bel emballage. Il a choisi une encre dorée qui rend super bien vu que l’album est en bichromie, j’aime aussi beaucoup le papier utilisé ainsi que la texture de la couverture.
Est-ce que cette expérience de carnet de voyage pourrait donner lieu à d’autres ?
A priori non parce que je n’ai pas envie d’en faire une spécialité, je fais d’autres types de livres qui sont souvent des autobiographies romancés mais en tout cas je n’ai pas prévu de refaire de carnet de voyage dans l’immédiat même si je ne m’interdis rien. Il faut vraiment qu’il y ait un déclic qui me donne envie de faire un livre. Je voyage beaucoup et, quand je vais en Asie dans un pays où il y a beaucoup de touristes, je me dis que ça n’apporte pas forcément grand chose de réaliser un album, le sujet a déjà été traité.
Tu avais annoncé à l’un de nos confrères d’ActuaBD en 2013 qu’un tome de RAS pourrait voir le jour. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Ce second tome aurait vu le jour si Poivre et Sel existait encore en tant qu’éditeur. A la base RAS devait être en un seul volume avec deux parties mais l’éditeur a préféré faire deux volumes. Le second volume qui était assez court avec 49 pages va être retravaillé par mes soins très prochainement en l’enrichissant. Je ne le ferais pas sous forme d’une autobiographie mais j’utiliserais la troisième personne en essayant d’en faire un chouette bouquin beaucoup plus riche que la version initialement prévue. Par contre, cet album ne s’appellera pas RAS, seul le thème sera identique.
D’autres projets dans les cartons ?
Non, je me concentre essentiellement sur ce projet qui est encore à l’état plus qu’embryonnaire pour le moment mais d’ici cet hiver je devrais avoir structuré l’album pour pouvoir prendre des contacts avec des éditeurs.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 24 octobre 2015.
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