Le festival Quai des bulles a été l’occasion de faire de nouvelles rencontres, celle avec Joëlle Dreidemy est une de celle-là. Autrice pétillante, notamment de la série Pénouche, nous vous proposons aujourd’hui de la découvrir.
Bonjour Joëlle. Peux-tu nous dire qui est à l’origine de cette nouvelle série sur laquelle tu travailles ?
A la base, c’est Karine Leclerc, de chez Nathan BD, qui m’a contacté pour me parler éventuellement d’un projet BD adulte. Étant spécialisée en jeunesse, cela m’a paru une proposition très séduisante. Pénouche est une BD qui est inspirée de la vie de Pénélope Bœuf, qui fait des podcasts très rigolos, des petites chroniques de vie, et Karine a eu l’idée d’en faire une BD. Il y a eu un gros boulot de réécriture pour Anne Schmauch, qui co-signe le scénario avec Pénélope Bœuf, et nous nous sommes jetés à corps perdus dans ce projet. Au final, le personnage de Pénouche n’a rien à voir avec Pénélope Bœuf, il y avait un point de départ et elles ont brodé autour.
Qu’est-ce qui t’a attirée dans ce projet ?
Tout d’abord le fait de faire de la BD adulte, ensuite le côté un peu subversif, aller un peu plus loin que ce que je peux faire en jeunesse. Et puis une BD de 56 pages, j’avais très envie de m’y coller, c’était l’occasion idéale. J’avais déjà travaillé avec Anne Schmauch par le passé pour un Pépix qui s’appelle Perséphone au téléphone, j’aime beaucoup son style et on s’entend très bien donc on forme une chouette équipe. J’apprécie également les anti-héros et Pénouche est une super-anti-héroïne, c’est en quelque sorte une super-héroïne qui se casse la tronche quand même.
Le format des planches change également par rapport à ce que vous avez fait jusqu’à maintenant.
C’est toujours un format qui m’a attirée. Je suis très fan d’Agrippine et plus particulièrement du travail de Claire Bretécher. Il y a quelques années, on m’avait proposé un projet de BD mais j’étais réticente, c’était trop long pour moi. J’aime les projets rapides, changer régulièrement de style de boulot, que ce soit sur des romans, pour la presse ou sur un album, il faut que ça soit varié. C’était donc un challenge de réaliser Pénouche et au final j’ai trouvé ça super. Tellement que l’on va remettre ça avec un tome 2 et pourquoi pas d’autres par la suite, on verra. La fin de ce premier album amène sur une suite car Pénouche est loin d’avoir réglé tous ses problèmes.
Pénouche est un personnage plein de vie, à la recherche d’un mec voire plusieurs, elle est un peu fofolle. Toi tu es prof, tu fais du karaté, tu joues de la basse, tu sembles être quelqu’un d’assez énergique. Ce sont des caractéristiques que tu partages avec le personnage, c’est un hasard complet ?
Pas du tout, je pense que quand on est auteur ou illustrateur on met quand même un peu de soi dans le personnage. Moi je n’ai rien à voir avec Pénouche mais au niveau de la vivacité, l’énergie, le dynamisme et le petit côté farfelu, un peu Pierre Richard aussi, je me suis dit que j’allais me régaler à illustrer ça et il y a bien sûr un peu de moi dans le côté un peu speed de Pénouche. J’avais aussi très envie de travailler à l’encre sur un projet et de ne pas le dessiner sur ordinateur, garder cette spontanéité dans le trait, du coup le personnage s’y prêtait bien. Je me suis régalée sur les expressions des personnages, les posing où elle se casse la figure. Dans le tome 2, on va accentuer ce côté bordélique du personnage alors ça va être encore mieux.
Ces points communs entre toi et le personnage de Pénouche, ça signifie qu’Anne Schmauch te connaît bien ?
Elle me connaît et elle sait ce que j’aime bien dessiner. Ça aussi, c’est un des côtés sympa de cette collaboration et je pense qu’elle joue aussi là-dessus pour écrire le scénario, je trouve ça chouette.
On imagine que le lectorat visé est féminin mais est-ce que ça se confirme sur le festival ou y a-t-il des hommes qui viennent à ta rencontre ?
Alors je n’en ai vu qu’un ou deux, deux ados d’ailleurs. Cela m’a fait très plaisir donc ça ne parle pas qu’aux filles même si la couverture laisse penser le contraire avec la petite culotte avec des cœurs de Pénouche. Cette série n’est pas du tout girly et peut très bien attirer un lectorat masculin.
Cet album est très coloré et justement ça commence dès la couverture.
On voulait quelque chose de très pêchu, surtout pour la couverture, quelque chose qui soit gai et vivant. Je me suis posé la question avant de travailler sur la couleur de savoir si je partais plutôt sur de la bichromie mais au final je pense que j’ai trouvé une bonne petite technique, un univers coloré qui me plaît bien. On avait envie de faire quelque chose de dynamique et pétillant, je crois que c’est vraiment le mot qui caractérise le mieux notre Pénouche.
Dès le début du projet, c’était le but de faire un enchaînement de petites histoires qui mises bout à bout suivent un fil conducteur ?
Cela n’intéressait pas trop Anne de faire des pages à sketch, du coup ça a été un très gros boulot pour elle de construire tout un récit avec des rebondissements. Ce sont des petites saynètes mais le récit suit une progression logique.
Les lectrices peuvent s’identifier à Pénouche et les galères qu’elle rencontre.
On souhaitait partir d’un héros du quotidien farfelu, qui a la vie d’un peu tout le monde et auquel on peut s’identifier.
Tu disais qu’un tome 2 est sur les rails mais également que tu aimais bien varier les plaisirs dans ton travail. Pénouche peut-elle alors devenir une série sur le long terme ?
J’ai mis six à sept mois pour réaliser le premier tome de Pénouche et j’ai été très heureuse de constater que j’ai pu travailler en parallèle sur d’autres projets, ce qui m’a rassurée. Si je n’avais fait que de la BD pendant ce laps de temps, j’aurais été un peu frustrée. Au départ, Karine Leclerc m’avait annoncé que l’on partait pour une série de cinq ou six albums, je lui avais répondu de ne pas aller trop vite et de réaliser déjà le premier avant de voir plus loin. Maintenant tout dépendra du retour des lecteurs après deux albums pour déterminer s’il y aura d’autres épisodes ou non. Ces deux tomes vont déjà permettre d’installer le personnage.
On ne le sait pas forcément mais tu es une autrice qui s’exporte à l’international.
Effectivement, je travaille pour l’Angleterre, les Etats-Unis, la Corée, l’Irlande entre autre. En fait, j’ai un agent à Londres qui me trouve du boulot un peu partout dans le monde. C’est formidable de bosser à l’international sur toutes sortes de projets, j’aime beaucoup ça. Je suis un peu un couteau suisse, j’ai des styles très différents. Avec les Anglais, par exemple, j’ai réalisé des livres qui n’ont rien à voir avec Pénouche, j’ai utilisé un style un peu plus léché, plus soigné, avec de belles aquarelles. Mon agent est mon Père Noël à moi, il m’envoie des petits cadeaux sous forme de projets.
C’est assez rare d’entendre parler d’agents dans le milieu de la BD.
En France, ce n’est pas encore très courant mais en Angleterre beaucoup d’illustrateurs ont des agents. Cela commence malgré tout à se développer dans notre pays.
Quels sont tes projets pour 2023 ?
Je travaille sur plusieurs séries avec Nathan dont une série de romans très chouettes pour les lecteurs d’une dizaine d’années, un peu horrifique, qui s’intitule Le Village sauve-qui-peut. Je bosse sur une autre série, Les Héros du CP, aux éditions Auzou, dont ce sera le dix-huitième tome et qui est plutôt accès sur l’apprentissage de la lecture. Je vais aussi travailler sur une espèce d’encyclopédie avec les Anglais, un truc super farfelu avec un dessin à la plume, très lâché, avec des petits lavis à l’aquarelle. N’oublions pas mon travail pour la presse aussi, donc j’ai énormément de projets en cours, surtout que j’oublie certainement d’en citer.
Merci beaucoup à toi.
Avec grand plaisir.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 9 octobre 2022.
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